En novembre 1919, le jeudi 13 exactement, le grand-théâtre de Marseille partait en fumée à l’issue d’une répétition de « L’Africaine » de Meyerbeer. Cinq ans plus tard, il renaissait sur ses cendres, monument d’Art déco aujourd’hui classé au titre des monuments historiques, en étant inauguré le 3 décembre 1924 avec la représentation de « Sigurd » du compositeur marseillais Ernest Reyer. Cent ans plus tard, jour pour jour, un concert vient de marquer, et fêter, cet anniversaire.
100 bougies, ça se souffle… Et malgré l’inflammabilité du lieu, le maire de Marseille Benoît Payan a pris plaisir à se joindre à Maurice Xiberras, le directeur général de la Maison pour éteindre les bougies d’un gâteau d’anniversaire en forme de triptyque XXL à l’image du concert qui venait d’être donné pour le plus grand plaisir de quelque 1 800 mélomanes venus fêter le centenaire.
L’occasion pour Maurice Xiberras de vivre des heures heureuses, lui qui tient la barre du vaisseau contre vents et marées, affrontant successivement depuis quelques années les grains qui se succèdent, Covid, subventions en baisse, et autres difficultés… En préambule au concert, à l’heure de discours qui furent sobres et bienvenus, Maurice Xiberras, a tenu à souligner l’excellence du travail effectué par celles et ceux qui font « vivre la maison » avant de rappeler, et de se féliciter, de l’engagement total et vital de la Ville auprès du centenaire à l’heure où l’État est désengagé et où les autres collectivités ne font guère mieux que lui.
Benoît Payan lui succédait au micro pour dire son attachement indéfectible à l’institution lyrique, l’une des plus importantes en province en France, et sa volonté de lui assurer un avenir. Après s’être félicité de la qualité reconnue des musiciens et choristes maison, les premiers dirigés par Michele Spotti et les seconds par Florent Mayet, le maire soulignait, entre autres, combien il était satisfait de voir l’opéra renforcer sa mission de diffusion permettant à un genre trop souvent stigmatisé d’élitisme d’être partagé avec le plus grand nombre et, en particulier, avec les jeunes. A son tour il remerciait, lui aussi, les corps de métier qui œuvrent pour la bonne marche de l’établissement lyrique ainsi que le public dont la fidélité et la présence sont indispensables et prouvent leur attachement à la maison.
Tout ceci en préambule au concert composé autour d’airs et moments musicaux empruntés à des œuvres de Verdi, Rossini, Bellini, Gounod, Massenet et Wagner.
Pour les servir, devant le chœur et l’orchestre, Maurice Xiberras avait convié quelques voix qui ont marqué ces dernières années à l’Opéra. Karine Deshayes retrouvait son « Casta Diva » délicat de la Norma avant de devenir La Reine de Saba alors que Patrizia Ciofi déchainait ses tifosi avec Traviata et Gilda puis Csilla Boross enchantait en Aida et Leonora.
En pleine forme, Enea Scala imposait ses aigus avec un sublime « Ah lève toi soleil » du Roméo et Juliette de Gounod alors que Marc Barrard donnait une leçon de chant rossinien avec « A un dottor della mia sorte » du Barbier de Seville avant de faire pleurer son auditoire avec « Riez, riez, allez, riez du pauvre idéologue », la plainte de Sancho du « Don Quichotte » de Massenet. En Rigoletto, Juan Jesus Rodriguez tirait les frisson avec sa diatribe envers les courtisans et la voix sombre et précise de Nicolas Courjal excellait pour Verdi ( Fiesco, « A te l’estremo addio… Il lacerato spirito » Simon Boccanegra ). Pour terminer ce concert, le final du Guillaume Tell de Rossini, « Tout change et grandit en ces lieux ! » réunissait l’ensemble des interprètes.
L’orchestre, idéalement dirigé par Michele Spotti, et le chœur ont eu, eux, l’occasion de briller avec « Gloria all’Egitto e ad Iside », la célèbre marche empruntée à Aida, celle « des trompettes », et dans le prélude de l’acte III de Lohengrin. Un grand moment pour fêter les 100 ans d’un établissement lyrique qui doit vivre…
Michel EGEA