Publié le 24 avril 2015 à 23h30 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h50
Plusieurs milliers de personnes ont répondu à Marseille, à l’appel du Conseil de coordination des associations arméniennes de France (CCAF) pour manifester, en ce 24 avril, jour de commémoration du génocide arménien, de Castellane jusqu’à l’Église arménienne du Prado. Un moment fort auxquels ont participé nombre d’élus locaux toutes sensibilités confondues. Émotion, douleur, colère mais aussi espoir étaient les sentiments mêlés qui nourrissaient les manifestants lors de cette journée si particulière.
Rafi Delanian s’occupe des scouts apostoliques : «Le mouvement scout représente les valeurs qui, font que nous sommes là aujourd’hui. Nous sommes les descendants d’un miracle. Les Turcs ont voulu nous exterminer, simplement parce que nous étions, a échoué. La vie a été la plus forte. Ils nous ont enterrés, ils ne savaient pas que nous étions des graines. Des graines qui, telles des myosotis (fleur choisie pour commémorer le centenaire), le cœur noir évoque le génocide, les pétales évoquent ces graines qui ont poussé sur les cinq continents. Aujourd’hui nous célébrons la joie d’être en vie et de dire : « désolés, nous avons survécu ». C’est en même temps un moment d’infini tristesse car nous attendons toujours d’entamer le processus de deuil. Pire, la douleur est ravivée. Lorsque Daesh est entré dans Mossoul une des premières choses qu’il a réalisé c’est de faire exploser l’église mausolée dans laquelle reposait des milliers d’ossements».
«Nous aurions aussi aimé un geste d’Obama qui n’est pas venu»
Julien Harounian, porte-parole du CCAF Marseille-Provence avoue vivre cette journée «avec beaucoup d’émotions mais aussi d’espérance. On assiste à des déclarations du Pape, du Parlement européen, de l’Autriche, l’Allemagne… auxquelles on ne s’attendait pas. Et comment ne pas dire notre satisfaction de savoir que François Hollande est à Erevan pour cette commémoration. Et puis il y a de la tristesse. La Turquie a laissé passer une nouvelle chance, même si la société civile bouge, même si des arméniens dont les parents, les grand-parents ont été islamisés de force, découvrent leur identité et, pour une partie d’entre-eux, la revendique. Nous aurions aussi aimé un geste d’Obama qui n’est pas venu».
Pascal Chamassian, secrétaire national du CCAF avoue ressentir «une vibration mondiale ». «Cela fait tellement d’années, explique-t-il, que nous manifestations dans un relatif anonymat tous les 24 avril et là, dans le monde entier des manifestations ont lieu. Et c’est fort de vivre cela à Marseille, la capitale européenne de la diaspora».
«Un pardon qui permettra à nos grand-parents, enfin, de reposer en Paix»
Didier Parakian est là en tant qu’arménien et en tant qu’élu UMP de Marseille. «Nous vivons une journée douloureuse et porteuse d’espoir en même temps. En ce qui me concerne, je représente la troisième génération à avoir trouvé refuge en France. C’est douloureux parce que nous évoquons les 1 500 000 morts, la souffrance des survivants. Et puis c’est une journée d’espoir lorsque l’on entend les propos du Pape François qui évoque le génocide arménien, le premier du XXe siècle. Ce 24 avril l’Allemagne vient, non seulement, de reconnaître le génocide mais de dire qu’elle en est coresponsable. L’Autriche aussi a reconnu le génocide, ainsi, en peu de temps, nous sommes passés à 25 pays qui le reconnaissent. Et en Turquie les choses aussi bougent. Ce Pays doit reconnaître ses erreurs, il se grandirait en demandant pardon. Un pardon qui permettra à nos grand-parents, enfin, de reposer en Paix». Pour lui : « Nous nous battons maintenant pour la quatrième génération, pour qu’elle ne vive pas avec le poids de cette négation». «Nous avons fait une veillée, poursuit-il, et j’ai vu dans le regard de certains jeunes de la haine. Ce n’est pas cela que je veux voir mais de l’espoir. Et voilà quelques jours, ma fille de 10 ans a eu un exposé à faire sur l’Arménie. J’étais fier, et en même temps je me demandais comment lui expliquer ce qu’est un génocide».
«Un peuple martyrisé qui depuis 100 ans, réclame reconnaissance et justice »
Pour Eugène Caselli, PS: «Il s’impose d’apporter un soutien à un peuple martyrisé qui depuis 100 ans, réclame reconnaissance et justice. Nous devons, en tant que politique, être là pour soutenir cette cause et pour dire à la Turquie qu’elle ne peut espérer adhérer à l’Europe sans reconnaissance du génocide».
Pierre Dharéville, PCF, se réjouit que la France est reconnue le génocide : «La négation de ce crime contre l’humanité doit maintenant entrer dans notre droit pénal afin d’être sanctionnée comme d’autres actes et propos négationnistes». «La France, avance-t-il, creuset contre les racismes, pourrait encore se grandir, si elle reconnaissait l’une des figures emblématiques de la liberté, je veux parler de Missak Manouchian, ce poète, l’un des premiers résistants et un des martyrs de l’Affiche rouge, qui incarnent ces étrangers et nos frères».
Jean-Luc Bennahmias, le président du front Démocrate Écologiste et Social lance: « Il y a tellement à faire actuellement que, franchement, il n’y aucune raison d’attendre 100 ans pour reconnaître un génocide».
Au sein du cortège on a pu également noter la présence des franc-maçons du Droit Humain. Monique Robillard explique : «Notre ordre mixte et international souhaite s’associer dans le souvenir, de cette sombre page de l’Histoire, a tous les descendants des victimes de la première tragédie génocidaire du XXe siècle et les accompagner dans leur détermination à la voir officiellement reconnue par la Turquie». Elle tient à préciser à ce propos : «De plus en plus d’intellectuels Turcs et une partie de la jeunesse reconnaissent que la destruction des populations arméniennes a bien constitué un génocide». Elle ajoute que cette reconnaissance est importante pour les Arméniens mais aussi pour les Turcs qui ainsi «retrouverons leur dignité en regardant leur passé en face».
Michel CAIRE