À l’occasion de son 80e anniversaire, l’Institut de recherche pour le développement (IRD) vient d’organiser à Marseille le Forum international SCIENCE4ACTION pour comprendre, construire, transformer ensemble.
Cette année anniversaire a mobilisé l’ensemble des 35 implantations de l’Institut dans les pays des régions tropicales et méditerranéennes, avec une programmation culturelle riche, reflet de la diversité de ses actions et des nombreux partenariats internationaux qu’il a tissés et renforcés au fil du temps. Pour clore cette année de célébration L’IRD vient d’organiser le forum Sciences 4 action au Palais du Pharo, à Marseille. Placé sous le haut patronage d’Emmanuel Macron et sous le patronage de l’Unesco, il a également bénéficié de la labellisation du Festival de la francophonie.
« Sciences 4 action incarne l’engagement continu de l’IRD pour l’avenir, sa détermination à contribuer de manière significative à la compréhension des grands enjeux mondiaux, à mettre la science au service de l’action, à accompagner la transformation des sociétés vers des modèles sociaux, économiques et écologiques plus justes et durables», rappelle Valérie Verdier, présidente-directrice générale de l’IRD.
Dès la première table-ronde on est dans le vif du sujet puisqu’il est question des sciences pour répondre aux défis de l’humanité. Préservation de l’environnement, lutte contre la pauvreté, santé pour tous… Comment la science peut relever ces grands défis auxquels l’humanité est aujourd’hui confrontée ? Un débat qui réunissait Françoise Fromageau, vice-présidente de la Fondation Croix-Rouge française, Maud Lelièvre, présidente du Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et membre du Conseil international de l’UICN, Nadine Machikou, vice-directrice de l’Université de Dschang (Cameroun), vice-présidente de l’Association africaine de science politique. Et, Françoise Vimeux, climatologue, directrice de recherche à l’IRD pour qui : « La recherche scientifique est là pour créer de nouvelles connaissances à partir des questions posées. Et son devoir est de répondre aussi aux questions que l’on ne se pose pas encore.». Puis, la climatologue, insiste sur l’importance d’être «en capacité d’évaluer les risques car sans la mesure du risque on n’a pas la dimension de la solution.» Elle pose également la question de l’inégalité face à la recherche en évoquant la situation des pays du Sud mais elle précise que « le but de l’IRD est que ce travail de recherche existe aussi dans ces pays. »
« Nous vivons une époque de disparition accélérée de quelque chose que l’on ne voit pas »
Maud Lelièvre évoque la biodiversité : « Elle est d’autant plus en danger qu’elle est invisible. Nous vivons une époque de disparition accélérée de quelque chose que l’on ne voit pas. »« Il faut ,ajoute-t-elle, plus de science mais pour quel résultat ? On ne peut pas avancer si on ne travaille pas pour la population et on doit être dans des accords gagnants-gagnants. On doit sortir du néocolonialisme.»
Françoise Fromageau évoque la fondation Croix Rouge « avec laquelle nous avons l’ambition de créer une communauté de chercheurs et de chercheurs du Sud particulièrement. Nous voulons partir des besoins du terrain, avoir des recherches participatives, valoriser les travaux de recherches, comprendre pour mieux agir. Au Niger nous travaillons avec la population sur la santé sexuelle des jeunes ». Considère : « Il faut que les plus vulnérables trouvent place dans la société. Et il faut bien mesurer que travailler avec des gens qui connaissent des difficultés, des crises, voir leur résilience, peut donner des leçons chez nous. » Et Françoise Fromageau insiste : « Il faut de la recherche pour donner aux personnes la possibilité de faire des choix. »
« Un accroissement de la richesse privée pour une petite minorité pendant que nos sociétés s’appauvrissent »
Pour avancer ensemble Nadine Machikou estime que la question à se poser est celle de l’identité, du rapport aux autres : « Comment une société se voit ? Comment voit-elle les autres ? Comment elle assure sa subsistance et quelles sont les limites de sa subsistance ? » « Nous avons, poursuit-elle, un accroissement de la richesse privée pour une petite minorité pendant que nos sociétés s’appauvrissent. » Et, dans un contexte « de partage très inégal de la science il faut que cette dernière se repolitise et soit une science du soin et de la réparation. » Il faut selon Nadine Machikou que : «la recherche soit ouverte et le soit de façon radicale.» Maud Lelièvre ajoute : «Et il faut des liens entre la recherche et des plans d’action et le droit. » Françoise Vimeux insiste, pour sa part, sur la règle des 10/50 : « 10% des plus riches sont responsables de 50% des émissions de gaz à effet de serre et 50% des plus pauvres de 10% des gaz à effet de serre.»
Françoise Fromageau alerte sur un autre problème : « Bientôt il y aura plus sur cette planète de personnes de plus de 65 ans que de personnes de 18 ans. Et, avec la guerre en Ukraine nous avons accueilli pour la première fois des personnes âgées . Cela préfigure ce que nous allons connaître dans les années à venir. »
Nadine Machikou reprend : « Il faut se poser la question de savoir ce que veut-dire le fait d’habiter le monde ensemble alors que le changement climatique va entraîner des déplacements très importants de population ». Il faut, pour elle : « Un engagement radical dans la recherche et être un témoin radical. Il ne faut pas être dans une logique macro mais être au plus près des plus démunis. Il faut repenser notre conception de ce qu’est la vie, la matière, la richesse, la valeur. On doit penser une nouvelle manière de penser le vivant, notre cohabitation avec la Terre.»
Michel CAIRE