Publié le 1 octobre 2019 à 18h52 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 12h32
Il a tenu sa 8e édition du 23 au 29 septembre. Le Festival International du dessin de presse, de la caricature et de la satire de L’Estaque a notamment vu Fathi Bouaroua, co-président de la communauté Emmaüs Pointe Rouge, présenter avec l’association Didac’Ressources un jeu bien dans l’actualité marseillaise : le Taudis-Poly.
Dimanche 29 septembre. Sur le boulodrome de l’Estaque, non loin de l’Espace Mistral, boules de pétanque et cochonnets ont cédé leur place à d’autres armes de « pointe ». En effet, dessins de presse, de la caricature et de la satire ont investi l’espace, à l’occasion de la 8e édition du Festival International éponyme. Nouvelle mouture qui a permis, aux associations, dessinateurs, caricaturistes présents, de «tirer» à boulet rouge avec, en ligne de mire, trois thématiques. Fathi Bouaroua, fidèle depuis les prémices en tant que directeur de la fondation Abbé Pierre, mais « présent cette année sous son actuelle casquette de co-président de la communauté Emmaüs Pointe Rouge», les a détaillées avec Destimed. Le Festival du dessin de presse «permet d’éclairer les Marseillais sur la critique de notre société. Cette année, il aborde tout d’abord les Gilets Jaunes, car ça a marqué l’actualité de façon conséquente. Le dessin de presse a beaucoup croqué ces petites gens qui étaient sur les ronds-points… La deuxième thématique porte sur les migrants», via «une exposition sur les populations migrantes, les processus de migrations. Mais on présente aussi des associations comme « SOS Méditerranée », d’autres qui se battent sur la question de l’accueil de ces publics en France. Enfin, troisième sujet, qui m’incite à faire acte de présence pour plusieurs raisons, c’est celui lié aux effondrements des immeubles de la rue d’Aubagne et à la situation du logement à Marseille».Sensibiliser par la caricature et par le jeu de société
Car sur son stand, Fathi Bouaroua a proposé de quoi sensibiliser les visiteurs à la question. Tout d’abord, un album de caricatures, intitulé «Le logement est un droit, le taudis est un crime». «Il s’agit d’une revue de dessins de presse sur ce drame du logement, à Marseille. Ce sont des événements qui ont beaucoup frappé les populations. Et toutes ces caricatures les ont marquées aussi»… Car «le dessin a une signification, une écriture qu’en tant que citoyen, on doit savoir déchiffrer». Autre création, Fathi Bouaroua a aussi présenté le Taudis-Poly. «C’est un jeu qui s’inspire du « Monopoly » mais principalement pour montrer les adresses et les situations du mal logement à Marseille. On y retrouve bien sûr la question des bidonvilles et de leurs populations de Roms, les hôtels meublés du centre-ville, les HLM insalubres comme on peut en rencontrer dans certaines cités marseillaises, où on meurt d’ailleurs de la légionellose… Il y a aussi les noyaux villageois en péril, les immeubles qu’on laisse pourrir et qui appartiennent à la collectivité publique ou à de grandes institutions privées. Mais encore, les grandes copropriétés dégradées comme Maison Blanche ou Corot, où il se passe des choses très difficiles pour les habitants de cette ville». Bref, un jeu à caractère informatif et non pas un simple divertissement, à mettre donc plutôt entre les mains des adultes et des adolescents. «Parce qu’il est basé sur une revue de presse des situations réelles de tous ces immeubles. Les cartes collectivités, notamment, donnent des informations sur la manière dont sont gérées dans cette ville les questions du logement, d’urbanisme et de droit du logement». Celui-ci est disponible, non seulement sur ebay, mais aussi chez son producteur, l’association Didac’Ressources [[Didac’Ressources – Coordonnées de l’association : contact@didac-ressources.eu. On peut également la joindre au 06 18 71 26 66]], au prix de 20 euros.« Maintenir vivante la mémoire du passé »
Et aux dires de Fathi Bouaroua, il y a encore besoin d’informer les locaux sur la question des effondrements, d’autant que les pouvoirs publics sont loin d’avoir relogé toutes les familles, encore aujourd’hui. «Le message est bien passé pendant les 6 premiers mois, les Marseillais restent encore sensibles sur cette question. Cela parce que tous les jours dans cette ville il y a des évacuations d’immeubles, des personnes qui signalent des risques d’effondrement, de fissures et autres auprès des services. Sauf qu’il est toujours bon de maintenir vivante la mémoire de ce qui s’est passé, il y a bientôt un an. Pour que les pouvoirs publics n’oublient pas leurs responsabilités, pour que cette ville soit gérée correctement et pour que l’incurie qu’ils ont pratiquée pendant 50 ans s’arrête. Ils doivent mettre les moyens pour que plus jamais dans Marseille, des gens puissent mourir à cause du logement». Et ce, en attendant que la justice ne tranche… Mais ce ne sera pas une mince affaire, illustre le co-président d’Emmaüs Pointe Rouge. «Les responsabilités seront diffuses sur la question de la rue d’Aubagne parce que 50 ans de laisser aller, de pourrissement, de gestion, pour ne pas dire de non gestion de la question du bâti et de l’habitat font en sorte que les responsabilités seront nombreuses. L’ARS ou Agence Régionale de Santé, les services d’hygiène, les propriétaires de premiers immeubles, Marseille Habitat, qui a laissé son immeuble vide, les syndics qui n’ont pas obligé les propriétaires à réaliser les travaux quand il le fallait : tout ça concourt à une responsabilité diffuse, collective. C’est pour cela qu’Emmaüs entend continuer à soutenir les habitants, les délogés, les sinistrés. Pour qu’à aucun moment la lenteur administrative ou judiciaire, prenne le pas sur la vigilance. Pour protéger nos concitoyens tant sur le plan de leur santé que de leur sécurité». Pour autant, Emmaüs n’a pas signé la charte de relogement, revient Fathi Bouaroua… Un vrai «paradoxe », pour certains, puisque la communauté a fait partie de ceux qui ont élaboré ce texte. Toutefois, «il n’était pas question de signer une Charte dans laquelle on ne fait que rappeler la loi et le droit. Il n’y a dans cette Charte pratiquement rien d’extra légal. Donc si quelqu’un doit appliquer la loi et le droit c’est ceux qui, au nom de la République, au nom des citoyens, gèrent la ville. Soit l’État, le Département, la Région et, aujourd’hui, la Métropole, et ils n’ont pas besoin que les citoyens viennent leur rappeler cette loi, c’est eux qui doivent la faire appliquer et l’appliquer pour eux-mêmes». Par ailleurs, pour Fathi Bouaroua, «le collectif du 5 novembre, qui est l’un des porteurs principaux de cette Charte, est obligé de se mobiliser encore pratiquement tous les jours pour aller voir la Ville, les bailleurs et l’État pour leur rappeler ce qu’il y a d’écrit dans la Charte qu’ils ont signée ! Donc on voit bien que ce n’est pas la Charte qui est importante, c’est la pression citoyenne et le contrôle citoyen qui font que les élus finissent, hélas, par faire ce qu’ils doivent faire». Et cette pression-là, Emmaüs n’est pas prêt de la relâcher, par le biais de ses propres combats…Entretien avec Fathi Bouaroua fathi_bouaroua_29_09_2019.mp3 |