Marseille. Bilan de la biennale européenne « Manifesta 13 » qui a fermé ses portes prématurément…

Publié le 9 décembre 2020 à  14h31 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  12h20

La 13e édition de Manifesta, qui s’est déroulée pour la première fois en France, à Marseille, dans un contexte sans précédent, a fermé plus tôt que prévu en raison des restrictions sanitaires annoncées le 28 octobre 2020 par le Président Emmanuel Macron, raccourcissant ainsi la biennale d’un mois.

Les Parralèles Sud - Paysages productifs- Installation view - Courtesy of the artist Nicolas Floc'h ©Vost Collectif/Manifesta 13
Les Parralèles Sud – Paysages productifs- Installation view – Courtesy of the artist Nicolas Floc’h ©Vost Collectif/Manifesta 13

Le maintien de cette 13e édition avait pour principal objectif «d’être solidaire avec les membres de l’équipe locale, les artistes ainsi que les citoyen•ne•s de Marseille, dont certain•e•s ont consacré du temps, de l’engagement et de l’énergie à ce projet dans un contexte très complexe et contesté», explique les organisateurs. Pour la première fois dans l’histoire de Manifesta, la biennale a valorisé ses trois programmes de manière équivalente (programme central commissionné, programme éducatif et programme parallèle). Cette année mouvementée a conduit Manifesta à accélérer son processus de transformation vers un fonctionnement radicalement plus local. «C’est pourquoi tous les programmes de cette 13e édition ont été élaborés conjointement avec les acteurs locaux et les citoyen•ne•s de Marseille et de sa région. S’éloignant du format traditionnel d’exposition des biennales». Ainsi explique encore les organisateurs: «L’ambition principale de Manifesta 13 Marseille était donc de devenir plus hybride, plus ancrée localement, d’accroître sa multidisciplinarité et d’impliquer davantage les citoyen•ne•s dans l’ensemble de ses activités.» Au vu du contexte extrêmement imprévisible dans lequel s’est déroulée cette édition, l’organisation a pu analyser comment le format de la biennale pouvait et devait se repositionner dans un monde post-covid. Manifesta a donc dû se transformer en cours d’édition, pour porter toute son attention au public local. De plus, Manifesta profite de cette période pour repenser le rôle habituel des professionnel•le•s et travaille à la constitution d’une équipe issue de la jeune génération qui soit plus démocratique, équilibrée et représentative des voix locales.

Une vue kaléidoscopique de Marseille

L’ensemble de la programmation de cette 13e édition s’est appuyé sur une recherche menée par l’équipe éducation et médiation de Manifesta 13. Ce travail de terrain initial s’est déroulé en même temps que la commande d’une étude urbaine, intitulée Le Grand Puzzle, et réalisée par l’agence MVRDV de Winy Maas et The Why Factory en collaboration avec une centaine d’étudiants et professeurs des écoles d’art et d’architecture de Marseille. Plutôt que de présenter Marseille et ses clivages sociaux, économiques, politiques ou culturels, Le Grand Puzzle met en valeur sa cohérence, aussi singulière soit-elle. L’étude donne une vue kaléidoscopique de Marseille et de sa perception tant intérieure qu’extérieure, tout en laissant la voie à une réponse critique.
Les résultats de l’étude ont ensuite impulsé le projet innovant «Le Tour de Tous les Possibles», une expérimentation de participation citoyenne, à travers un format inédit développé par deux City makers marseillais•ses Joke Quintens et Tarik Ghezali. «Cette méthode expérimentale, consistant à échanger autour des résultats de l’étude urbaine directement avec les citoyen•ne•s marseillais•ses, a permis d’intégrer une nouvelle approche participative au sein des processus de réflexion de la biennale.» Le Tour de Tous les Possibles résonne à présent au sein de l’« Assemblée du futur » de la nouvelle municipalité qui invitera les habitant•e•s de Marseille, aux côtés des élu.e.s et expert•e•s, à participer aux prises de décision de la ville. Ce modèle sera également poursuivi et mis en œuvre au sein de Manifesta 14 Prishtina (Kosovo).

De nombreuses productions d’œuvres

Dans la continuité de son programme artistique, de nombreuses productions d’œuvres ont été réalisées in situ spécifiquement pour l’occasion. Parmi ces productions, dans le cadre du Tiers Programme, initiative de médiation menée par l’équipe éducation de Manifesta 13 avec les citoyen•ne•s de Marseille, le projet au long court de l’artiste danoise Stine Marie Jacobsen, Group-Think, réalisé en collaboration avec plus d’une dizaine d’écoles de Marseille. Dans le cadre des Parallèles du Sud, vaste programme interdisciplinaire composé de 86 projets réalisés par les acteurs régionaux, de nombreuses œuvres d’envergure ont également été produites dans ce cadre parmi lesquelles une intervention sur une œuvre d’art endommagée dans l’espace public marseillais, Target de Jean-Baptiste Sauvage et Planète Émergences, mais aussi Noria – Machine poétique et sonore, une installation monumentale dans le jardin de la cascade des Aygalades sur une proposition des ateliers Sud Side, pour n’en citer que quelques-unes. Quant au programme central Traits d’union.s, la majorité des œuvres présentées ont été produites pour Manifesta 13 Marseille, notamment l’œuvre Crimes de solidarité de Tuan Andrew Nguyen, Centaures de Yalda Afsah, ou encore Housing Pharmacology de Samia Henni.

120 000 visiteurs

La 13e édition de Manifesta s’est déroulée dans un contexte sans précédent marqué par un confinement national privant la biennale de son public international et une ouverture après la saison estivale. Les organisateurs estiment néanmoins à plus de 120 000 le nombre de visites réalisées au cours des dix-huit derniers mois à Marseille et en région. Cette estimation tient compte de la quantité importante de projets et d’événements organisés dans le cadre des trois programmes: les 20 lieux de Traits d’union.s, les 86 projets des Parallèles du Sud, et la programmation d’une année au Tiers QG à Marseille. Mettant en valeur le travail de 366 participant•e•s, la biennale a proposé 354 événements tant physiques que numériques (expositions, visites guidées, conférences, projections, performances, débats) dans plus de 110 lieux à travers la région. Le programme événementiel a quant à lui été accueilli avec succès et a rencontré un public à 90 % local et régional.

Jean-Marc Coppola: «Marseille a été heureuse d’accueillir Manifesta 13»

A la suite de la fermeture prématurée de Manifesta 13 Marseille, le 28 octobre 2020, une partie de sa programmation a été maintenue en format numérique. Près de 1 700 personnes ont visité•e•s virtuellement les expositions du 16 au 29 novembre 2020, et l’intégralité des visites guidées en ligne ont été réservées. Il est à noter que les visites virtuelles individuelles sont possibles jusqu’à la fin de l’année 2020. Pour Jean-Marc Coppola, adjoint à la Maire de Marseille en charge de la Culture pour toutes et tous, à la création, au patrimoine culturel et au cinéma : «Marseille a été heureuse d’accueillir Manifesta 13. Cette biennale d’art contemporain a mis en valeur l’ensemble de l’écosystème culturel qui évolue sur notre territoire. Elle a su apporter un regard extérieur sur notre cité. À mon sens, trois éléments forts marqueront notre ville après cette édition particulière de « Manifesta 13 »: D’une part « Le Grand Puzzle », impressionnante introspection qui a éveillé les consciences, mettant à jour les forces et les faiblesses de la ville, révélant aussi sa singularité et ses potentiels. Ce manifeste pourrait nourrir, si la municipalité souhaite s’en saisir, un ambitieux projet pour les années à venir. D’autre part, la Biennale a boosté le secteur de la création contemporaine, en encourageant les coopérations artistiques, telle la Fédération des nombreux acteurs du PAC. Enfin, et incontestablement, Marseille et la Biennale ont ensemble relevé le défi de la crise sanitaire mondiale en maintenant, en réadaptant, en ajustant cette 13e édition aux nombreux aléas survenus depuis le 16 mars 2020. Manifesta, unique biennale itinérante au monde, s’est installée à Marseille et pour la première fois en France depuis sa création dans les années 90. C’est là notre fierté pour la ville, ses acteurs culturels, ses habitants, … et plus globalement son bassin de vie».

Hedwig Fijen: «2020, « Annus horribilis », révèle une biennale en pleine transition»

Hedwig Fijen, directrice de Manifesta 13 Marseille et présidente du conseil d’administration de Manifesta 13 note: «La 13e édition de Manifesta à Marseille en 2020, « Annus horribilis », révèle une biennale en pleine transition. Cette période nous renvoie de manière critique à notre plus grand défi : comment l’art et la culture peuvent lutter contre la polarisation et la division, en repensant la production culturelle et l’institutionnalisme en solidarité avec nos publics locaux et comment prendre soin, non seulement de nos propres institutions, mais aussi de l’ensemble de l’écosystème artistique. C’est ce que nous a appris Manifesta 13 en 2020 à Marseille, désapprendre le passé et repenser notre avenir. Il nous reste encore beaucoup de travail dans ce sens».
La rédaction

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