Marseille. Centre Fleg : les valeureuses à l’honneur

La deuxième édition du « Jardin du Bien Universel » organisé par le centre Fleg en partenariat avec la fondation Gariwo vient de se tenir à Marseille . Soirée placée sous le signe des femmes puisqu’à cette occasion ont été honorées Ginette Guy, résistante pendant la seconde guerre mondiale, représentée et en présence de sa fille Nicole Bacharan et Mona Jafarian, présidente du collectif « Femme Azadi » pour son combat en faveur des femmes iraniennes et Cochav Elkayam-Levy, fondatrice de « la commission civile sur les crimes du Hamas contre les femmes et les enfants » alors qu’un hommage a été rendu à Youssef Ziadna, bédouin ayant sauvé 30 Juifs lors de l’attaque du Hamas.

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Deuxième édition du « Jardin du Bien Universel » organisé par le centre Fleg en partenariat avec la fondation Gariwo (Photos Hagay Sobol)

L’objectif de cette opération est que le concept de Juste devienne universel

Destimed Gabriele Nissim president de la fondation Gariwo
Gabriele Nissim, président de la fondation Gariwo © Hagay Sobol

Dans ces temps de montée du racisme et de l’antisémitisme il est des moments qui invitent à la réflexion, qui, face à l’aveuglement plaident pour la justesse, pour l’humanité. Un temps qui vient de se dérouler au centre Fleg de Marseille à l’occasion de la deuxième édition du « jardin du Bien universel ». Une opération initiée par Gabriele Nissim, président de la fondation Gariwo. Il explique : «Nous avons créé 300 jardins des Justes dans le monde : en Italie, en Pologne, au Moyen-Orient, en Argentine… L’objectif de cette opération est que le concept de Juste devienne universel car, à chaque fois que les droits de l’Homme sont attaqués des Justes se lèvent. Ils représentent l’espérance d’autant que tout le monde peut être Juste car tout le monde a la possibilité de choisir entre le bien et le mal ». Indique que : « nous avons fait approuver par le parlement européen une journée des Justes et notre ambition est que les Jardins deviennent des outils de prévention du mal, ce sont des lieux d’éducation à la citoyenneté. C’est la différence avec la logique de mémorial car tu peux rappeler la mémoire mais si tu n’enseignes pas l’éthique les gens ne s’engagent pas ».

« On ne fait pas de politique, on enseigne, insiste Gabriele Nissim, on ne fait pas de morale, c’est totalitaire, on donne à chacun la possibilité de penser ». Il précise encore: « On parle des Justes dans des situations extrêmes mais il faut reconnaître ceux qui agissent avant que le mal arrive sachant qu’il est difficile de reconnaître dans le temps présent un Juste.»  Un temps présent « très dangereux ».  Ainsi,  le rôle des Jardins « est de défendre les idées de liberté, de responsabilité car si on ne peut pas éliminer le mal, c’est une bagarre qui recommence toujours, on peut le combattre avec l’éducation », assure Gabriele Nissim.

« Nous vivons un époque de fractures et de polarisation extrême avec une bunkérisation des consciences »

Destimed Evelyne Sitruk presidente du centre Edmond Fleg de Marseille
Évelyne Sitruk présidente du centre Edmond Fleg de Marseille ©Hagay Sobol

Évelyne Sitruk, la présidente du centre Edmond Fleg de Marseille  signale : « Nous vivons une époque de fractures et de polarisation extrême avec une bunkérisation des consciences. Chaque camp se transforme en forteresse au gré de fake news que l’on trouve sur les réseaux sociaux. La mission la plus urgente est d’honorer et de célébrer ceux qui refusent ces prisons morales en tendant la main à celui ou celle qui en a désespérément besoin ». Puis d’évoquer l’importance de sa rencontre avec Gabriele Nissim : « Nous avons parlé de Gariwo et de la forêt des justes universels, j’ai tendu l’oreille parce que ce projet répondait à des questions que je me posais depuis longtemps. Comment transmettre la mémoire ? La mémoire des justes ? Comment être des passeurs de cette notion de courage, alors que les témoins disparaissaient ». Elle ajoute : « Si j’ai été émue par cette belle initiative, c’est certainement parce qu’au fond de moi j’ai toujours ressenti comme une évidence que la mémoire de la Shoah, qui nous est si chère, permet d’honorer ces disparus et ces héros et que l’oubli serait une trahison». Évelyne Sitruk précise immédiatement : « Mais cette exigence de mémoire se justifie d’autant plus qu’elle prend le caractère universel qui la grandit et la perpétue ».

Regrette que :«l’actualité malheureusement ne nous aide pas. Nous aurions plutôt le réflexe de ne voir que notre propre souffrance ». Mais, poursuit-elle : « Le sens pédagogique de la mémoire que nous savons indispensable relève de la capacité de vigilance et de reconnaissance d’autres tragédies humaines. Ce sont nos valeurs, notre humanité qui, depuis toujours, nous permettent de ne pas détourner les yeux des tragédies subies par d’autres peuples ». Alors, elle ne cache pas penser «aux victimes du 7 octobre mais aussi aux souffrances des civils de Gaza ».

« La notion du bien face à l’adversité est une notion profondément individuelle »

Évelyne Sitruk considère que  : « la justice est une exigence collective tandis que la notion du bien face à l’adversité est une notion profondément individuelle. Celui qui se dresse devant le mal est un individu qui refuse qu’un pouvoir assigne à un destin inéluctable un autre que lui. Le propre des tyrannies est de refuser toute expression à l’individu au profit de leur pouvoir criminel. C’est cette résistance au mal et à l’injustice qui est l’illustration du courage le plus noble qui soit ».

Elle met en exergue ce choix de consacrer cette édition « aux femmes qui luttent et ont lutté pour leurs droits, leurs vies et leur liberté avec cette détermination que seul celles qui résistent pour leur vie en sont capables ». Elle évoque  Ginette Guy arrêtée à Marseille en Juillet 1944 par la Gestapo dont la figure sera évoquée par Nicole Bacharan, sa fille ; les femmes iraniennes qui luttent depuis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre 2022 pour leur liberté, au péril de leur vie représentées par Mona Jafarian du collectif Femme Azadi. Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix qui se trouve actuellement en Prison en Iran pour ses actions en faveur des droits humains… Noémie Benchimol, en visio depuis Jérusalem, présente la commission civile sur les crimes du Hamas contre les femmes et les enfants, fondée par Cochav Elkayam Levy. « Enfin nous ferons une exception à cette cérémonie consacrée à des femmes courageuses, en mentionnant cet acte de courage absolu, d’abnégation ayant conduit Youssef Ziadna, un chauffeur de minibus israélien, bédouin, à sauver 30 jeunes juifs qui assistaient au Festival Supernova au péril de sa vie. Il a répondu à l’appel de détresse et s’est rendu sans réfléchir sur les lieux du massacre pour ramener le plus de jeunes possibles ».

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Des justes ont été honorés en plantant des arbres portant des agrumes, symbole de la Méditerranée, arbres hébergés et soignés au jardin du 109 au Casim avant de rejoindre le jardin du bien universel commun, au parc du 26e centenaire ©Hagay Sobol

Des justes qui ont été honorés en plantant des arbres portant des agrumes, symbole de la Méditerranée, Ets Haïm qui signifie arbre de vie en hébreu, arbres hébergés et soignés au jardin du 109 au Casim avant de rejoindre le  jardin du bien universel commun, au parc du 26e centenaire. « Cette parcelle de jardin nous a été attribué par la mairie de Marseille, son maire Benoit Payan ayant validé le projet porté par Lisette Narducci, adjointe en charge des familles, des mémoires et des anciens combattants ». Cette parcelle sera prête début 2025.

« Le bonheur, la sécurité ne s’achètent pas n’importe quel prix »

Nathalie Tessier, conseillère municipale déléguée aux droits des femmes,  remercie les intervenants « pour leurs propos plein d’humanité ». Indique penser « aux victimes du 7 octobre, aux femmes d’Afghanistan, d’Iran, de Gaza… » Lisette Narducci confirme pour sa part: «Ces arbres seront plantés en pleine terre l’an prochain dans un espace pédagogique du parc du 26e centenaire.

Destimed Nicole Bacharan
Nicole Bacharan, fille de Ginette Guy, résistante pendant la seconde guerre mondiale.©Hagay Sobol

Résistante pendant la seconde guerre mondiale, Ginette a 18 ans en 1942. Elle travaille chez un fourreur, à Toulouse, encore en zone libre, quand elle tombe amoureuse de Jean Oberman. Il est juif et c’est d’abord par amour qu’elle « va ouvrir les yeux». Elle assiste aux menaces, aux brimades, aux premières déportations, aux premières réflexions. Elle voit également les dangers qui pèsent sur les enfants. Elle va aider à cacher dans un couvent le petit frère, la petite sœur de son amoureux. Cela sera sa première ouverture sur ce monde extrêmement sombre de l’antisémitisme et de l’occupation. Elle va devenir Marie Claude dans la résistance, son nom de code lorsqu’elle rejoint le réseau Libération Sud « elle devient courrier inter-régions ». Elle prendra de vrais risques, à tel point que quand elle est arrêtée à l’été 1944, à Marseille. « Elle joue la niaise avant de dire au chef de la Gestapo qu’il allait perdre la guerre. Elle est torturée, envoyée en Allemagne d’où elle réussira à s’enfuir », indique sa fille, Nicole Bacharan qui précise: « Le chef de la Gestapo écrira dans ses dossiers qu’elle est la plus résistante de toutes». De cette phrase, sa fille Nicole Bacharan, en écrira un livre où elle y raconte la vie et l’engagement de sa mère. Un  livre qui est le fruit d’une longue enquête. «Je ne m’attendais pas à trouver autant d’éléments sur une jeune femme, restée anonyme et qui est dans les dossiers de la police et de la Gestapo», raconte Nicole Bacharan. Ginette Guy va être battue et torturée. Des violences qu’elle ne racontera pas à ses enfants. «Je suis fascinée par la capacité que j’ai eue à ne pas voir», dévoile Nicole Bacharan. Au-delà, elle considère : « Ma mère n’était pas parfaite. Pourquoi a-t-elle fait le choix du bien ? Tout simplement parce que pour elle il n’y avait pas de choix. Le bonheur, la sécurité ne s’achètent pas n’importe quel prix».

« Les femmes iraniennes se battent contre un monstre sans merci »

Destimed Mona Jafarian presidente de Femme Azidi
Mona Jafarian, présidente de Femme Azidi ©Hagay Sobol

Le collectif «Femme Azadi» est une association de femmes franco-iraniennes qui porte la voix du peuple iranien dans sa révolution. «Femme, Vie, Liberté» trois mots, un slogan  contenant la tristesse et la colère d‘un peuple après la mort de Mahsa Amini le 16 septembre 2022. Arrêtée pour «port lâche» du hidjab, la jeune femme kurde de 22 ans a été battue à mort par la police des mœurs lors de sa garde à vue. La parole de Mona Jafarian, présidente de Femme Azidi, est forte : « Chaque période a son fascisme. Aujourd’hui c’est l’obscurantisme, le terrorisme. Les femmes iraniennes se battent contre un monstre sans merci. Dans ce contexte notre association a pour but d’éveiller les consciences, on mène des actions caritatives et on aide des gens à fuir. Et quand on nous dit en Occident que les femmes iraniennes se battent pour être libre de porter ou non le voile  on se trompe. Quand on lève le voile et qu’on le brûle au péril de sa vie  c’est pour rejeter ce symbole ultime de l’apartheid envers les femmes. Ce voile, ce n’est en effet pas qu’un bout de tissu c’est tout un système islamique qui réduit la femme au néant». Elle signale : « Les femmes comme les hommes continuent de résister. Cela s’exprime de différentes manières, des hommes vont par exemple en short au stade, ce qui est interdit. Et massivement, la population a refusé d’aller voter aux législatives. Alors que le pouvoir annonce 40% de votants, les informations que nous avons laisse penser que nous sommes plus autour de 8%. Le régime est dépassé malgré une forte répression et l’opposition se structure autour de Reza Pahlavi ». Elle lance : « Israël fait tomber nos bourreaux et pour cela nous serons éternellement reconnaissants ». Elle conclut : « Khomeini, le fondateur du régime iranien adorait le mot islamophobie car il l’utilisait pour dénoncer tous ses opposants ».

« Le Hamas a utilisé le viol et la violence comme arme de guerre »

Lors du massacre du 7 octobre en Israël, des crimes sexuels ont été perpétrés par les terroristes du Hamas. Les témoignages sur des viols et violences sexuelles se multiplient. «Le Hamas a utilisé le viol et la violence comme arme de guerre. Des viols répétés ont été commis, en réunion, des mutilations génitales» . De nombreuses dépouilles de jeunes femmes sont arrivées dans des haillons et des sous-vêtements souvent plein de sang, des bassins, vagins, poitrines de plusieurs soldats perforés par des balles. d’autres ont même eu les pelvis brisés. Les enquêtes prendront des années, comme le prédit Cochav Elkayam-Lévy, professeure de droit, qui a fondé la « commission civile sur les crimes du Hamas contre les femmes et les enfants », pour documenter tout témoignage ou élément sur les exactions.

En direct d’Israël Noémie Benchimol, militante de la commission civile présente le travail accompli par ce collectif, la protection des victimes survivantes et la collecte et la mise en ordre de preuves pour porter plainte devant différentes juridictions. Mais, au-delà elle dénonce : « On assiste à un phénomène où on croit les femmes victimes de violences, de viols… sauf si elles sont juives. Et il a fallu 5 mois à l’ONU pour reconnaître les viols du 7 octobre. Alors c’est un travail sacré qui est engagé car il faut bien mesurer qu’entre aujourd’hui et demain il y a un jour d’écart mais entre le 6 et le 7 octobre il y a un abîme ». Enfin un hommage a été rendu à Youssef Ziadna qui, le 7 octobre,  a sauvé 30 personnes, toutes juives israéliennes, du massacre perpétré par le Hamas en esquivant les balles et en empruntant des petits chemins loin de la route prise d’assaut afin de les mettre en sécurité.

Michel CAIRE

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