Jean-Luc Chauvin, le président de la CCI Aix-Marseille Provence, des représentants de l’hôtellerie au rang desquels Gérald Passédat, commerçants de Noailles, de Belsunce, du Vieux-Port ont exprimé leur colère, leur ras-le-bol sur les questions de sécurité, de propreté. Ils demandent que d’ici le mois d’octobre au plus tard une rencontre avec le maire de Marseille, la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence et du département des Bouches-du-Rhône, le président Provence-Alpes-Côte d’Azur, la préfète de police et le préfet de région pour construire des solutions.
C’est hors les murs de la Chambre, que Jean-Luc Chauvin, entouré de nombre de membres du monde économique, a tenu une conférence de presse. Occasion de faire un point sur la situation à Marseille. Et de citer la venue du pape, la Coupe du Monde rugby, les JO l’an prochain… «On est la deuxième capitale de la France…Tous les voyants pourraient sembler au vert. Nous devrions tous nous réjouir de ces bonnes nouvelles. Pourtant c’est une tout autre réalité vécue par les acteurs économiques de cette ville, commerçants, restaurateurs, hôteliers… Une réalité suffisamment préoccupante, alarmante même parfois, pour que je me sente obligé aujourd’hui de tirer la sonnette d’alarme », déclare Jean-Luc Chauvin qui réclame : «C’est très clair, le respect de la loi républicaine».
« Il n’y a pas de fatalité »
«Ce qui, à Marseille, ne trouve pas de solutions en trouve dans d’autres villes», constate Jean-Luc Chauvin qui explique: «J’étais à Nantes voilà peu en moins d’une heure j’ai vu trois patrouilles de la Police Nationale et autant de la municipale. Et lorsqu’un scooter est entré dans la zone piétonne il s’est fait immédiatement arrêter. Un centre-ville c’est un joyau, une carte postale, à Marseille elle s’écorne et cela a un impact sur l’ensemble de la ville ». D’ajouter : « Il n’y a pas de fatalité. Il faut tous se mettre autour d’une table avec les collectivités, les services de l’État pour offrir une vie apaisée à ceux qui travaillent dans cette ville ». Au-delà de la sécurité et de la propreté Jean-Luc Chauvin met en exergue un autre dossier : celui de la cité judiciaire. « C’est un choix politique. Où on l’installe ailleurs que dans le centre-ville et on abandonne celui-ci, soit on le développe.»
« La saison n’a pas été bonne »
Pour Bernard Marty, président de l’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) 13 : « La saison n’a pas été bonne même s’il y a eu des moments intéressants. Mais il y a eu les émeutes dans le centre-ville, des coups de couteau et de feux sur la Canebière… Le commerce doit faire face à une augmentation des prix des matières premières, de l’énergie, au remboursement du PGE (Prêt garanti par l’État NDLR)… Si en plus les clients ne sont pas là. Et tout le monde devrait prendre conscience que c’est le commerce qui apporte la vie ».
« De la propreté, de la sécurité et des congrès d’importance »
La colère on l’a retrouve aussi chez le chef triplement étoilé Gérald Passédat qui rappelle avoir haussé le niveau de la cuisine à Marseille, avec succès : « Et aujourd’hui Marseille compte de nombreux chefs et cheffes de talent». Il poursuit : « Je me demandais il y a quelques années si nous ne devions pas devenir un Palace. Mais je vois que mon quartier est écorné par manque de propreté, de police. Je vois des gens déféquer sur les rochers, devant l’établissement, je vois des tags sur les rochers… Quand un client appelle un taxi il dit attendre, près d’une heure, alors nous prenons sur notre temps et nous le conduisons avec la voiture de la Maison, pour qu’il ne rate pas un train, un avion. Et que dire lorsque la corniche est piétonnisée ? Nos clients ne devraient plus partir ou partir à pied ? ». Gérald Passédat réclame: « De la propreté, de la sécurité et des congrès d’importance 12 mois sur 12 ». Il dénonce à ce propos : « Nos politiques ont décidé que les professionnels n’avaient plus à être présents à l’Office du Tourisme. Alors que, pour ne donner que l’exemple de ma famille, cela fait trois générations que nous nous battons pour faire quelque chose de cohérent ». Et il ajoute: « Je sais que l’on me taxe d’hyper cher, j’assume. Je pense qu’il en faut pour toutes les bourses ».
« J’ai même écrit au président de la République »
Adrien Bérard a fait le choix voilà quelques années d’implanter son glacier artisanal à proximité du Vieux-Port. Il a vu les problèmes s’accumuler, là encore en matière de propreté et de sécurité. « J’ai même écrit au président de la République pour soulever les problèmes, son cabinet m’a répondu: « Marseille en grand » ». Il précise : «On travaille avec la Mairie des 1/7 qui est lucide, qui remonte les dossiers mais cela ne suit pas. On a demandé une réunion avec la police municipale, elle a été annulée la veille du jour où nous devions nous voir. Alors force est de constater que nous avons joué le jeu aussi poliment que possible et rien n’avance. Nos clients ne peuvent plus passer, l’espace est occupé par des vendeurs à la sauvette. L’économie illégale l’emporte».
« Noailles est une zone de non-droit »
Paule Prin-Derre, de Noailles, ne dressera pas un portrait plus joyeux. Dès ses premiers mots le décor est planté : « Noailles est une zone de non droit. Les marchands de misère étalent leur marchandise volée ou récupérée dans les poubelles. Les vendeurs de cigarettes ne cachent même plus l’endroit où est leur stock.. Nous avons de la saleté, de la violence, nous, comme nos clients se font agresser, voler. Il faut que cela cesse. Il faut une présence permanente de la police ; des ilotiers et il faut saisir la marchandise des vendeurs de misère ». Elle ajoute : «On parle de piétonisation. Il ne la faut surtout pas, les vendeurs n’occuperont plus les seuls trottoirs mais toute la rue ».
« Nous ne pouvons que déplorer le manque d’actions »
Dans un courrier, les commerçants de Noailles écrivent : « Depuis la présence des vendeurs à la sauvette, dénoncée depuis plus d’un an, nous subissons une perte de notre chiffre d’affaires, notamment liée à une baisse de fréquentation. Nos clients ont peur désormais de se rendre dans les rues de Noailles ». Et d’ajouter : « Nous subissons aussi des vols dans nos boutiques, au moment du déchargement des livraisons ainsi que des vols sur nos clients en terrasse, dans les magasins et aux abords ». Le texte poursuit : «Depuis des mois la mairie centrale, la mairie de secteur et la Préfecture sont sollicitées et nous ne pouvons que déplorer le manque d’actions et de solutions proposées ».
« Depuis des années personne ne nous écoute »
Ce n’est pas de Belsunce que viendra l’euphorie. Pour Thérèse Basse : « On ne considère pas les commerçants comme des acteurs majeurs alors qu’ils sont des acteurs du quotidien, paient leurs impôts et sont facteurs de cohésion. Alors la collectivité doit comprendre que l’on doit travailler ensemble. Quand nous proposons une concertation ce n’est pas parce que nous sommes contre mais parce que nous aimons notre quartier et que nous constatons qu’il est de nouveau à l’abandon ». Et de juger que la perte de chiffre d’affaires se situe entre 30 et 50% pour les commerçants du quartier sur les premiers mois de 2023 . Thérèse Basse rappelle que « depuis des années personne ne nous écoute quand nous alertons sur le centre-ville si nous avions été entendus nous n’en serions pas là avec un triangle de deal Halle Puget- Belsunce-Noailles qui se met en place. Alors, force est de constater que les choses allaient mieux et on est reparti vers le pire ». Et que l’on ne vienne pas lui dire que le quartier, ses commerçants, n’ont rien fait : « On travaille sur des solutions, notamment la mise en place d’un service de gestion des déchets commerciaux, mais aussi la transition écologique, l’emploi. Nous avons obtenu la labellisation de National Géographic qui a su voir la richesse de ce quartier. Alors la collectivité ne doit pas se tromper d’ennemi, elle doit travailler avec nous ». « Attention, poursuit-elle, il ne faut pas transformer les acteurs économique en agent de la répression. Il y a des gens qui font ce qu’ils peuvent pour gagner leur vie. Cela pose la question de la capacité d’accueil de notre pays. C’est ignoble de laisser venir des gens sans avoir la capacité de les accueillir dignement. Mais arrêtons d’opposer les personnes, les communautés. Marseille s’est bâtie sur un ensemble de communautés et la nouvelle migration contribuera à la richesse de Marseille ». «Tout a fait, réagit Jean-Luc Chauvin, Marseille est un modèle, une ville monde ».
Caroline Baron, CCI insiste à son tour sur les solutions en évoquant la formation mise en place de managers de centre-ville. Tandis que Jean-Luc Chauvin annonce que la Chambre propose la création d’un collectif de défenseurs du centre-ville comprenant la CCI, la Chambre des Métiers, les habitants, les CIQ ».
Michel CAIRE