Saluons d’abord la programmation exemplaire de Marseille-Concerts qui offre des récitals divers et variés -« La grande Sophie » par exemple viendra chanter à La Criée le 1er avril 2025 à 20h- d’une exigence et d’une qualité artistique absolues. Qui suscitent les débats aussi puisque j’ai pour ma part peu apprécié la prestation récente d’Ivo Pogorelich qui en « a mis beaucoup à côté ». Mais qu’importe ! Le récital de cet immense pianiste méritait d’être entendu et d’ailleurs beaucoup de spectateurs dont l’acteur Charles Berling venu en mélomane ont applaudi des deux mains.
Impression générale unanime cette fois avec ce « Schubert in love » que l’on a adoré. D’emblée Rosemary Standley au chant, et ses trois musiciens de l’Ensemble Contraste, à savoir Johan Farjot au piano, Arnaud Thorette à l’alto, et l’exceptionnel Antoine Pierlot au violoncelle, ont embarqué chacune et chacun dans un voyage au pays du « Wanderer » de Schubert, de son « Arpeggione » aussi, et d’autres lieder tels que « La belle meunière », et « Le chant du cygne » donnés en extraits dans un concert de près d’une heure trente.
Un programme ambitieux jetant un pont entre les siècles
Programme ambitieux donc où Schubert se retrouve transfiguré, avec des arrangements musicaux signés Johan Farjot, en forme d’hommage au compositeur. Fort du sentiment que, sans forcément le savoir, nous avons des souvenirs et des émotions partagés avec la musique de Schubert, l’Ensemble Contraste proposa un concert autour d’un répertoire qui puisse se prêter à une texture sonore originale, fruit des influences respectives (classiques, pop, jazz, folk) qui ont nourri son travail.
La voix du groupe « Moriarty »
Voix du groupe Moriarty, membre du duo Birds on a wire avec Dom la Nena, Rosemary Standley a toujours été aventureuse dans ses projets, emmenant sa voix singulière vers différents univers. L’Ensemble Contraste fidèle à sa nature profonde, lui permet de décomplexe la musique classique pour créer un mélange inattendu avec des influences du monde entier. Du Voyage d’Hiver à l’Ave Maria, la chanteuse, dont on saluera la voix à la fois puissante et émouvante, et les musiciens partent de la partition mais créent des échappées qui nous conduisent du côté de la folk ou du jazz, jusqu’à l’improvisation.
Dans l’intimité de la musique de chambre – dont la lecture des textes en français entre les morceaux, nous permet de saisir toutes les nuances – ce concert est autant un voyage intérieur à travers les états amoureux peints par Schubert qu’une déclaration d’amour des interprètes au compositeur. Y sont intégrés des rythmes venus d’autres pays, et ici, l’amour, le désir, et la mélancolie, thèmes qui traversent le travail du compositeur sont magnifiés avec brio, élégance, et comme l’a fait remarquer Fred, un spectateur grand mélomane, « avec une grande humilité ». Du coup contraste absolu entre les lieder, les sonates, et les symphonies unis avec maestria, « Schubert in love » crée un espace où la musique du « wanderer man » résonne de manière nouvelle et vibrante.
Jean-Rémi BARLAND