Saluons une fois encore les choix inventifs et variés de Marseille Concerts qui sait captiver son public en lui proposant de voyager en musique dans des contrées habitées par des artistes de haut vol. A ce titre le public du Palais du Pharo fut particulièrement gâté avec la prestation de Marina Viotti au chant et de Gabriel Bianco à la guitare, ceux-ci étant en parfaite symbiose.
Au programme, où il était question de célébrer l’amour, neuf compositeurs joués et interprétés avec la même fougue, un enthousiasme égal, et une intelligence d’interprétation évidente. Gabriel Fauré avec des mélodies, Jules Massenet et sa « Nuit d’Espagne» , une « Canzonetta » de Rossini – «On ne peut pas, en effet, évoquer le monde de la passion sans faire référence à cet artiste italien » a précisé Marina Viotti- , « Siete canciones populares espanolas 1914 » de Manuel de Falla -le moment le plus virtuose de la soirée- la « Gnossienne n°1 » de Satie, pour la partie « classique » du concert. Côté chansons nous eûmes la célèbre « Historia de un amor » de Carlos Eleta Almaran, titre immortalisé en français par Dalida, « La chanson des vieux amants » de Brel, et « Nantes » de Barbara où encore « La longue dame brune » raconte comment elle arriva trop tard rue de la Grange aux Loups pour voir son père mourant. Ce père qui lui avait fait tant de mal… Notons à ce sujet qu’à mes yeux « Nantes » est tout sauf une chanson d’amour, mais un hymne au pardon et à la résilience. Une chanson douloureuse dans l’âme que Barbara interprétait de manière déchirée et que Marina Viotti a reprise comme s’il s’agissait plutôt d’une romance, alors que c’est un cri. La rugosité en moins l’ambiance de « Nantes » en fut changée, mais la prestation est ici néanmoins de belle facture.
Un morceau de Thomas Viloteau écrit pour Gabriel Bianco
A la guitare Gabriel Bianco fait des prouesses et, seul en scène nous a offert une parenthèse enchantée avec « A Night in Bastille » de Thomas Viloteau, morceau que le compositeur a dédié et dont il s’est acquitté avec panache. Au final un beau concert, d’une grande honnêteté intellectuelle, d’une humilité artistique égale à la puissance des morceaux enchaînés avec des explications de textes jamais compassées. Pour prolonger ce récital guitare-voix existe un album « Porque existe otro querer » dans lequel la mezzo-soprano Marina Viotti et le guitariste Gabriel Bianco sont entourés de Leonard Disselhorst au cello, et Gerry Lopez au saxophone. On retrouve les titres du concert mais aussi, entre autres, une œuvre de Toroba, une autre de Inès Halimi et « La vie d’artiste » le chef d’oeuvre de Léo Ferré. Sans oublier « La danza » du toujours génial Rossini offert en rappel aux spectateurs. Là aussi un beau moment où la complicité des deux artistes est sans failles.
Jean-Rémi BARLAND
« Porque existe otro querer » par Marina Viotti et Gabriel Bianco. CD Aparte Musique.