Plusieurs centaines de passages clandestins entre la France et l’Espagne. Au total environ 1 700 migrants auraient bénéficié de l’appui de deux équipes pour passer les frontières. Elles ont été démantelées de A à Z, ce qui est très rare en la matière.

Une coopération internationale
C’est à partir d’un signalement d’Europol, l’agence européenne de police criminelle, que l’enquête de l’Office de Lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim) commence. En Juillet 2022 deux ressortissants français sont interpellés en Allemagne alors qu’ils convoyaient des Syriens. Les investigations vont mettre au jour deux équipes qui ont opéré jusqu’en 2024.
Entre la France et l’Espagne
Le trafic s’opérait entre la France et l’Espagne majoritairement le week-end et sur les routes tortueuses des Pyrénées pour déjouer les contrôles de la PAF. Le travail conjoint des Oltim de Marseille et Perpignan et l’étroite collaboration avec la police espagnol ont permis de lancer le 16 mars une vague d’interpellations de part et d’autre de la frontière. Au total 19 personnes à Marseille, Perpignan et en Espagne. « Ces réseaux sont souvent difficiles à démanteler car ils passent sous les radars, relève le procureur de la République de Marseille Nicolas Bessone. La tête de réseau marseillaise à 23 ans et n’a aucun casier judiciaire par exemple. Il a commencé le trafic au cœur d’un réseau puis, avec quelques complicités familiales, il a pris son autonomie et ne s’est plus contenté de faire passer des migrants d’Espagne en France mais a acheté un semi-rigide pour embarquer des migrants à Mostaganem en Algérie afin de traverser la Méditerranée et rejoindre Murcie (Espagne)». L’opération est plus risquée mais nettement plus lucrative. 9 000 euros la traversée par passager alors que le franchissement de la frontière entre l’Espagne et la France coûte entre 150 et 300 €.
Un parallèle avec la drogue
« Le trafic d’êtres humains obéit au même processus que le trafic de drogue, signale Nicolas Bessone. On a les rabatteurs dans les pays du Maghreb ou l’Afrique subsaharienne, les passeurs à la frontière, les véhicules ouvreurs et les “nourrices”. Ici ce n’est pas pour stocker la drogue mais pour héberger temporairement les migrants. Soit ce sont des hôteliers complices ou des familles des trafiquants. Au final on retrouve l’appât du gain et l’exploitation de la misère humaine». Au-delà, il faut aussi des complicités parfois de la marine algérienne, selon certaines déclarations, pour laisser passer les go-fast chargés de transporter les migrants jusqu’à Murcie, la porte d’entrée espagnole.
Un démantèlement exceptionnel
Le démantèlement total d’un réseau relève de l’exception. « En général on interpelle le passeur et des migrants mais il est très rare de mettre fin à une structure organisée, explique Laurène Capelle, commissaire divisionnaire, cheffe du Service interdépartemental de la police aux frontières (Sipaf). Là on a interpellé les intermédiaires, les rabatteurs, les passeurs, les pilotes ouvreurs et les têtes de réseaux ».
Reportage Joël BARCY