Publié le 3 novembre 2021 à 9h44 - Dernière mise à jour le 2 novembre 2022 à 18h07
Les laboratoires d’oncogénétique moléculaire et de biopathologie de l’Institut Paoli-Calmettes (IPC), le Centre Régional de Lutte contre le Cancer (CLCC) de Marseille, viennent de recevoir le label de Laboratoire de Biologie Médicale de Référence du Ministère chargé de la Santé. Pour en savoir plus sur cette biologie innovante au service des patients atteints de cancer et de leur famille, Destimed a interrogé le Professeur Hagay Sobol qui a été porteur du projet.
Destimed : Concrètement que signifie la labellisation de Laboratoire de Biologie Médicale de Référence par le Ministère de la Santé ?
Pr Hagay Sobol: C’est la reconnaissance par les plus hautes instances d’un effort consenti depuis de nombreuses années à l’IPC pour faire de la biologie médicale un outil de pointe au service des patients atteints de cancer et de leur famille. Ce label atteste de la qualité et de l’expertise du laboratoire au niveau national sur un certain nombre de pathologies et d’examens de recours à la fois pour l’établissement du diagnostic, l’évaluation du pronostic mais également l’orientation thérapeutique.
Quels sont les domaines concernés et les types d’examens réalisés ?
L’IPC a la particularité, parmi les CLCC, de prendre en charge une grande diversité de tumeurs (gynécologiques, digestives, pulmonaires, urologiques, dermatologiques, sarcomes, etc.) et des hémopathies malignes comme les leucémies ou les lymphomes quel que soit le stade clinique. Nous avons donc mis en place toute une gamme d’analyses innovantes pour répondre aux besoins spécifiques des cliniciens dans ces différents domaines. Il s’agit essentiellement d’analyses de biologie moléculaire utilisant des séquenceurs d’ADN nouvelle génération (NGS) pour l’analyse d’un grand nombre de gènes. Cela concerne, tout d’abord, la prédisposition génétique au cancer où ces examens permettent d’identifier les sujets à haut risque de cancer qui bénéficieront ainsi d’une surveillance et/ou d’un traitement adapté. Ensuite et surtout, l’analyse des altérations génétiques des tumeurs, même en dehors de tout contexte de prédisposition, est une aide précieuse au diagnostic, pour l’évaluation de l’agressivité de la maladie et pour déterminer quel traitement est le plus approprié (sensibilité à un médicament ou au contraire possible résistance). Ce sont les domaines de la médecine prédictive et de précision.
Pour répondre à ce haut niveau d’exigence cela suppose une organisation spécifique?
En effet, les principaux laboratoires de l’IPC (Anatomie pathologique, oncogénétique, Biothèque/centre de ressources biologique) qui autrefois étaient des entités plus ou moins indépendantes ont travaillé de manière concertée et convergente pour répondre à la fois à la complexité des examens considérés et des volumes concernés, car il s’agit de pathologies fréquentes avec un recrutement régional voire national pour certaines pathologies. Au centre de notre démarche il y a une exigence de qualité. Et bien avant que cela soit une obligation, nous avions engagé une démarche commune dans ce sens il y a plus de 15 ans. Si autrefois, on pouvait dire, comme dans la Marine, que les biologistes étaient les officiers de machine directement aux ordres des officiers de pont, les cliniciens. Aujourd’hui une organisation horizontale s’est substituée à cette organisation verticale où cliniciens et biologistes travaillent dans le cadre d’un continuum clinico-biologique pour mutualiser l’expertise au service des patients et de leur prise en charge médicale.
Un autre élément essentiel, est l’aspect médico-économique. En effet, le législateur a fait du biologiste une sorte de régulateur de la prescription pour éviter les dérives éventuelles. Au lieu de subir cette contrainte nous avons décidé conjointement d’en faire une opportunité. Bien qu’œuvrant dans un établissement participant au service public, nous avons développé une culture entrepreneuriale au sein de notre laboratoire en intégrant par exemple les coûts de production pour faire toujours plus avec des budgets contraints ou en anticipant les tensions sur les réactifs et les consommables comme durant la pandémie de Covid-19, afin de maintenir le cap.
Pour finir une question plus personnelle. Comment vous êtes-vous orienté vers cette discipline, l’oncogénétique ou génétique du cancer ?
Je ne sais pas si j’ai choisi de faire Médecine, dès le berceau c’était le rêve de ma mère et de mon père (rire) ! Mais fondamentalement, je n’exerce pas le métier de médecin, je suis Médecin. C’est une grande part de mon identité avec tout ce que cela implique. Ensuite le cancer, ce n’est malheureusement pas un hasard si on travaille dans ce domaine…
La génétique, c’est la rencontre avec mon Maître, le Professeur Jacques Michel Robert sur les bancs de la Fac de Médecine de Lyon en 1ère année. Après le concours de l’internat, il m’a encouragé à défricher ce nouveau champ qui ne portait pas encore de nom et qu’il a alors baptisé « oncogénétique ». Si lors de ma première demande de crédit de recherche, il me fut répondu que c’était un sujet sans avenir, fort heureusement, par la suite, j’ai croisé la route de personnes qui ont cru en ce projet et m’ont mis le pied à l’étrier. Les Pr Gilbert Lenoir, Jean-Pierre Gérard et Thierry Philip. C’est ainsi que mes travaux ont débouché sur le premier test de médecine prédictive pour un cancer. Mais c’est au Dr Jean-Louis Requin que je dois d’avoir transformé un projet de recherche fondamentale en activité médicale. Alors que je n’avais pas encore fini mon internat, Il convainquit la Ligue Contre le Cancer de soutenir la création de la première structure d’oncogénétique française intégrant une consultation, un laboratoire et un registre épidémiologique. Sans toutes ces personnes et en premier lieu mon équipe, ainsi que d’autres que je n’ai pas pu citer, nous n’aurions jamais pu obtenir cette labellisation. Aussi, je voudrai ici les en remercier.
Propos recueillis par Michel CAIRE