Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant la « dent creuse » de la rue d’Aubagne. Espace tristement vide, derrière des grilles vertes, où les immeubles se sont effondrés le 5 novembre 2018 à 9 heures du matin. Beaucoup d’émotion parmi les familles des victimes, venues d’Italie, du Sénégal ou de Marseille. De l’émotion mais aussi une demande que la justice passe pour éviter de nouveaux drames.
«Pouvoir faire son deuil»
Nafi Ndiaye a pu pour la première fois être présente pour cet hommage. La mairie de Marseille a fait en sorte qu’elle obtienne un visa et puisse venir se recueillir là où son fils a perdu la vie. Selon son entourage elle n’arrivait pas à comprendre comment un immeuble avait pu s’effondrer en pleine ville. «La douleur était bloquée dans mon cœur, en venant ici, sur les lieux, en me recueillant, elle s’est un peu adoucie. Je vais pouvoir faire mon deuil », explique aujourd’hui Nafi Ndiaye.
Liliana Lalonde tient un portrait de son fils Julien, qui avait fait le tour du monde pour finalement s’installer à Marseille. « Le plus important c’est qu’on n’oublie pas, qu’on n’oublie pas qu’il y a eu des personnes qui sont mortes sans raison. Nous espérons que la justice va trouver les coupables ou les responsables », insiste Liliana Lalonde. Une lueur d’espoir pointe cependant, la « dent creuse » de la rue d’Aubagne devrait être transformer « en lieu de vie, en lieu d’espoir mais ce n’est que le début d’un changement » insiste Liliana qui lance un appel aux associations et aux collectivités locales : « s’il vous plait ne baissez pas les bras ».
« Essayez de ressentir ce que j’éprouve »
Les parents de Simona Carpignano font le déplacement d’Italie tous les 5 novembre pour rendre hommage à Simona, leur fille, décédée à 30 ans rue d’Aubagne. Avec émotion sa mère évoque ce mois d’octobre 2018 où ses parents lui avaient rendu visite : « C’était la joie, la bonne humeur, un avenir lumineux s’annonçait pour Simona. Un mois plus tard il n’y avait que des gravats et de la douleur. Les rêves de Simona se sont brisés dans ces bâtiments ». Maria, s’adresse ensuite à ceux qui sont à l’origine de ce drame : «Essayez pendant un instant de ressentir ce que je ressens. De ne plus jamais ressentir votre amour le plus cher. Pensez au silence, au vide que cela laisse. On nous a toujours demandé d’être courageux, soyez aussi courageux et faites face à ce qui est prévu par la justice ».
«La situation est pire qu’avant»
Visiblement le drame de la rue d’Aubagne n’a pas résolu la crise du logement à Marseille. Selon Emmanuel Patris, président de l’association «Un Centre-ville pour tous » le mal logement gagne du terrain. « La crise s’amplifie car on a une explosion du prix de l’immobilier conjuguée à un manque criant de construction de logements sociaux. Cela génère une spirale en faveur des taudis et du mal logement. On a 20 à 30 arrêtés de périls chaque mois à Marseille et les évacuations continuent. La situation est dramatique ». Pour Emmanuel Patris il faut aussi repenser la politique de la ville. «A Noailles on a 4% de logements sociaux alors que 80% des habitants y sont éligibles».
Un plan Marshall pour le logement
Pour Kevin Vacher, militant contre le mal-logement du «Collectif du 5 novembre» : « On ne peut plus se contenter de demi-mesures et y aller touche par touche. Il faut un plan, une stratégie. La mairie a obtenu un milliard d’euros en prêt et en engagements de l’État pour la rénovation des écoles. Pourquoi la ville et la métropole ne sollicitent-elles pas l’État pour obtenir des moyens à cette hauteur et mettre un terme au mal logement ? ». A Marseille on dénombre 40 000 logements insalubres. 10 000 doivent être rénovés d’ici 2028 mais rien n’a encore vraiment commencé depuis 4 ans.
Pour le 6e anniversaire de la rue d’Aubagne, le trou béant des numéros 63 à 65 sera sans doute bouché mais de nombreuses brèches seront encore à colmater dans le logement de la cité phocéenne.
Reportage Joël BARCY
Diaporama Joël Barcy