Marseille. Intervention du préfet de police au conseil municipal : « Le fatalisme est interdit face à la violence »

C’est une première au Conseil municipal de Marseille, le préfet de police, Pierre-Édouard Colliex est intervenu, selon l’usage républicain, pour présenter l’action de l’État et mettre en exergue le plan de «Restauration de la sécurité au quotidien» devant les élus municipaux en prélude de la plénière. Il a rappelé, chiffres à l’appui, les avancées obtenues en matière de sécurité, exprimant sa satisfaction devant le travail accompli  en partenariat avec les collectivités : ville de Marseille, métropole Aix-Marseille-Provence et région Sud.

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Le préfet de police, Pierre-Édouard Colliex est intervenu lors de la séance du conseil municipal de Marseille (Photo capture d’écran)

Le préfet de police est reçu par Benoît Payan, le maire de Marseille qui déclare : «On ne peut pas faire de la sécurité un enjeu de politique politicienne parce que le narcotrafic, la délinquance tuent et que la population n’attend pas des paroles mais des actes. » Dans ce cadre, il signale qu’il a travaillé avec les gouvernements successifs pour renforcer la sécurité.  « Aujourd’hui, précise-t-il,  nous avons 613 policiers municipaux ce qui fait de nous la plus grande police municipale de France et nous compterons 800 agents en 2026. » Le maire de Marseille insiste sur la sectorisation de cette police qui se met en place et  revient sur le plan «Restauration de la sécurité au quotidien » « qui entraîne une action inédite à Noailles pour en finir avec la vente à la sauvette qui gangrenait le quartier. Cela se traduit par 130 interpellations et 1 100 produits saisis. Ainsi un quartier retrouve peu à peu une vie apaisée. Nous luttons aussi contre les vendeurs de protoxyde d’azote car c’est un fléau. »  Benoît Payan annonce : « Nous allons poursuivre notre action, raison pour laquelle nous renouvellerons le 12 mars la  convention de coordination entre la police nationale et la police municipale. Nous la renouvellerons et la  renforcerons. Nous y mettrons encore plus d’ambition et de moyens. » Le premier magistrat de la Ville conclut son intervention en remerciant l’État : « Nous n’avons jamais eu une coopération aussi fructueuse. Nous sommes au travail parce que les Marseillais, quel que soit leur quartier, leur opinion politique, doivent pouvoir vivre en toute quiétude.»

Le préfet de police, pour sa part, tient à préciser que cette invitation s’inscrit dans un cadre républicain et que le préfet de police de Paris est, par exemple, invité à tous les conseils municipaux de la Ville. Non sans humour, il précise : « Personne n’a l’idée d’importer cette pratique parisienne ici.»  Cela étant signifié, il aborde avec gravité la situation : « Marseille est aujourd’hui devant un défi d’ampleur. » Et  il ajoute immédiatement : « Le fatalisme est interdit face à la violence. L’action de nos courageux policiers montrent d’ailleurs que le travail a payé et continuera de payer. » Pierre-Édouard Colliex rappelle que la fonction de préfet de police des Bouches-du-Rhône des Bouches-du-Rhône a vu le jour en 2012 avec un objectif clair  «celui de reprendre le contrôle sachant qu’à l’époque les vols avec violence dominaient les statistiques avec plus de 13 000 faits par an. Aujourd’hui ce nombre a été divisé par 4. Les violences physiques crapuleuses ont baissé de 34% en 6 ans.»  Preuve selon lui : « Quand les moyens sont mis et que le cap est là ainsi que la constance, les résultats sont là » « Aujourd’hui,  poursuit-il, nous faisons face à la délinquance du quotidien, au narcotrafic »

« Les points de deal ont été divisés par 2 en 3 ans »

Pierre-Édouard Colliex constate que dans ce combat, 2024 a été une année décisive : « Les points de deal ont été divisés par 2 en 3 ans : 161 en 2021, 84 aujourd’hui. Et nous avons connu 24 homicides liés au trafic, c’est un chiffre très important mais c’est moitié moins qu’en 2023. 3 400 trafiquants ont été interpellés, 40% de plus que l’année précédente. Et, parmi eux, on compte 282 criminels du haut du spectre. 10 tonnes de cannabis ont été saisis, 500 kg de cocaïne et 40 millions d’avoirs criminels. » Pour le préfet de police, il s’agit là « de niveau jamais atteint. Ce n’est pas suffisant mais c’est exceptionnel et chacun doit prendre conscience de l’impact du travail accompli sur la qualité de vie quand le trafic est éradiqué dans un quartier et que la vie redevient paisible.» «Avec ce plan, poursuit-il, c’est une stratégie complète qui est mise en œuvre sous l’égide du ministre de l’Intérieur. Elle vise à harceler les trafics à tous les échelons de l’occupation, des points de deal pour asphyxier le financement, des réseaux à la recherche et l’arrestation des têtes de réseau, y compris à l’étranger. »

Et en direction de ceux qui critiquent les résultats de l’opération place nette XXL, il indique : « Nous nous doutions que nous nous n’éradiquerions pas le trafic à Marseille en 3 semaines. » Mais, ajoute-t-il: «Allez demander aux habitants de la Castellane si ces opérations n’ont servi à rien  et demandez aux 200 narcotrafiquants que nous avons interpellés en 2024 à Marseille si la police ignorait leur existence. » Il ne manque pas de pointer : « Le narcotrafic ne nous fait pas oublier d’agir contre les cambriolages et d’entendre les noyaux villageois qui demandent plus de bleu. La délinquance de voie publique diminue, les cambriolages ont diminué de 10%, les vols avec violence de 6%, les destructions et dégradations de 22%, dans les transports, la délinquance baisse de 15% par rapport à 2023 ».

« Nous nous adaptons au fléau du vol de voitures »

Le préfet de police annonce encore : «Nous nous adaptons au fléau du vol de voitures et d’accessoires sachant que les vols d’accessoires augmentent de 40%. Face à cela nous avons créé un groupe de lutte judiciaire contre le trafic des automobiles qui permet de doubler les élucidations ».  Précise qu’en 2024 , il y a eu «14% de policiers en plus sur le terrain».  Et, dans le cadre de Marseille en grand, poursuit-il:  « Marseille bénéficie de 500 policiers supplémentaires, une trentaine de magistrats, et un nouveau commissariat dans les 13/14 sort de terre. Une opération rendue possible grâce au soutien de l’État, de la Région, de la Métropole qui a mis à disposition le terrain. » Évoque ensuite le renforcement de la vidéo-protection avec 190 caméras supplémentaires en 2024 et 160 en 2025 et enfin  la création de la CRS 81, « une première en France depuis 1979», précise-t-il.

Pierre-Édouard Colliex  revient sur le rôle des institutions : « Dans notre République décentralisée on ne peut pas lutter contre l’insécurité dans les transports sans la métropole que j’ai toujours à mes côtés. Rien non plus sans la Région et ses investissements massifs à Saint-Charles, son financement d’équipements modernes, les lycées. Alors ce plan que nous avons signé n’est pas un énième catalogue de promesses, c’est une méthode de partenariat et, à l’heure où de nombreux concitoyens font preuve de méfiance à l’égard de l’action publique nous sommes tous dans le même bateau. Nous allons donc poursuivre notre action. »

La parole est donnée aux élus. Sébastien Barles, (EELV), souhaite « un équilibre entre présence humaine et techno-police» et invite «à ne pas aller vers des juridictions d’exception» et propose de mettre en place « une conférence du consensus sur le narcotrafic pour trouver des solutions». Stéphane Ravier, (ex RN, ex Reconquête) ne cache pas son irritation de voir le travail accompli en matière de sécurité, comme une attaque sur son fond de commerce, alors il lance : «Monsieur le maire vous êtes trop fort, vous avez un toupet…» Catherine Pila (LR), indique pour sa part: « Nous, nous n’avons pas changé de cap, quand l’actuelle majorité avait elle lancé un moratoire sur les caméras en 2020.»  Pour Lionel Royer-Perreaut (Renaissance): «Il importe de faire preuve de sérénité et d’humilité lorsque l’on évoque les questions de sécurité. Et si nous voulons être à la hauteur des attentes des Français il faut élever le débat. Humilité car la tâche n’est simple pour personne. Et il ne peut être question de fatalité. Il faut combattre et faire ensemble.» Rappelle qu’il est de ceux qui ont voté le plan Marseille en grand «quand d’autres votent des motions de censure». Juge qu’il y a deux temps dans le mandat de Benoît Payan, des premières années avec un ralentissement sur les efforts en matière de sécurité, un deuxième où le dossier est pris en compte. Considère qu’«il est important de mettre en avant les chiffres qui sont encourageants sur la sécurité mais qui ne sont pas compris car la perception de nos concitoyens est différente de la réalité des chiffres. Nous devons donc être dans une posture de responsabilité pour montrer que les chiffres sont réels.»

Michel CAIRE

 

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