« Faites ce que je dis mais pas ce que je fais ». L’État pourrait parfaitement s’appliquer ce proverbe. Dans le restaurant inter-administratif à Marseille, seul 12% de la nourriture est bio alors que la loi Egalim impose 20% dans ce type de structure. On est loin du compte. Le réseau des agriculteurs Bio Paca qui menait diverses actions dans la cité phocéenne ce vendredi a levé ce lièvre et dénonce le non-respect de ses engagements par l’État lui-même.
« On pourrait parvenir à 20%… »
La rencontre entre les gestionnaires du restaurant inter-administratif et les agriculteurs de la Confédération paysanne a été pacifique. Pas de contestations sur les chiffres, qui sont d’ailleurs publiques, mais les justifications nous font plonger dans les arcanes de notre administration. « Kafka au secours ! ». « Si on ne fait pas plus de bio, c’est que le prix des repas est trop bas », insiste Bernadette Cognat, la présidente du restaurant inter-administratif de Marseille. Il est trop bas pour une raison simple : les subventions repas ne sont pas les mêmes en fonction de l’administration. L’alignement eut été trop simple. « Par exemple c’est 5,02 € de subvention par repas pour les fonctionnaires de la police, de la préfecture ou de la transition écologique mais seulement 1,63 € pour le rectorat », constate Bernadette Cognat. Dans ces conditions les prix sont tirés vers le bas donc adieu repas biologiques. Le but maintenant est que l’État harmonise les subventions pour tous les agents de la fonction publique. « Si on arrive à débloquer les moyens financiers pour cela on parviendra facilement à 20% de bio dans le restaurant inter-administratif ».
« Mettre plus de bio conduirait à notre perte »
Mais sans évolution pas question de bouger ce pourcentage estime Laurent Brustier, le chef-gérant du restaurant inter-administratif « Pour l’instant on ne peut pas bouger le prix de la formule repas. Si on veut mettre 20% de bio on va directement à notre perte. Le bio on peut l’intégrer mais il faut qu’il soit au même prix que le reste ». Autant dire une mission impossible pour les agriculteurs bio.
Sensibiliser le public
Avant cette opération, la Confédération paysanne avait installé un marché pédagogique devant la préfecture de Région à Marseille pour montrer qu’il y a deux types d’agriculteurs. Ceux qui déversent du fumier au pied des CRS et réclament moins de normes environnementales et les autres qui veulent se faire entendre moins bruyamment et réclament une agriculture plus respectueuse de la biodiversité. Ce marché était l’occasion de discuter avec les consommateurs et de vendre des produits de la ferme. Une initiative qui a rencontré un écho favorable. « Faut soutenir les paysans, c’est très bon, très sain. Faut pas qu’ils finissent dans la misère quand même », signale une cliente. Monique Giraud qui a acheté, miel, huile d’olive, salades considère que «cela n’est finalement pas plus cher si on ne gaspille pas ». Romain Gozzerino de l’EARL «Ma saison» à Salon-de-Provence a trouvé que «les clients ont noté que les produits n’étaient pas chers et ils nous soutiennent, ça c’est important».
Le bio en panne
Il devient pourtant de plus en plus difficile d’écouler les productions bio. L’inflation est passée par là et les consommateurs rechignent à acheter ces produits. Philippe Peroni, apiculteur à Lauris (84) le constate : « ça fait deux ans que les paysans en agriculture biologique ont du mal à commercialiser leurs produits. Ca commence à devenir très compliqué. On a fait le dos rond la première année mais là on commence à avoir des problèmes de trésorerie ».
Des prix planchers
Dernièrement la Confédération semble avoir été entendue à travers les propos d’Emmanuel Macron au Salon de l’agriculture. « Le fait qu’il parle de prix planchers et prenne en compte notre principale revendication ça compte », estime Jean-Charles Bureau, le co-secrétaire de la confédération paysanne (13). « Maintenant on ne veut pas s’arrêter là. On souhaite une sortie du libre-échange et avoir des prix minimum pour l’entrée des produits dans le pays.»
Mais tout n’est pas gagné, récemment Bruno Le Maire a rappelé qu’il voulait une agriculture puissante et exportatrice. Un concept opposé au vœu de la Confédération paysanne qui réclame des fermes à taille humaine et protectrices de l’environnement.
Reportage Joël BARCY