Marseille. La rue d’Aubagne rouvre dans la douceur avec les piétons et les vélos

Publié le 8 juillet 2021 à  13h09 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  19h19

Après presque 3 années de fermeture, la rue d’Aubagne est entièrement rouverte mais uniquement aux piétons, aux vélos et à quelques véhicules utilitaires. Patrick Amico, l’adjoint en charge de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne, reviendra dans ce cadre sur les divers dossiers qui touchent cette rue tristement célèbre.

©Destimed/RP
©Destimed/RP
Le 5 novembre 2018 à 9h05, deux immeubles situés aux numéros 63 et 65 de la rue d’Aubagne à Marseille (1er) s’effondraient, entraînant la mort de 8 personnes. Un drame qui a révélé la situation catastrophique de l’habitat à Marseille et qui a généré une frénésie d’évacuations… Chaque année le 5 novembre au matin, les Marseillaises et Marseillais se retrouvent dans cette rue pour une commémoration en l’honneur des victimes en scandant: «Ni Oubli, Ni Pardon».
La dent creuse nom donné par les habitants du quartier pour nommer cet espace vide où s'élevaient naguère les deux immeubles qui se sont effondrés faisant 8 victimes ©Destimed/RP
La dent creuse nom donné par les habitants du quartier pour nommer cet espace vide où s’élevaient naguère les deux immeubles qui se sont effondrés faisant 8 victimes ©Destimed/RP
Patrick Amico, l’adjoint au maire de Marseille, en charge de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne, s’est rendu à la hauteur du 94, rue d’Aubagne, -un peu plus haut que «la dent creuse» vestige du drame- et a évoqué les avancées des travaux. «On est maintenant dans une phase qui a permis la sécurisation des immeubles. on a encore des travaux à effectuer notamment sur les parties arrière. Ce qui fait que le périmètre de sécurité n’est pas totalement retiré. On est toujours dans le cadre de la procédure de cantonnement qui avait été prise sur l’ensemble de ces immeubles. On a toujours l’arrêté du 69 et du 71, qui les a mis sous surveillance laser. Mais cela nous permet maintenant d’avoir une circulation piétonne et en mode doux mais toujours pas de voitures, en dehors des véhicules de secours, de livraisons ou à destination des chantiers».

Prolongement de lutte contre l’habitat indigne

Depuis plusieurs mois de nombreux dispositifs permettent de rouvrir la rue d'Aubagne et lutter contre l'habitat indigne ©Destimed/RP
Depuis plusieurs mois de nombreux dispositifs permettent de rouvrir la rue d’Aubagne et lutter contre l’habitat indigne ©Destimed/RP
Une opération qui s’inscrit, insiste-t-il: «Dans une volonté forte pour le centre-ville.» A la fin de l’année, «nous avons commencé avec la politique de travaux d’office que nous allons poursuivre sur tout le centre-ville. Et prioritairement les arrondissements qui en ont le plus besoin comme les 1er, 2e et 3e». Il évoque également le prolongement de la lutte contre l’habitat indigne «par les dispositifs qui ont été renouvelés et qui vont même être augmentés dans le cadre de la charte du relogement». Une délibération concernant cette Charte du relogement sera présentée au conseil municipal d’octobre. «Elle va permettre de garantir aux personnes qui, hélas, continueront d’être délogées en centre-ville, d’avoir des conditions de relogement provisoire qui fonctionneront encore dans les 4 ans à venir».

«Une rue d’Aubagne piétonne?»

Pour Patrick Amico, la rue d’Aubagne restera piétonne. «Nous travaillons dans ce sens et dans celui d’un projet global qui se met en place dans le cadre du Plan Partenarial d’aménagement (PPA) avec la Spla-In, la Société publique locale d’intérêt national qui se met en place elle aussi (elle sera opérationnelle à la rentrée de septembre ndlr) et, je peux d’ores et déjà vous dire que nous avons demandé -et la métropole ne s’y est pas opposée-, deux choses fondamentales dans le futur Plan local d’urbanisme (PLU). Premièrement, il va y avoir 70% de logements sociaux (40 à 60 logements ndlr), sur l’ensemble de cet îlot qu’on appelle « l’îlot démonstrateur ». Deuxièmement, concernant ce que l’on appelle « la dent creuse » nous entendons qu’il n’y ait pas de constructions. Que deviendra cet espace ? Il faudra conduire un travail avec la population pour définir exactement le programme à mener à la fois sur l’îlot et sur la dent creuse». [(son_copie_petit-489.jpg210707-000_patrick_amico_partie_1_et_debut_07_07_21.mp3)] Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTO

A propos de l’arrêté de déconstruction

Face à la presse, Patrick Amico précise «Je n’ai pas abrogé l’arrêté de déconstruction (sur le 69 et le 83 ndlr), pour une raison simple nous sommes encore dans un îlot qui est toujours sous procédure de péril imminent. Nous avons sécurisé la totalité des immeubles, nous laissons sous surveillance le 69 et 71, bien que depuis 1 an on a pu constater que ces immeubles ne bougeaient pas donc, ne présentent plus de danger sur la rue. Nous avons encore des travaux à réaliser derrière sur la butte et sur les façades arrière de ces immeubles pour les sécuriser totalement. Pour le moment, nous gardons toujours la possibilité de déconstruire ces immeubles qui sont effectivement les plus fragiles dans l’îlot au cas où on un problème imminent se poserait.» [(son_copie_petit-489.jpg210707-000_patrick_amico_partie_2_07_07_21.mp3)] Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTO

«On s’est substitués aux propriétaires qui ne faisaient pas les travaux»

Trois questions à Patrick Amico

Patrick Amico, l’adjoint au maire de Marseille, en charge de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne ©Mireille Bianciotto
Patrick Amico, l’adjoint au maire de Marseille, en charge de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne ©Mireille Bianciotto
Destimed: Au niveau du financement de l’îlot de la rue d’Aubagne, quel en est le montant?» Patrick Amico : Ce sont des travaux que l’on a effectués « en travaux d’office » pour lesquels on s’est substitués aux propriétaires qui ne les faisaient. Pour sécuriser et ouvrir le périmètre de sécurité la ville a préfinancé les travaux à hauteur de 350 000 €. On a encore des choses qui vont être engagées. Serez-vous remboursés par les propriétaires négligents ? La loi oblige la ville à récupérer les sommes auprès des propriétaires soit pas voie fiscale soit directement auprès des propriétaires car c’est leur responsabilité. Il faut être clair : la responsabilité de la sécurisation des immeubles, y compris des squats relève des propriétaires privés. Elle ne relève pas de nous, c’est la loi. Après, tout le monde sait qu’il y a une déclaration d’utilité publique qui a été prise sur l’ensemble de ces immeubles donc l’Établissement Public Foncier, qui a en charge la gestion de cette déclaration, va prendre contact avec l’ensemble des propriétaires et, éventuellement procéder à des achats. Dans ce cadre, les valeurs de rachat tiendront, bien sûr, compte des travaux qui ont été réalisés.

«Traiter l’insalubrité de la même manière que nous traitons la mise en sécurité»

On voit bien le traitement des immeubles après les arrêtés de péril. Mais qu’en est-il de l’insalubrité? Avez-vous un volet d’intervention sur l’insalubrité ? Le problème de l’insalubrité a été soulevé nombre de fois. C’est un vrai problème, il a été mis en avant dans l’évolution de la charte du relogement. Nous voulons traiter l’insalubrité de la même manière que nous traitons la mise en sécurité, sachant qu’il existe une grosse différence. Autant en matière de sécurité, les choses sont relativement simples: il y a un danger grave et imminent, on réalise des travaux de sécurité pour maintenir l’immeuble. En matière d’insalubrité, c’est très complexe, parce qu’on a toutes les gradations possibles, depuis de simples infractions au règlement sanitaire départemental qui ne nécessitent pas d’évacuation jusqu’à une insalubrité irrémédiable qui peut aller jusqu’à l’évacuation de l’immeuble. Mais, c’est l’État qui porte la responsabilité de l’insalubrité, il doit prendre des arrêtés et c’est à moi qu’il incombe de diligenter tout ce qui se passe derrière. Les ordonnances qui sont parues, en fin d’année, ont demandé à l’État de passer des conventions avec des collectivités. Nous sommes donc en train de travailler sur cette reprise par la ville des problématiques d’insalubrité. Après, l’insalubrité peut aussi être liée aux occupants. Nous sommes confrontés à nombre de cas où les occupants ne veulent pas ouvrir. dans ce cadre, on ne peut pas faire d’enquête. L’insalubrité est un système très compliqué, cela va, très, très loin dans le rapport et le problème social que cela posent derrière.

«Retrouver un semblant de vie normale»

Patrick Amico rencontre des habitants qui n'ont pas souhaité apparaître sur la photo ©Mireille BIANCIOTTO
Patrick Amico rencontre des habitants qui n’ont pas souhaité apparaître sur la photo ©Mireille BIANCIOTTO
Au cours de cette matinée, sur un bout de trottoir, l’élu est interpellé par des habitants de la rue: «Tout ce qu’on veut c’est retrouver un petit peu de semblant de vie normale. Cela fait bientôt 3 ans, on voudrait que cela avance, on ne demande pas la lune». Un autre habitant demande: «S’il-vous-plaît travaillez tous ensemble, dans la même direction». Patrick Amico répond: «C’est ce que je fais dans le cadre du PPA. Je sais que c’est long, je sais que c’est compliqué». Il est aussi interpellé sur des problèmes d’insécurité, en particulier la nuit, pour de trafics et du tapage nocturne. «On n’a pas la main sur la Police nationale, pour venir intervenir la nuit ou pour régler les problèmes de tapage nocturne. De son côté la Police municipale n’est pas formée à cela, ce n’est pas dans ses prérogatives». L’adjoint au logement conclut, en revenant sur le rôle de la Mairie, dans l’action partenariale d’aménagement du PPA, «c’est le sens du Plan Partenarial d’Aménagement (PPA), qui a été signé entre la ville, la métropole et l’État, dans lequel, chacun doit prendre ses responsabilités. Nous prenons les nôtres, il n’y a pas de problème. Maintenant, effectivement, il faut que l’on mette la pression sur l’État pour qu’il arrive à sortir des moyens de sécurité publique un peu plus forts. Pour notre part, ce que l’on peut faire, c’est maintenir le périmètre de sécurité, donc avec du gardiennage, 24 heures sur 24. Un gardiennage n’a pas de pouvoir de police mais, déjà, cela va permettre de limiter les problématiques de squat et autres, c’est une première chose. Pour ma part, je peux m’engager, auprès de vous, à ressaisir, y compris le procureur de la République, sur des signalements. Mais faites-moi des signalements officiels, à tel endroit, on a tel problème». [(son_copie_petit-489.jpg210707-000_patrick_amico_partie_3_et_fin_07_07_21.mp3)] Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTO

Documents joints

Articles similaires

Aller au contenu principal