Marseille. Le Bach brûlant et lumineux de Claire-Marie Le Guay

S’apprêter à écouter tout un récital Bach un dimanche matin dans le foyer de l’Opéra de Marseille, c’est un peu comme se mettre dans des dispositions spirituelles à l’heure de la messe dominicale ou du service luthérien. On se demande si le prédicateur sera intéressant tout en redoutant la longueur éventuelle de son propos, ou si la prudence polie et formatée l’emportera, risquant de faire décrocher d’un discours trop cérébral.

Destimed Marie claire Le Gay copie
Claire-Marie Le Gay (Photo Isabelle  Gueit)

C’est dire si le concert de Claire-Marie le Guay a totalement bousculé ces appréhensions, tant la vision musicale entièrement investie de l’interprète a irradié cette séance inaugurale de Marseille-Concerts par son approche pianistique pleine et assumée. Bach n’ayant pas connu notre piano moderne, faut-il donc se brider, jouer à l’économie, sans pédale, dans de secs phrasés, en essayant d’obéir à des règles supposées d’interprétation (sur lesquelles les « spécialistes » changent d’ailleurs perpétuellement d’avis) ? Ce n’était déjà absolument pas l’opinion de grands maîtres du piano (on pense par exemple à Heinrich Neuhaus, professeur de pianistes comme Guilels ou Richter) et ce n’est pas non plus l’optique de la pianiste qu’on a entendue.

Comment ne pas avoir été saisi par son saut torrentiel dans la Fantaisie chromatique et fugue, plongeant dans le drame pour s’ouvrir vers la lumière, comment ne pas avoir été étreint d’émotion par sa traduction de deux chorals transcrits par Busoni ? Que de subtilités, que d’imagination dans la première Partita, que de sens orchestral dans le Concerto italien ! Au travers d’un programme idéalement conçu, c’est l’humain qui s’est exprimé sans complexes dans ce magnifique moment de musique, vécu de l’intérieur et partagé dans un rayonnement sous-tendu par une exemplaire maîtrise du clavier et du piano dans son ensemble.

L’association Marseille-Concerts ainsi que sa nouvelle directrice Karine Fouchet peuvent être fières de cette première séance présentée par son nouveau directeur artistique Olivier Bellamy, séance qui a attiré un nombreux public dans un cadre idéal pour favoriser la rencontre avec une artiste d’exception.

Philippe GUEIT

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