Marseille : le cri de colère de la communauté juive

Publié le 26 juin 2024 à  8h34 - Dernière mise à  jour le 28 juin 2024 à  12h27

C’est devant le Palais de Justice de Marseille qu’un rassemblement s’est tenu à l’appel du Crif Marseille-Provence en présence de nombreux élus de la gauche jusqu’à l’extrême droite dans un climat de tension, LFI mais plus largement le Nouveau Front populaire et le maire de Marseille se faisant huer.

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Intervention de Raymond Arouch ancien président du centre Fleg et membre exécutif du Crif Marseille-Provence (Photo Joël Barcy)

Pourtant, dès le début du rassemblement les organisateurs, par la voix de Raymond Arouch, ancien président du Centre Fleg, et membre exécutif du Crif Marseille-Provence,  avaient appelé à la gravité, invité au calme et à la dignité.  « Nous sommes là pour dire, d’une même voix, Stop à la Haine, Stop à la haine du Juif, Stop à la Haine d’Israël», insiste Raymond Arouch qui rappelle que «la haine d’Israël aujourd’hui est un des principaux moteurs de la haine du Juif et depuis, le 7 octobre, les actes antisémites atteignent de dramatiques records. Ce virus dont nous pensions être immunisés se propage à nouveau, menaçant  les fondements de notre République française « Liberté, Égalité, Fraternité ». Notre communauté est simultanément inquiète, triste et en colère contre tous les propagateurs de haine, mais nous sommes là aujourd’hui pour dire: « Vous n’aurez pas la nôtre » ». Et de mettre en garde : « Il n’échappe à personne que nous sommes en période de campagne des législatives, mais nous ne souhaitons pas être instrumentalisés au profit de tel ou tel parti politique, car la situation est bien trop grave ».

« La France est-elle encore capable de nous protéger ? »

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(Photo Joël Barcy)

Fabienne Bendayan, la présidente du Crif Marseille-Provence, interroge : « La France est-elle encore capable de nous protéger ? Des familles qui ont retiré la Mézouza devant l’entrée de leur maison, des gens qui retirent leur nom de leur boîte aux lettres pour ne pas être identifiés en tant que juifs … ça suffit. Des étudiants qui renoncent à leurs études parce que le climat dans les universités est devenu suffoquant… ça suffit. Des étudiants juifs  qui sont agressés en sortant du cinéma… ça suffit. Une enfant de 12 ans violée parce que juive… ça suffit ». Pour la présidente du Crif : « Des digues sont tombées, les lignes rouges sont franchies. Eh oui,  la coupe est pleine parce que le rempart républicain souffre face à la déferlante antisémite. Un antisémitisme qui explose, 1667 actes antisémites en 2023,  plus 1 000% ». Et de mettre en garde contre ceux « qui revendiquent un changement radical mais n’ont pas encore la respectabilité revendiquée », en clair le RN avant de s’en prendre aussi au rassemblement à gauche, avec Jean-Luc Mélenchon « qui affirme que l’antisémitisme est résiduel » avec « une haine d’Israël qui devient prétexte à l’antisémitisme pendant qu’on ignore les millions de morts d’autres conflits». Fabienne Bendayan signale : «L’antisémitisme n’est pas le problème des Juifs, c’est un problème qui nous concerne tous. Aujourd’hui je lance un appel : stop à la haine. Nous avons besoin de tous nos concitoyens. Soyons forts, soyons nombreux pour se battre sans compromission, sans rien céder à l’antisémitisme. Aujourd’hui c’est une question de civilisation qui nous rassemble

« Nous ne faisons aucune confiance aux déclarations ni de la France Insoumise ni de ses sbires »

Le propos  se veut fédérateur, celui de Benjamin Allouche, trésorier du Crif, représentant Yonathan Arfi, Président du Crif National, le sera beaucoup moins.  Il parle « des accords et des déclarations de certaines personnes mielleuses qui se font appeler le Nouveau front populaire », s’adresse à une partie du public qui hue, et affirme : « Je vous rassure nous ne faisons aucune confiance aux déclarations ni de la France Insoumise ni de ses sbires.»

Le Père Patrick Desbois exhorte lui les autorités islamiques à déclarer qu’il n’y a rien de légal à violer, tuer, une personne car elle serait kouffar (non croyante en Allah). Tandis que, parmi les manifestants, Mohamed appelle à une union et à de l’éducation pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme. Présente dans l’assistance la secrétaire d’État Sabrina Agresti-Roubache assène : «Jamais nous ne céderons à ceux qui prônent la haine de l’autre, jamais nous ne céderons à ceux qui attisent la haine du juif. L’antisémitisme d’où qu’il vienne, n’a pas sa place dans notre République. Combattons-le ensemble, partout, de toute nos forces. »

« Les premières victimes de Daech sont les musulmans »

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(Photo Joël Barcy)

Raymond Arouch souligne : « Nous déplorons souvent le silence des compatriotes musulmans qui sont dans un esprit de fraternité républicaine et qui ne se reconnaissent pas dans l’islam radical. Alors, j’appelle, à mes côtés, Christian Jean, Délégué général de l’aumônerie musulmane de France; Il représente une voix d’espoir et il vient dire avec nous, Stop à la Haine ».

Christian Jean cite Baudelaire avant de considérer : « Ce soir nous avons tous le spleen et cela ne doit pas nous engager à opposer des religions. Non l’Islam ne demande pas que l’on tue les Juifs. Non l’Islam ne demande pas que l’on tue les kouffar ». Et de rappeler : « Les premières victimes de Daech ce sont les musulmans, les premières victimes en Afghanistan ce sont les musulmans, les premières victimes dans l’Algérie de la décennie noire ce sont des musulmans. Alors ne nous trompons pas de cible.»  Il poursuit : « Je voudrais parler de Camu qui disait : « Je ne suis pas sûr de ce qui m’intéresse mais je suis sûr de ce qui ne m’intéresse pas. Le monde ne m’intéresse pas, mon monde n’est pas celui-là » » Christian Jean indique : « Mon monde c’est celui des petits chapeaux, c’est comme ça que j’appelais les Juifs, le vendredi, quand j’étais gamin et que ma maman m’expliquait que c’était Shabbat. Eh bien je veux revoir les petits chapeaux dans les rues de Marseille. Je veux que vous restiez ce que vous êtes parce que vous êtes la France et vous êtes Marseille.»                                                                                                                                                                                       

La sénatrice socialiste Marie-Arlette Carlotti est présente à la manifestation et elle ne cache pas son mécontentement : « J’ai toujours été auprès de la communauté juive de Marseille et des Juifs de France parce qu’ils sont Français comme nous, parce qu’ils portent les valeurs de la République, comme nous et quand ils souffrent c’est la République qui souffre et moi aussi. J’ai toujours été là et j’y serais encore demain. » Mais d’avouer : « Ce soir j’ai souffert qu’on ne siffle pas le RN. Moi, je suis PS, je suis du Parti de Léon Blum. Mes ancêtres ont lutté contre les antidreyfusards. On a toujours été aux côtés de la communauté juive et, si demain il se passe quelque chose en France c’est chez moi qu’ils viendront se cacher et c’est moi qui les protègerait, pas le RN ».

Le Rabbin Haïm Haddad, au terme du rassemblement considère : « On peut mettre sous le signe de la souffrance qui nous afflige aujourd’hui des propos tenus. Mais tout le monde perçoit que si on jette de l’huile sur le feu malheureusement les flammes montent. Et, sous le signe de la douleur des choses ont été dites qui n’allaient pas dans le sens de cette réunion mais on peut le comprendre. Comme on peut comprendre que la société juive soit républicaine et équilibrée dans son regard. Je pense d’ailleurs qu’elle l’est. Mais il y a eu des paroles malheureuses dans les derniers mois qui ont orienté des discours qu’on a pu entendre ce soir. Et, à titre personnel, je regrette qu’on ne garde pas pour soi le secret de l’urne

Reportage vidéo Joël BARCY, rédaction Michel CAIRE

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