Marseille. Le «oui mais…» du Collectif des familles après «l’opération XXL» contre la drogue d’Emmanuel Macron

La venue du président de la République dans la cité La Castellane à Marseille est une volonté manifeste d’agir selon le « Collectif des familles ».  «Il a eu des mots durs, pas anodins mais il faut un plan global sinon, après quelques semaines de répit, ça repartira», insiste Karima Meziene, avocate et membre du collectif. Elle a répondu à nos questions.

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Karima Meziene, avocate et membre du collectif des familles (Photo Joël Barcy)

Destimed: La venue d’Emmanuel Macron à La Castellane à Marseille est un point positif ?

Karima Meziene: 2023 a été un tournant. Le gouvernement semble avoir pris la mesure de la situation et des dangers que représente le narcotrafic. Cela faisait trois ans qu’on tirait la sonnette d’alarme. Les récentes conclusions de la commission sénatoriale vont dans notre sens. Lors de l’enquête, les magistrats sont sortis de leur réserve. Ils craignent pour leur vie dans leur fonction, parlent de guerre perdue, de la nécessité d’un plan Marshall. Ils dénoncent la corruption dans les maisons d’arrêt, les tribunaux. Le risque d’un narco-État. La venue d’Emmanuel Macron marque une volonté d’action. Il veut détruire les réseaux et les narcobandits. Ce sont des mots forts.

Êtes-vous rassurée sur cette lutte et «l’opération XXL» contre la drogue voulue par le Président ?

 Oui et non. Oui car l’arrivée de renforts de police judiciaire et de magistrats marque une volonté de s’attacher aux enquêtes et de s’attaquer aux têtes de réseaux. Le Président veut aussi que l’État de droit triomphe. Des renforts de police vont permettre le pilonnage des points de deals, mais ma crainte c’est que ce pressing ne dure pas et que les habitants des cités n’aient que quelques semaines de répit. En outre la police judiciaire est déjà débordée, absorbée avec les dossiers liés aux récentes interpellations. Les meurtres plus anciens risquent de rester impunis or les assassins d’hier sont souvent les têtes de réseaux d’aujourd’hui. L’opération « place nette » ne sera pas suffisante, elle va offrir une pause mais ne pourra pas enrayer le phénomène.

Vous souhaitez que la police et la justice s’inspirent de l’Italie dans sa lutte contre la mafia, c’est à dire ?

Oui, il faut nous doter de nouveaux modes de preuve. Les narcobandits sont équipés de toute une logistique et organisation qui font que les preuves sont de plus en plus difficiles à réunir. Notre collectif et des membres d’associations sont actuellement en Italie pour se former aux mesures du pays. Je pense notamment au statut du repenti (sauf pour les crimes de sang). Nous allons militer pour cela. Cela permet de faire progresser les enquêtes. La secrétaire d’État chargée de la ville, Sabrina Agresti-Roubache, serait favorable à un statut pour les «nourrices», ce serait déjà une avancée. Sans un gros travail de la police judiciaire le pilonnage ne suffira pas.

Le pilonnage dans le quartier de la Paternelle a pourtant fonctionné…

C’est vrai, j’y suis allée la semaine passée et les habitants revivent. Ils peuvent ouvrir leurs fenêtres dans la journée, circuler librement. Ce n’est malheureusement pas le cas dans les autres cités où, malgré le pilonnage, le trafic a repris avec la peur de sortir le soir, la peur de la balle perdue.

Que réclamez-vous si la répression vous semble insuffisante pour enrayer le phénomène ?

 Il faut un plan d’actions global. La répression est essentielle mais il faut aussi chercher les causes du narcotrafic, mener une politique de prévention. Cela suppose une réduction de la précarité dans les quartiers, des créations d’emplois mais surtout une protection des mineurs pour éviter qu’ils ne tombent dans l’engrenage. Pour ces derniers il faut créer un numéro d’urgence pour les identifier et les adresser à une cellule éducative pour les sortir de leur quartier et qu’ils reprennent un cursus scolaire ou professionnel. C’est la seule manière de prévenir efficacement la gangrène de la drogue.

Le chef de l’État souhaite aussi s’attaquer aux consommateurs de drogue…

Cela aura une portée symbolique. Il vaudrait mieux mener une campagne de sensibilisation auprès des consommateurs, une politique de santé publique autour de la drogue. La drogue est une addiction, une maladie.

Propos recueillis par Joël BARCY

 

 

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