Publié le 22 février 2024 à 9h23 - Dernière mise à jour le 25 février 2024 à 8h29
Le République et l’association La Petite Lili à Marseille fêtent leurs deux ans. Le bébé est superbe, il faut dire qu’il est particulièrement bien nourri. Et comme la valeur n’attend pas le nombre des années Le République a déjà donné vie à un rejeton tout aussi savoureux et solidaire qu’au République: Mia Bella. Cette dernière propose la pizza à un euro pour les personnes en situation de précarité et bénéficiaires d’un réseau d’associations sociales.
Et, pour ses deux ans, Le République et La Petite Lili créent l’École marseillaise de l’alimentation et de l’hôtellerie par l’inclusion (Emahi). A jamais les premiers, c’est la première école métiers créée par un collectif de Cheffes et de Chefs engagés, et leurs partenaires, qui s’impliquent pour concevoir et proposer des parcours de formation valorisés, valorisants et certifiés. Nul doute que le rejeton a de belles années devant lui tant son berceau était entouré non de bonnes fées -quoi que- mais de chefs étoilés.
Cette école se veut « par le Faire » et a pour objet d’une part de répondre aux besoins de tous les métiers correspondant aux besoins et pratiques actuels de la gastronomie, de l’alimentation et de l’hôtellerie et, d’autre part, de favoriser l’insertion professionnelle par la mise en œuvre de certificat de qualification professionnelle dans les métiers de bouche avec des formations adaptées aux métiers choisis allant de 4 à 24 mois selon les certifications ou diplôme préparés.
Sébastien Richard, le président d’Emahi, explique : « Il s’agit d’une école pour tous de 18 à 62 ans gratuite et sans condition de diplôme. Emahi s’ouvrira aux personnes les plus éloignées de l’emploi, en raison de difficultés sociales et professionnelles particulières (âge, état de santé, précarité). Par exemple aux jeunes des quartiers de la politique prioritaire de la ville, aux femmes en recherche d’emploi, aux seniors, aux personnes en situation de handicap avec des modalités pédagogiques adaptées de 18 à 62 ans ». Les formations seront gratuites pour tous. Sébastien Richard poursuit : « L’insertion par l’activité économique permet aux personnes les plus éloignées de l’emploi de bénéficier d’un accompagnement renforcé qui doit faciliter leur insertion sociale et professionnelle par le biais de contrats de travail spécifiques ». Rappelant qu’«Emahi est une école nouvelle génération et c’est aussi et avant tout un collectif de personnes engagées ». Il évoque des thèmes forts au rang desquels l’alimentation durable (achats responsables, anti-gaspillage, baisse des émissions de gaz à effet de serre…) ; l’avenir de la profession qui devra conjuguer en même temps social et écologie ; la mise en place de nouveaux business models inclusifs et solidaires…
« Nous allons commencer à partir de Mars 2024 en accueillant des personnes au République, au Mia Bella et à Casa Méditerranée sur La Canebière, puis dans les structures des partenaires (Môle Passedat et l’Auberge de la Fenière) », explique Nadège Delmotte, ancienne présidente de la Fondation Boulanger qui assure la direction d’Emahi. Elle précise que « les formations commenceront avec les artisans de l’école, des chefs engagés. Il y aura dans un premier temps des master class avec les professionnels puis, à partir de septembre, on lancera les premières formations certifiantes ».
« Faire de la croissance en tenant compte du social et de l’environnement »
Thierry Marx en tant que chef, créateur d’une école, président de l’UMIH et membre du bureau « Les Entreprises s’engagent » soutient Emahi, il explique : « J’ai travaillé dans l’économie sociale, notamment avec Véronique Colucci, pour permettre à des personnes éloignées de l’emploi d’y revenir. Et quand je vois le travail accompli ici en matière d’inclusion je me dis tant mieux si l’économie sociale peut aider à casser la fracture sociale qui s’installe de partout ». Pour Thierry Marx: «Nous vivons dans une société où une partie de la population vit plutôt bien et l’autre plutôt mal. Il s’agit de faire comprendre à cette dernière qu’elle n’est pas assignée à cette mal vie. « Le République » a réussi, son équipe entend maintenant développer l’emploi grâce à la formation, quoi de mieux ? Ces expériences prouvent que l’on peut faire de la croissance en tenant compte du social et de l’environnement ». Il considère également que « l’économie sociale est un mouvement politique au sens le plus noble du terme car il n’y a rien de plus beau que de s’associer pour avancer ensemble ». Explique que si des financements existent déjà, d’autres viendront. Et, ajoute-t-il: «Je suis ravi d’accompagner ce mouvement, d’accompagner Sébastien Richard car chercher des solutions est beaucoup important que de chercher des coupables ».
Le chef Alexandre Mazzia est aussi engagé dans cette aventure : « Je viens d’un milieu relativement modeste. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes bienveillantes au long de mon parcours ainsi que le sport qui m’a éduqué. Le République, Emahi, me tiennent chaud au cœur tant je suis conscient de n’être qu’un passeur qui espère transmettre aux plus jeunes ». La cheffe Nadia Sammut estime pour sa part: « L’assiette est le volant qui contrôle la vie de chacun. Si nous prenons le contrôle sur notre assiette, nous allons changer le monde.» Et, insiste-t-elle: « On est tous capable de faire du bien ensemble ».
« Il s’agira d’abord de désapprendre, de déstructurer »
Le chef Gérald Passedat sera le président du «Comité stratégique de l’Alimentation» d’Emahi et Nadia Sammut la vice-présidente. Le comité stratégique éclairera sur les axes de progrès qui nourriront les formations. Sa première action est le lancement d’une étude sociologique sur l’attractivité et la fidélisation dans les métiers du secteur . « Pour attirer vers nos métiers, il faut remettre les gens dans le bouillon», explique Gérald Passedat qui précise : « Nous avons décidé de décloisonner cette école. Et c’est pour cela que l’on essaie de prendre les gens par les sentiments afin de les amener à connaître tous les métiers liés à la restauration. Et il n’y aura pas d’écran, de téléphone, de tableau noir. On veut s’ouvrir sur autre chose. Il s’agira d’abord de désapprendre, de déstructurer, d’essayer d’exprimer le talent artistique de chacun ». Il apporte un dernier élément : « Il est important d’œuvrer pour le bien commun. Ici nous sommes des nourriciers, on a la conscience et l’intelligence du cœur.»
Le parrain d’Emahi n’est autre que Guillaume Gomez, chef et représentant personnel du président de la République pour l’Alimentation et la Gastronomie. Il explique avec humour : «Quand « Le République » m’appelle je ne peux que répondre présent et en plus quelle audace de demander à un Parisien de venir soutenir une initiative marseillaise ». Plus grave, il note : « On retrouve l’importance de la souveraineté alimentaire qu’on avait oubliée. Alors qu’il y a deux choses qui sont vitales : respirer et s’alimenter.» Il note enfin que Marseille devient la capitale de la gastronomie solidaire : « Et c’est logique au vu de la géographie, l’histoire, les populations de cette ville ».
Michaël Sibilleau, le préfet pour l’égalité des chances, indique qu’il manque pas moins de 300 000 emplois dans l’hôtellerie-restauration, salue le succès du République, souligne l’importance d’Emahi comme facteur d’intégration et comme réponse aux besoins du secteur des métiers de bouche : « Il fallait faire quelque chose d’utile, d’inclusif. En deux ans vous avez réussi le pari du « République », ce pari un peu fou de permettre à des personnes qui n’ont pas les moyens d’avoir un repas de qualité pour un euro. C’est une démarche d’inclusion et vous avez trouvé un modèle pour le faire ». Pour lui : « Un chef est quelqu’un d’exigeant, de passionné qui veut partager quelque chose. Et le projet dans lequel vous êtes engagé avec Emahi est formidable. Il est destiné à répondre aux besoins des personnes qui en ont le plus besoin ». Il conclut : « Cette aventure est aussi l’occasion de rappeler que l’ESS est une force. Dans le département l’ESS c’est de l’emploi, de l’insertion ».
Reportage vidéo Joël BARCY, rédaction Michel CAIRE
Plus d’info: restaurantlerepublique.com