Marseille. Les Scop et Scic de la mer ont le vent en poupe

Publié le 29 octobre 2024 à  13h57 - Dernière mise à  jour le 30 octobre 2024 à  18h52

L’Union Régionale des Scop et des Scic vient d’organiser, en partenariat avec la ville de Marseille, dans les locaux de Marseille Capitale de la Mer, ancienne consigne sanitaire sise sur le Vieux-Port, une table-ronde sur le thème « Comment la réponse coopérative permet-elle l’adaptation aux enjeux économiques, sociétaux et environnementaux ? » Une réunion qui a permis de découvrir la diversité du monde des Scop et Scic, son dynamisme et son apport, qui est tout sauf anecdotique, au monde maritime, notamment à Marseille.

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Une rencontre a permis de découvrir la diversité du monde des Scop et Scic, son dynamisme et son apport, qui est tout sauf anecdotique, au monde maritime, notamment à Marseille. (Photo Joël Barcy)

Hervé Menchon, adjoint au maire de Marseille en charge de la mer, du nautisme, de la biodiversité marine signale : « Marseille est née de la mer, c’est, réellement, une capitale de la mer et je suis ravi d’évoquer les sujets la concernant avec des entreprises qui mettent réellement l’humain au centre, qui cherchent la profitabilité tout en ayant une gouvernance démocratique et un partage des bénéfices ».

Christophe Avellan, joue le rôle de grand témoin. Il est directeur du Pôle mer Méditerranée. Labellisé par l’État en juillet 2005 comme Pôle de compétitivité à vocation mondiale, le Pôle Mer Méditerranée fédère en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie et Corse près de 500 acteurs scientifiques et économiques du maritime autour d’une thématique commune : l’innovation maritime. La mission du Pôle est en effet de développer durablement l’économie maritime et littorale sur le bassin méditerranéen, en Europe et dans le monde en faisant émerger des projets innovants aussi bien individuels que collaboratifs et en accompagnant le développement des entreprises. Son avis sur les Scop lui est demandé. Un modèle qu’il avoue peu connaître. Il estime: « Le modèle n’est pas bien compris et le mode de gouvernance peut surprendre, deux éléments que les banquiers n’aiment pas ». Puis d’interroger : «Que mettez-vous en avant, le fait d’être une entreprise ou d’être une Scop avec sa gouvernance spécifique ?» Il ne manquera pas d’obtenir les réponses qu’il attendait. Et de découvrir un monde innovant, réactif, construisant des réponses économiquement viable pour faire face au changement climatique.

« Une Scic, c’est l’entrepreneuriat au service de l’intérêt général »

La réponse de Djamina Houdet-Caseneuve présidente de la Scic Hisseo, compagnie maritime de transport de marchandises – pionnière dans son domaine en Méditerranée- est d’autant plus pertinente qu’elle est présente avec Camille Charvet de Rising Sud qui explique : « Nous sommes l’agence d’attractivité et de compétitivité du territoire. Nous accompagnons les entreprises du territoire, attirons des investissements et les talents et renforçons l’image économique de la région par des actions d’influence.» Une structure qui n’est pas une habituée des Scop et Scic. Concernant Hisseo, il signale : « Nous nous sommes rencontrés lors d’une levée de fonds. Hisseo n’a pas été retenue mais nous avons trouvé le sujet intéressant en terme de structuration de filière et nous avons accompagné la Scic dans sa présentation devant des investisseurs. » Djamina Houdet-Caseneuve ajoute : « Une Scic, c’est l’entrepreneuriat au service de l’intérêt général. C’est aussi une gouvernance ouverte qui permet de réunir en tant que sociétaires  toutes les parties prenantes. Nous fédérons ainsi les chargeurs, les institutionnels, les collectivités et les citoyens. Des entreprises veulent d’ailleurs nous rejoindre. » Elle ajoute ne pas mettre toujours en avant le statut de Scic, insistant plus sur un système de transport maritime fiable économiquement et respectueux pour la nature.

« Oui à la démocratie, oui au mouvement, à l’agilité»

Franck Rossi insiste à son tour sur le fait qu’une Scop peut être un acteur incontournable de son écosystème à la fois pour sa réactivité et son adaptabilité aux évolutions comme aux opportunités. Il est le président de la société coopérative du lamanage des ports de Marseille et du golfe de Fos.  « Grâce à une motivation différente on est capable dans les Scop d’aller très au-delà d’une entreprise patronale classique», explique-t-il avant d’évoquer l’histoire et les missions de la société. « Le lamaneur, à l’origine, était un marin local qui montait à bord des navires pour les guider, au moyen d’une sonde, lors de leur entrée dans le port. Par la suite, le métier a évolué vers l’assistance à l’amarrage à  200 mètres du quai nous récupérons les amarres et nous les amenons à terre et au désamarrage des navires lors de leurs mouvements». L’histoire de la Société Coopérative de Lamanage commence, elle, en 1946. Après la guerre, sept sociétés assurent le lamanage sur le port de Marseille. Les autorités portuaires, pour un service plus efficace, leur demande de se regrouper en une seule entité : c’est la naissance de la coopérative des Bateliers du port de Marseille.

Avec la création du Port de Fos, le travail est réparti entre la coopérative des Bateliers de Marseille et l’entreprise Poli, puis, en 1983, la coopérative intègre Poli : la société devient la Société Coopérative du Lamanage des ports de Marseille et du Golfe de Fos. « Nous avons intégré cette société, qui était plus importante que nous à l’époque, fait entrer tous ses salariés dans la Scop. Et nous avons maintenant des filiales qui ne sont pas en Scop», indique Franck Rossi. Un développement, un dynamisme qui prouvent que « Ce n’est pas parce que nous sommes une Scop, que nous sommes 84 associés, pour une centaine de salariés, que nous avons un fonctionnement démocratique, avec 100% du capital possédé par les coopérateurs, que nous ne nous adaptons pas rapidement. Chez nous c’est oui à la démocratie et oui au mouvement, à l’agilité ». Il signale que depuis 2010, les lamaneurs sont regroupés au sein de l’association nationale du lamanage des ports français (ANLPF) aux côtés des lamaneurs des ports du Sud, Bastia, Sète, Toulon. L’association a comme objectif la défense des intérêts et des droits des sociétés de lamanage. Elle  communique sur la profession, suit les évolutions de la réglementation, favorise, pour les sociétés adhérentes, un développement économique performant, promeut les diversifications de prestations, aide à organiser le service du lamanage dans d’autres ports.

Franck Rossi en vient à la dimension environnementale : « Nous sommes tous les jours sur l’eau, nous mesurons à quel point il est important qu’elle soit de qualité. Alors nous ne jetons plus rien à la mer ; nous allons lancer une étude sur un canot électrique pour l’activité croisière, le ferryboat de Martigues est déjà 100% électrique. Nous allons recevoir, en juin, un bateau hybride, pour faire la visite des calanques. Nous faisons donc l’effort de verdir notre flotte tout en sachant qu’un bateau hybride coûte 25% plus cher qu’un bateau classique. Par ailleurs lorsque nous nettoyons un bateau nous utilisons des produits biodégradables. »

Patrick Magdalone est secrétaire général du Grand Port Maritime, il tient à souligner que « le grand port s’inscrit dans la lutte contre le changement climatique. Nous avons investi 75 millions d’euros pour le branchement à quai des navires et une étude d’impact prouve que les efforts accomplis paient. Une action que nous allons poursuivre. »

« La Scop c’est un état d’esprit et l’esprit maritime va bien avec les Scop »3

Patrick Magdalone reprend : « La Scop c’est un état d’esprit et l’esprit maritime va bien avec les Scop puisque nous sommes tous embarqués sur un même bateau. C’est d’autant plus vrai que l’on voit l’état d’esprit changé dans le monde du travail, les salariés cherchent une raison d’être, une raison de s’engager et cela correspond aux Scop ».  il tient à rappeler : « La Scop est une entreprise. Elle a les mêmes contraintes que toutes les entreprises. » Il déplore : « On ne parle pas assez des Scop qui réussissent et, dans le même temps on doit aider les faibles à devenir forts. » Franck Maillé, président de l’Union régional des Scop et  Scic  Paca-Corse précise que cette dernière les accompagne dans leur développement, y compris sur le volet RSE : «Nous avons d’ailleurs un délégué en charge de ce dossier. »

« Chez nous le capitaine est entouré de copilotes »

Ludovic Viviand est chargé d’affaires technico-commercial chez Atem Maintenance, spécialiste des machines tournantes. Il partage le propos de Patrick Magdalone. Il précise dans un premier temps : « Parti de 7 personnes, dont une est toujours dans la Scop, la société compte aujourd’hui 70 salariés dont 55 coopérateurs. Nous avons des agences à La Ciotat, Bordeaux et des filiales à Grenoble et Casablanca. 65% des bénéfices sont partagés entre les salariés, 20% en investissement, 10% en réserve le reste part en réserve et en participation.» « Il y a chez les Scop et les Scic, ajoute-t-il, une intelligence collective, une gouvernance partagée qui va bien avec le monde de la mer. Nous élisons en effet notre capitaine, que nous  pouvons changer, et nous définissons collectivement le cap. Ainsi, alors que dans une entreprise classique il y a un capitaine et des passagers, chez nous le capitaine est entouré de copilotes. » A son tour, il précise : « Lorsque nous allons chercher des contrats nous ne mettons pas en avant le fait d’être une Scop. Mais quand le client arrive dans l’atelier il découvre un climat différent, un investissement supplémentaire. Et il faut savoir que nous avons très peu de turn-over ce qui permet de monter en compétence, de transférer les compétences et de connaître une «  » »33dans la société. »

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Au terme des échanges Christophe Avellan reprend la parole : « J’ai des réponses à nombre de mes questions. Les Scop et les Scic  sont des sociétés viables, pérennes. C’est un modèle que l’on peut donner en exemple à des sociétés qui portent un intérêt à la RSE. » Franck Rossi concède : « Peut être que nous manquons de communication. Il ne faut pas parler des Scop et des Scic seulement quand une société en difficulté se transforme en Scop. Il faudrait aussi parler des reprises lorsque le créateur part en retraite, parler des transformations d’associations en Scop, des créations ex nihilo. »

Reportage vidéo Joël BARCY, rédaction Michel CAIRE

Franck Maillé, président  de l’Union Régionale des Scop et Scic de Paca et Corse : « Nos coopératives sont des actrices économiques et industrielles du monde maritime »

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En blanc, Hervé Menchon, adjoint au maire de Marseille en charge de la mer et Franck Maillé à droite, le président de l’Union régionale des Scop et Scic de Paca et Corse (Photo Joël Barcy)

Franck Maillé, le président de l’Union régionale des Scop et Scic de Paca Corse explique : « Notre Union régionale, ancrée à Marseille depuis 1938, crée, accompagne, soutient les coopératives maritimes. Nous sommes heureux que Marseille, 2e ville de France et capitale euro-méditerranéenne, s’empare de ce sujet car nos organisations sont innovantes et évoluent sur la technicité de leurs différents métiers, sur le social, le sociétal et l’environnemental ». Il explique : « Nous expérimentons la démocratie depuis plus d’un siècle, d’ailleurs, le mouvement fête cette année ses 140 ans. En parlant de démocratie dans une entreprise, le mot exact serait plutôt aujourd’hui la gouvernance partagée, et pour y arriver, ces coopératives impliquent leurs équipes grâce à la formation pour devenir des coopérateurs et des coopératrices. Et, au sein de nos Scop, nous élisons notre dirigeante ou dirigeant,  et il est important qu’il y ait de la transparence, de l’échange car nous ferons ensemble des choix stratégiques, économiques et de ressources humaines.» D’insister : « L’humain est fondamental et il se retrouve dans la Scop en tant que personne intègre. Dans nos Scop il va mettre sa casquette de citoyen.»

Et il précise encore : « Attention, nous sommes des entreprises commerciales qui se doivent d’être rentables et générer des bénéfices, d’ailleurs dans l’ESS nous parlons de lucrativité limitée, c’est qu’en fait les bénéfices sont partagés entre la Scop pour qu’elle réinvestisse et les salariés, ce qu’on appelle la part travail ou le partage de la valeur. » Il ajoute : « Quand on parle aux jeunes on voit combien l’effet propriété est important pour eux. Eh bien justement en Scop tout le monde peut être propriétaire de son entreprise.»

Le président de l’Union régionale conclut : « Nos coopératives sont des actrices économiques et industrielles du monde maritime. L’importance de se retrouver autour des enjeux du transport maritime, de la construction et de la réparation navale, de l’économie portuaire, de la formation et des technologies maritimes d’avenir est essentiel dans ce monde en transition.» Pour lui: « C’est ensemble, en pleine conscience, que nous arriverons à passer ces transitions, en protégeant notre milieu marin. Il est aussi le plus gros capteur de carbone en permanence agressé et pillé. Et c’est en coopérant avec intelligence, comme dans nos coopératives que nous arriverons à sauvegarder cette biodiversité fragile et sensible. »

Reportage vidéo J.B et  rédaction M.C.

 

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