Ça chante, ça danse, ça bouge dans tous les sens. Habits non genrés, déconstruction du réel « George Dandin» dans la version proposée par la « Clinic orgasm society » est un opéra rock qui secoue les méninges, les oreilles, les zygomatiques et les personnages. Gageons que Molière, l’auteur de cette comédie grinçante en forme de satire sociale aurait kiffé la retransposition grand-guignolesque qu’en fait la troupe.
Poursuivant leur travail sur les normes, les catégorisations sociales, les constructions culturelles, et les rapports de domination Ludovic Barth et Mathylde Demarez ont su ici renouveler leurs pratiques de travail. Imaginez Molière et Lully sous acide et vous aurez l’ambiance générale du spectacle. Donnée la première fois en 1668 devant Louis XIV la pièce oppose deux mondes qui entrent en friction sans jamais parvenir à se rencontrer.
L’intrigue en est simple. George est paysan mais il est devenu riche. Il a voulu s’élever dans la société, alors il a épousé Angélique, une jeune femme de la noblesse. Ou plutôt, ce sont les parents d’Angélique, Monsieur et Madame de Sotenville, aristocrates de province désargentés, qui ont arrangé le mariage, pour profiter de la richesse de George. Mais Angélique tombe sous le charme des manières élégantes de Clitandre, un aristocrate de la Cour de Versailles de passage dans la région, qui lui tourne autour. George est malheureux, il se sent floué, et tente aussi maladroitement que désespérément de confondre sa femme devant ses parents, espérant rompre ce mariage qui lui fait tant de mal. Mais sa condition de roturier joue contre lui, et les Sotenville n’ont aucun intérêt à ce que les choses tournent en ce sens…
Fidélité au texte de Molière
On notera la fidélité absolue au texte, on soulignera l’interprétation remarquable de Yoann Blanc en George Dandin, et celle de Raphaëlle Corbisier qui campe une Angélique un rien MeToo. On sera plus partagés sur les performances du reste de la troupe tant par exemple les personnages des Sottenville sont absolument à mon sens ridicules (c’est voulu) et apparaissent sans profondeur. La manière dont la mise en scène contraint madame Sotenville à prononcer toutes les lettres d’un mot y compris les S placés en fin alourdit et n’apporte rien. Confiée à Grégory Duret la musique du spectacle qui suit à la lettre le texte de la Pastorale enchâssée dans le récit est un régal. Voiture sur la scène, création de danses du chorégraphe Clément Thirion, inventivité survitaminée, bergères vêtues de buissons, robe fendue du mari dupé, bouclettes du bel amant un tantinet glamrock, sans parler des sortes de clochettes placées sur le sexe visible d’un des séducteurs, tout ici peut plaire comme ça peut laisser indifférent. En tout cas, ça prend des risques ça secoue les lignes et les codes, et c’est véritablement surprenant et festif. Oui Molière aurait sans doute kiffé de ouf !
Jean-Rémi BARLAND
A La Criée jusqu’au samedi 1er juin à 20 heures. Plus d’info et réservations sur lestheatres.net
Yoann Blanc campe un George Dandin hors normes Photo Anoek Luyten