Publié le 7 mars 2020 à 8h33 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 9h48
Des applaudissements s’élèvent en l’Église Saint-Victor de Marseille au passage du cercueil de Marc Pietri, au termes d’une cérémonie forte, dense, à l’image de ce personnage hors-norme. Alors, au fil des propos, des chants, la tristesse bien sûr, des larmes, mais aussi des yeux qui s’éclairent, un sourire qui se dessine à l’évocation d’une facette de Marc Pietri, d’un souvenir. Dans l’église, énormément de monde. Impossible de citer tous les présents, notons toutefois la présence de: Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, ancien Premier ministre, Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille, Martine Vassal, présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence et du Conseil Départemental 13, Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Jean-Luc Chauvin, le président de la CCIAMP, Philippe Korcia, président de l’UPE13, Denis Philipon…
Les premiers mots sont de Vanina, la fille aînée de Marc Pietri, pour tous ceux venus accompagner son père dans son dernier voyage: «Merci à tous ceux qui sont venus rendre un dernier hommage à Pietri. Papa était un personnage hors norme, un combattant, un bloc d’humanité. C’était la vie, il l’aimait passionnément. C’était quelqu’un qui disait avoir le goût des autres. C’était le patriarche». Rappelant: «Il avait Foi dans l’Homme, la vie et Dieu qu’il voyait en toute chose». L’émotion est là, tout au long du propos, elle avoue: «Ton absence est insupportable mais compte sur nous pour continuer à écrire ton histoire, notre histoire». Après l’Ave Maria de Gounod, c’est un autre chant qui se fait entendre, «le quat’z’arts» de Georges Brassens…: «l’enterrement paraissait officiel. Bravo!»… comme un dernier trait d’humour du disparu qui avait souhaité ce chant. Une cérémonie lors de laquelle on a également pu entendre «le blues du businessman» ou encore «La complainte du phoque en Alaska» tandis que la sortie était accompagnée de «Ma plus belle histoire d’amour». Vient le temps de l’Évangile, il était tout trouvé: «Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église»
«Jusqu’au bout, il nous aura accueillis dans sa vie et en même temps, sa vie à lui nous aura échappé»
Dans son homélie, Monseigneur Aveline raconte: «C’était vendredi dernier. En allant prendre un avion pour rentrer à Marseille, Marc nous a quittés, terrassé par une crise cardiaque. Depuis quelques temps déjà, il n’allait pas bien. Mais comme toujours, il voulait se battre, se retirer chez lui pour reprendre des forces, retrouver la mer, nager en eau libre, lui qui, comme Albert Camus, avait « toujours eu l’impression de vivre en haute mer, menacé » certes, mais « au cœur d’un bonheur royal ». Mais cette fois-ci, la haute mer, menaçante et attirante, l’a englouti sans crier gare. Jusqu’au bout, il nous aura surpris, pris de court, devancés. Jusqu’au bout, il nous aura accueillis dans sa vie et en même temps, sa vie à lui nous aura échappé». Et d’inviter à la réflexion: «Mystère de toute vie humaine, lisible et illisible à la fois, accessible au regard extérieur et souvent bien plus complexe à l’intérieur. On croit savoir et l’on ne sait pas. Et beaucoup parmi vous, qui êtes souvent sur le devant de la scène, que cette scène soit politique, économique, culturelle, religieuse ou autre, beaucoup d’entre vous éprouvent, parfois douloureusement, l’écart incommensurable qui existe entre ce que l’on montre et ce que l’on est, entre les combats qu’il nous faut mener à l’extérieur et ceux, souvent plus redoutables, qu’il nous faut conduire à l’intérieur».
«J’imagine Marc, à peine ragaillardi et déjà entreprenant, essayer d’intéresser Simon-Pierre à des projets d’aménagement du ciel»
«Depuis vendredi dernier, poursuit Mgr Aveline, j’imagine le dialogue en cours entre Marc Pietri et Simon-Pierre. J’imagine Marc, fatigué par sa mort, mais déjà ragaillardi par l’air frais du ciel, vouloir faire ami-ami (sans jeu de mots !) avec cet autre bâtisseur qu’est Simon-Pierre, celui à qui Jésus avait dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église ». Et puis Pierre aimait aussi la mer, lui qui était pêcheur. J’imagine Marc, à peine ragaillardi et déjà entreprenant, essayer d’intéresser Simon-Pierre à des projets d’aménagement du ciel, où il y a beaucoup de demeures qui réclameraient le travail d’un bon aménageur ! Et d’imaginer déjà des Earth-Line venant du ciel tutoyer nos océans et nos Sky-Lines, surtout celle de Marseille». Il se fait alors grave, évoquant, derrière l’exubérance «la solitude et la rage dans les combats qui révélait aussi la profondeur d’anciennes blessures pas toujours cicatrisées. L’enfance de Marc avait été dure. Le besoin d’être sûr d’être aimé ne l’avait jamais quitté parce qu’il ne pouvait jamais être assouvi tant qu’il ne comblerait pas le manque originel. Marc avait toujours essayé -et d’une certaine façon, il y avait remarquablement réussi- à transformer cet obstacle en moyen, cette faiblesse en force, ce manque en ressource. Il avait pu ainsi déployer des projets qui le dépassaient, en Floride et partout dans le monde, mais surtout, et avec quelle affection, à Marseille, parce que ses racines étaient ici et pour toujours. « C’est cela, Marseille, disait-il : être de partout, de tous les horizons, mais être Marseillais avant tout !».
«Ne vous laissez pas voler votre humanité»
Et il invite: «Si vous voulez honorer la mémoire de Marc Pietri, ne vous laissez pas voler votre humanité. Gardez le souvenir de vos blessures. N’ayez pas peur de vos faiblesses. Soyez vrais». Puis de laisser la parole à Marc Pietri qui disait, le 1er juin 2017, alors qu’il recevait au Palais de la Bourse, des mains de Manuel Valls, les insignes de Commandeur de la Légion d’honneur « Nous n’avons pas été mis au monde pour détruire et nous détruire, mais pour construire. (…) L’Évangile dirait : « Qu’as-tu fait de tes talents » ? (…) J’ai choisi les autres comme boussole et ils me l’ont bien rendu. (…) Et moi alors, si Dieu me le permet, j’irai au bout de mes rêves, parfois là où la raison s’achève. Je ne suis pas sur les chemins qui mènent à Rome, même si je ne fais de mal à personne. Je profite de chaque heure, de chaque jour. Comme disait Marcel Proust : « une heure, ce n’est pas qu’une heure. C’est un vase rempli de parfums, de sons, de projets, de climats et d’amis. » ». C’est justement au tour des amis de s’exprimer: «Ton humour, tes excès nous ont rendus heureux, tu nous a réconfortés dans les moments difficiles. Ton charme exceptionnel, ton charisme nous ont permis des dépassements de nous-mêmes dont nous ne serons plus jamais capables». Il parle d’une amitié de jeunesse commençait à moins de 20 ans, du rugby, de ses troisième mi-temps, de l’arrivée de Rozenn dans la vie de Marc Pietri, Rozenn avec qui il se mariera alors qu’ils ont 20 ans, puis de l’arrivée des enfants, Vanina, Jean-Baptiste et Marie-Victoire, puis des petits-enfants.
«Tu n’étais pas sûr qu’on t’aimait alors tu nous a fait ce coup»
Pour Me Versini-Campinchi: «Ici il n’y a que tes amis et tes orphelins de tout âge, tout sexe, toute confession». Il évoque à son tour un homme qui cultivait l’amitié: «Quand je ne lui téléphonais pas une fois dans la semaine, il m’engueulait (…) Tu n’étais pas sûr qu’on t’aimait alors tu nous a fait ce coup». Un autre intervenant raconte avoir reçu un jour un homard avec ce mot de Marc Pietri: «Le CAC 40 en pince pour toi». Il évoque «un entrepreneur de la vie», «un homme de feu dont la vie se consumait sans compter et cet homme de feu était toujours dans l’eau. « Et, pour nous, jamais dans l’eau son trou ne se refermera »». Pour Christophe Castaner: «Marseille est en deuil, un visionnaire l’a quittée et nous avons tous en tête un moment, une fête, une histoire, un projet, une aide, un de tes combats pour les générations futures. Rien ne semblait impossible à tes côtés, à nous maintenant de nous montrer à la hauteur de ta force et de ton talent». Jean- Claude Gaudin évoque «ce Corse parti à la conquête de l’Ouest américain» qui «en 45 ans a su transformer « Constructa » en leader», exprime sa tristesse, exprime la stupéfaction qui a été la sienne en apprenant la triste nouvelle «car le soir n’était pas venu pour lui de passer sur l’autre rive». Manuel Valls, nous confiait: «J’ai fait sa connaissance en 2008 grâce à son fils et cela a été un coup de foudre. La Méditerranée nous liait. Cela a été un bonheur de remettre les insignes de Commandeur de la légion d’honneur à cet homme qui aimait tant la République. C’était un personnage hors norme, remarquable». A ses côtés le député Francis Chouat, ancien maire d’Évry se souvient: «Il a travaillé sur le projet du Bois Sauvage, une opération politique de la Ville, où il fallait démolir, reconstruire à la place des logements de qualité, mettre de l’accès à la propriété. Il a fait cela quasiment seul, en y mettant autant d’implication que pour ses plus grands projets».
Michel CAIRE