Publié le 15 avril 2018 à 21h50 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h41
Comme il est écrit dans le «Dictionnaire de la Musique» publié par Larousse, «les frontières exactes entre opérette, opéra-comique, opéra bouffe ou opérette bouffe, puis, plus tard, entre opérette et comédie musicale sont bien difficiles à déterminer.» En 1923, alors que Dranem et Maurice Chevalier créent «Là-haut » aux Bouffes-Parisiens, Maurice Yvain, qui a mis en musique le livret de Mirande et Quinson, lui donne son genre ; ce sera une opérette bouffe. Pour cette nouvelle production qui vient de réjouir le public marseillais à deux reprises ce week-end, Carole Clin, qui signe la mise en scène, a délibérément opté de nous entraîner dans l’ambiance de la comédie musicale avec la complicité de son assistant Sébastien Oliveros, de la scénographe Emmanuelle Favre et de Katia Duflot, qui signe là des costumes somptueux «griffés» années folles, en adéquation totale avec le propos de la metteuse en scène. Tout se joue sur les lumières et quelques éléments de décors chics et de bon ton pour créer ces univers aussi différents que le Paradis ou l’intérieur d’une villa parisienne… Dans ces ambiances soignées, le rêve, puisque c’en est un, devient réalité sans aucun problème et les charmantes élues réunies autour de Saint-Pierre sont les sosies de Jeanne d’Arc, Dalida, Marylin Monroe, Betty Boop, Mercredi Addams… Tout un monde qui chante, danse et joue sur un plateau qui semble avoir gagné en espace en étant seulement utilisé de façon optimale et avec efficacité par Carole Clin. Sans forcer le trait, tout en finesse, elle anime son petit monde avec humour et malice. Chorégraphie bien réglées, déplacements élégants, un résumé vivant de ce que peut être la Classe, avec un grand «C». Il est vrai que son travail est singulièrement facilité par les qualités des interprètes animés d’un véritable esprit de troupe. Tout aussi bons comédiens que chanteurs, ils donnent à la pièce sa consistance vitale. Une fois n’est pas coutume, débutons par le côté masculin de la distribution. Aux côtés d’ Evariste Chanterelle, incarné par un Grégory Benchenafi toujours tête bien faite et bien plein, voix droite et précise -son «Hallelujah» numérique et miraculeux qui a fait «le» buzz musical de ces dernières semaines ne l’a pas perturbé et même si de nouveaux projets vont se concrétiser dès la semaine prochaine avec Valérie Michel, la pianiste toulousaine rencontrée à l’aéroport-, aux côtés d’Evariste, donc, Grégory Juppin est un Frisotin exceptionnel. Dynamique, plein d’humour -son imitation de Clo-clo vaut le détour-, voix bien placée, puissance, il séduit. Le Saint-Pierre de Philippe Fargues est impayable et le cousin Martel, incarné par un Dominique Desmons au meilleur de sa forme, désopilant. Un quatuor masculin parfaitement mis en valeur par un septuor féminin hors du commun. Priscilla Beyrand , Lavénah Lhuillier, Sofia Naït et Émilie Sestier sont quatre des élues qui œuvrent auprès de Saint-Pierre. Quatre jeunes femmes dont les voix sont à la hauteur de leur beauté… Kathia Blas est une Marguerite truculente et Julie Morgane, toujours aussi étonnante, surprenante et décalée (dans le bon sens du terme) est une Mercredi/Maud idéale, inquiétante, envoûtante. Dans le rôle d’Emma Chanterelle, Caroline Géa impose son assurance de jeune femme, son espièglerie et sa joie de vivre. La voix est toujours idéalement placée et le sourire ravageur. A la tête d’un Orchestre de l’Odéon qui sonne «années 30» à merveille, Bruno Conti se fait plaisir et nous fait plaisir avec une direction dynamique mettant en valeur qualités et couleurs de l’ensemble. Il est où le bonheur, il est où ? (air connu). Ce dernier week-end il était à l’Odéon, en haut de la Canebière !
Michel EGEA