Publié le 13 décembre 2015 à 9h48 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
Vendredi soir, à La Criée, Roland Hayrabedian et Musicatreize créaient «La Digitale» première d’une série de trois cantates policières commandées à Sylvain Coher par le directeur musical de l’ensemble et mise en musique par Juan Pablo Carreno. Une production coproduite, aussi, par l’Opéra de Marseille dont les ateliers ont réalisé décors et costumes.
Mais qui a vraiment tué Karl ? Flore Withering, coupable aux yeux de tous, qui meurt lentement, empoisonnée, au long de son interrogatoire. Entre commissariat, geôle et salle d’autopsie l’action donne à connaître deux inspecteurs, un médecin légiste, deux témoins clés, une avocate commise d’office et Martin, le deuxième personnage clé du drame. «La Digitale», c’est 29 pages d’écriture pour un peu plus d’une heure de musique. Le texte, parfaitement rythmé, développe une intrigue intéressante. Il nous plonge dans une ambiance glauque, humide, pesante. Tout juste quelques effets répétitifs, notamment au départ, sont parfois pesants. La musique réussit le tour de force d’être parfois désagréable et parfois géniale. Cette dernière qualité baignant la deuxième partie de la cantate avec, à notre sens, le sommet de l’œuvre, la scène finale d’autopsie, totalement hallucinante et envoûtante. Roland Hayrabedian est à la tête d’un ensemble où le violon, le violoncelle, la flûte et la clarinette côtoient l’euphonium, l’orgue Hammond, l’accordéon et la guitare, pour insuffler son caractère inquiétant et très «thriller» à l’œuvre. Vocalement, Sevan Manoukian, qui incarne Flore Withering, réussit une vraie performance, présente en scène en permanence et devant affronter une partition suicidaire dans les aigus. Le ténor Xavier de Lignerolles est infâme comme il faut dans le rôle de Martin et le contre-ténor Cécil Gallois, inquiétant légiste.
De cette création on retiendra aussi, et peut-être surtout, la qualité du travail de mise en scène et de scénographie de Sybille Wilson et Jim Clayburgh. Les vidéos jouent sur les tulles, les éclairages soignés donnent son épaisseur à l’action, le jeu d’acteurs est maîtrisé et intelligent. Cette digitale a finalement fait son effet sur la salle et visiblement intéressé les collégiens venus en nombre. Comme toute création, elle est appelée à évoluer. Ce qui ne manquera certainement pas d’être fait puisque le but ultime pourrait être de présenter les trois cantates comme un opéra en trois actes. Ce qui est possible puisque les trois mini-opéras de chambre sont une histoire d’empoisonnement et de vengeance familiale qui court sur trois générations… Prochain épisode : «La douce-amère» la saison prochaine… En attendant, si vous voulez lire l’histoire entière, les «Trois Cantates Policières» de Sylvain Coher sont disponibles, éditées par Actes Sud…
Michel EGEA