Publié le 6 mai 2019 à 18h34 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h47
En général le personnage d’Horace dans «L’École des femmes » est présenté par les metteurs en scène comme un bélître assez niais. Jacques Lassalle s’était abstenu de le définir ainsi, et en avait confié l’interprétation dans sa mise en scène flamboyante à l’acteur marseillais Pascal Rénéric, qui fut époustouflant et subtil. Comme à son habitude, devrait-on dire, lui que nous venons d’applaudir à la Criée dans « La fuite » de Boulgakov, sous le regard de Macha Makeïeff. Même point de vue avec Stéphane Braunschweig, dont le Horace est malin et drôle en diable, chevalier servant et véritable pourfendeur des imbéciles. Pour l’incarner le metteur en scène a choisi en la personne de Glenn Marausse, un comédien à la hauteur de son point de vue. Un acteur qu’il connaît bien et qui fut de l’aventure de «Soudain l’été dernier » de Tennesse Williams, que Stéphane Braunschweig présenta en avril 2017, au théâtre de Gymnase. Il y jouait Georges Holly dans cette histoire de passion, de mort et de secrets familiaux. Une pièce magnifiquement assemblée (de toute façon Braunschweig ne rate jamais un spectacle) et dont nous avions dit ici à l’époque le plus grand bien. Glenn Marausse donc ! Dans ces deux pièces, lui qui découvrit l’art dramatique au lycée à Nantes, au moment où ses parents l’inscrivirent en classe théâtre. Ce ne fut pas ce que l’on appelle un coup de foudre pour les études en général, Glenn prenant beaucoup de plaisir sur les planches. Conservatoire de Nantes, où il fut reçu entre 2009 et 2011, rencontre déterminante avec la metteure en scène Monique Hervouët, venant du Mans, qui le poussa vers le rôle de Damis, dans «Le Tartuffe», et entrée à L’Erac, (aujourd’hui Eracm), l’École régionale acteurs de Cannes-Marseille, dans une promo qui entre 2013 et 2016 fut jugée comme l’une des meilleures. « C’est là que j’ai eu mes premiers grands bouleversements de vie», raconte-t-il, lui qui, rencontra alors Laurent Pointrenaud, Michel Corvin, Claude Duparfait (immense Arnolphe de « L’école des femmes» où il joua, Stéphane Braunschweig, Emma Dante, Dorian Rossel. Sans oublier le Marseillais Antoine Laudet (vu l’année dernière dans «L’augmentation» de Perec aux côtés d’Antoine Robinet) qui mit Glenn Marausse en scène dans « Martyr » de Marius Von Mayenburg. Incarnant Capitaine en sang. Lennox. Meurtrier. Seyton dans le «Macbeth» que Braunschweig, encore lui, montait à l’Odéon, en mars 2018, Glenn Marausse semble savoir tout jouer. Avec une égale énergie. Et une vraie joie visible de tous. En réfléchissant toujours en amont sur la psychologie des personnages qu’on lui confie. «Horace dans « L’école des femmes » est un jeune de son temps qui parle d’abord de manière assez triviale des filles qu’il est censé séduire, explique-t-il puis, qui se trouve bouleversé par Agnès dont il se rend compte qu’elle n’est pas stupide, et que grâce à lui elle peut s’imposer comme étant encore plus intelligente qu’au début. Ce personnage n’est donc ni machiste, ni idiot, il est en perpétuelle évolution et j’ai essayé de rendre compte de son parcours en suivant l’humour qui se dégage des situations.» Cette innocence du cœur est rendue visible sur scène grâce à la complicité entretenue avec Claude Duparfait. « Je suis très ému d’avoir joué avec lui, c’est une joie et ce fut une chance » ajoute Glenn Marausse
«L’envol des cigognes »
Quant à savoir ce qu’est une bonne pièce Glenn Marausse a, là-dessus, une idée assez précise. «C’est quand en tant que spectateur je vois une vraie recherche dramaturgique.» Et pour définir un bon spectacle il ajoute «c’est un bel ensemble de travail» avant que d’illustrer son propos en évoquant « L’envol des cigognes » de Simon Abkarian, acteur qu’il juge «humble, et qui possède une vraie vraie qualité d’écoute». Comme lui en fait qui conçoit son métier en artisan et travailleur acharné.
Avignon en juillet
Cet été dans le off d’Avignon on pourra retrouver Glenn Marausse dans deux aventures: la première au Gilgamesh (du 5 au 29 juillet à 18h30), dans «Pronom» d’Evan Placey, mis en scène de Guillaume Doucet, où il fait une apparition vidéo en James Dean, un des premiers acteurs auxquels il s’est identifié et qui selon lui « a pété les codes ». Et ensuite au Train Bleu (du 5 au 29 juillet à 12h40) dans « Guillaume, Jean-Luc, Laurent & la journaliste – Jamais je ne vieillirai» une pièce de Jeanne Lazar, qui est une adaptation du roman «Je sors ce soir» de Guillaume Dustan et de ses interviews à la télévision. «J’y incarne Jean-Luc qui fut le meilleur ami de Dustan, et qui n’est pas Jean-Luc Lagarce mais un attaché au cabinet de Ségolène Royal. J’ai pris beaucoup de plaisir à participer à ce projet ludique, exigeant, hors normes». Nous ne manquerons pas de rendre compte ici de ces deux pièces, et force est de constater que Glenn Marausse, jamais là où on l’attend, sait prendre des risques, s’investissant sur des projets ambitieux et divers. Énergie, talent et inventivité quand tu nous tiens !
Jean-Rémi BARLAND