Publié le 5 juin 2013 à 5h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 15h40
A la découverte d’une Église qui vit dans le monde arabe et musulman, « construit et espère, croit et aime avec lui »
Grégoire III Laham, Patriarche grec melkite catholique d’Antioche et de l’Orient était l’invité de l’Institut Catholique de la Méditerranée, en partenariat avec l’œuvre d’Orient, au centre diocésain le Mistral. Le Prélat, loin de toute pratique de la langue de bois est intervenu sur « l’Église entre Orient et Occident ». Un propos à entendre d’une personne qui vient d’une Église « indépendante mais en liaison avec Rome, qui vit dans le monde arabe et musulman, qui interagit avec lui, souffre et jouit avec lui, construit et espère, croit et aime avec lui ».
Un discours, un vécu, à l’opposé de la thèse sur le soi-disant choc des civilisations. Grégoire III Laham insiste : « En tant que chrétiens nous avons un rapport profond avec les musulmans des pays arabes. Nous avons en partage avec eux la chair et le sang, l’ethnie, la nationalité et le lignage, la culture, la civilisation et les coutumes. Nous sommes une Église qui vit quotidiennement depuis 14 siècles côte à côte avec l’Islam, ce qui a permis de constituer, au cours du temps, un patrimoine commun. Au long de l’histoire notre Église a partagé avec ses compatriotes musulmans d’importantes responsabilités nationales, sociales et même militaire. L’Islam est présent dans toutes nos sociétés, nos familles, nos intérêts, nos congrès, nos études, nos prédications et nos conférences, nos analyses et nos projets. »
Le Patriarche précise : « Nous sommes 350 000 au Liban, autant en Syrie, 60 000 en Israël et en Palestine, 25 000 en Jordanie… Notre Église compte 28 diocèses et des ordres masculins et féminins. Elle dispose aussi d’une centaine d’écoles dans le Moyen-Orient. Des établissements qui s’adressent à tous. Il en va de même pour nos actions sociales ou en matière de santé. Nous n’avons jamais demandé sa religion à celui qui nous interpelle. »
Puis de remercier ceux qui, en Occident, veulent protéger ces chrétiens d’Orient. « Mais si on veut nous protéger, il faut aussi protéger nos voisins musulmans. Et il faut bien comprendre que nous ne sommes pas une minorité, nous sommes des citoyens de nos États respectifs. Et personne ne peut nous reprocher d’être des alliés de l’Europe ou de l’Égypte, notre place est dans la société qui est la nôtre. »
Concernant les Printemps arabes, il estime : « Le monde arabe a été pris à l’improviste. Ce que voulait les manifestants n’a pas abouti en Égypte, en Libye et c’est encore pire en Syrie. Là se pose une question :où est l’interlocuteur ? Il n’y a pas l’opposant car l’opposition est divisée. C’est pour moi le plus gros problème. Et, encore une fois, ce n’est pas de l’Islam dont j’ai peur, pas du musulman qui est mon frère, mais du chaos. La Syrie est la concentration de tous les problèmes du Moyen-Orient, si tout le monde se met autour de la table à Genève, si toutes les questions sont prises en compte, alors, je pense sincèrement qu’un printemps pourra voir le jour. Pour moi, le succès ou l’échec des Printemps viendra de Syrie. En tant que chrétiens nous devons, plus que d’autres, mieux que d’autres, entendre les cris poussés sur toutes les places, mais dire à tous, non à la violence. Nous avons d’ailleurs lancé un appel à la réconciliation en Syrie. »
Michel CAIRE
Ce jeudi 6 juin, de 17h30 à 19h30, bibliothèque de l’Alcazar, conférence publique « Humanismes et Religions », avec Julia Kristeva, Jean-François Mattéi et Gianfranco Ravasi.