Publié le 23 février 2014 à 11h31 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h18
A l’initiative de la Jeunesse Arménienne de France (JAF) Marseille vient de rendre hommage à Missak Manouchian et les membres de l’Affiche Rouge, à l’occasion du 70e anniversaire de leur exécution par les Nazis. Une cérémonie forte, émouvante lors de laquelle la plupart des intervenants ont insisté sur le devoir de mémoire en ses temps troubles que nous vivons.
La cérémonie se déroule devant la stèle de Missak Manouchian, à Marseille, ville où rescapé du génocide arménien, il arrive en 1925. De nombreuses personnalités sont présentes (*), au premier rang desquelles Marie-Arlette Carlotti, la ministre déléguée auprès de la ministre des Affaires sociale et de la Santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
J.P Chiny, ancien combattant, responsable de l’ANACR, le premier, lance un cri d’alarme : «Soudain des voix s’élèvent pour ironiser, nier le racisme et les victimes. Et le pire c’est que des milliers de français paient pour aller aux spectacles d’un pitoyable bouffon. Alors, plus que jamais, il s’impose de perpétuer la mémoire». Puis d’indiquer: «C’est à Marseille, en 1940 que naît la résistance avec Henri Frenay. Ils étaient peu nombreux alors, venaient d’horizons différents mais avaient en partage l’amour de la France et de la liberté». Il rappelle à ce propos:« Dans ce quartier du Vieux-Port, des rues, des places, rappellent les héros de la résistance. Nous avons une rue Gabriel Péri, communiste, journaliste à l’Humanité ; la place d’Estienne d’Orves, catholique, Action Française et, ce buste en hommage à Manouchian, arménien. Les Nazis, après l’exécution du groupe Manouchian ont publié une affiche rouge, ultime dégradation, pour discréditer la résistance, en montrant ces italiens, arméniens, espagnol, polonais morts pour la France en chantant La Marseillaise. Cette affiche, finalement, est le symbole de l’identité de notre Nation. Et il s’agit de rappeler que la liberté et la démocratie ne sont pas des valeurs naturelles mais qu’il faut les gagner. Et que, dans des temps troubles, c’est la résistance qui a sauvé l’honneur de la France».
« Ce groupe, aux noms imprononçables, doit rejoindre les grands noms de la Résistance au Panthéon »
Julien Dikran Harounyan, le président de la JAF Marseille rappelle que «Missak Manouchian était un ouvrier, un homme de lettres, un homme de paix. Rescapé du génocide arménien mais orphelin, il arrive à Marseille, la dernière terre de liberté. C’est avec le PCF qu’il prend conscience des horreurs en cours, horreurs qui lui rappellent son passé. Il élabore le groupe Manouchian avec des étrangers, des apatrides qui ont fui qui Franco, qui Mussolini, qui Hitler. Ils ne se battent ni pour leur famille, ils n’en n’ont plus, ni pour leurs biens, ils n’en n’ont pas, ni pour la gloire. Ils se battent pour la liberté de la France».
Alors, pour l’intervenant, il est clair que ce groupe, « aux noms imprononçables, doit rejoindre les grands noms de la Résistance au Panthéon », et d’inviter « les élus, les parlementaires présents à cette cérémonie, d’intervenir en ce sens».
Puis d’inviter à son tour « aux devoirs de mémoire, de transmission, d’éveil aux valeurs de la résistance », car si « les bourreaux ont changé les crimes sont toujours commis». Il rappelle à ce propos l’action entreprise avec Amnésie internationale.
Il condidère: «Manouchian et ses camarades sont le meilleur remède contre les replis sur soi qui sont aujourd’hui à l’œuvre comme ils l’étaient voilà 70 ans».
« Crier sa soif de justice et de paix au monde entier »
Simon Azilazian, président de l’Amicale des anciens combattants et résistants français d’origine arménienne, avance : «Des hommes, des femmes, se sont battus contre la haine, le fascisme, les intérêts mercantiles de nos dirigeants. Et pourtant, 70 ans plus tard, dans notre 21e siècle désarticulé, on n’arrive pas à éradiquer les vieux démons alors que nous pensions qu’il serait celui de l’éveil des consciences». Il invite «la France de la révolution, des droits de l’Homme et du citoyen à crier sa soif de justice et de paix au monde entier». Il réclame enfin aux participants «engageons-nous à nous indigner sans modération, il est encore temps».
Gilbert Minassian, alias le colonel Hovsep Hovsepian, célèbre à son tour les militants de l’Affiche Rouge. «Étrangers mais patriotes français, ils ont été l’honneur de la France ». Et de signifier aux personnes présentes à la commémoration: «Vous êtes les héritiers moraux de la France unie dans ses différences, de la France des Lumières qui rayonne dans le monde. Et bien, héritiers moraux, nous devons nous opposer à la haine et à tous ceux qui essaient de diviser les français».
Pour Dominique Tian : « 70 ans après l’exécution du groupe Manouchian, la ville de Marseille, quelles que soient ses opinions, est unie contre le Fascisme ».
Christophe Masse, vice-président du Département 13, représentant Jean-Noël Guérini précise que le Conseil général prendra toute sa part dans les manifestations commémoratives de la première guerre mondiale et du génocide arménien.
« Elle a exhorté les jeunes à bannir de leur tête et de leur vocabulaire le mot : Haine »
Jean-Marc Coppola, représentant Michel Vauzelle, le Président de Région rappelle : «C’est grâce à des juifs, des arméniens, des italiens… que nous avons pu voir la fin des ténèbres». Il poursuit : « Manouchian devient communiste en 1934 alors que l’extrême-droite bat le pavé aux cris de: « les juifs dehor » ».
L’élu considère à son tour que Manouchian et son groupe ont toute leur place au Panthéon. Puis de conclure en citant une résistante, rencontrée lors d’un voyage organisé par la Région avec des lycéens à Auschwitz-Birkenau :«Elle a exhorté les jeunes à bannir de leur tête et de leur vocabulaire le mot : Haine ».
« Le gouvernement travaille à la pénalisation de la négation du génocide arménien »
Marie-Arlette Carlotti insiste sur le fait que «c’est à Marseille que Missak Manouchian a débarqué, Marseille qui a accueilli tant de destins, de vies brisées par la folie des hommes. Connaître leur histoire c’est unir nos cœurs fraternels. Et l’histoire du peuple arménien est notre histoire car nous appartenons à la même communauté, la communauté humaine. Nous sommes liés par nos singularités. Et il ne faut pas se tromper : ceux qui sont du côté de la mémoire sont du côté de la vie alors que ceux qui sont du côté de l’oublie sont du côté de la mort ». Elle précise à ce propos :«Le gouvernement travaille à la pénalisation de la négation du génocide arménien ».
Patrick Mennucci, le maire des 1/7 clôture les interventions : « Qu’elle était la Patrie de Manouchian ? L’Arménie n’existait que dans le cœur des arméniens. Alors qu’elle était leur patrie sinon la mort, le sang, les meurtres, les soudards qui envoient des hommes, des femmes, des enfants sur les routes de Syrie sans eau, sans nourriture. Sa patrie c’était le génocide. Et puis il arrive à Marseille, trouve un pays, plus que la France c’était la République, c’était le dernier refuge de la liberté. Un refuge qui sera mis sous le joug des Nazis et il deviendra un combattant de la liberté ».
Patrick Mennucci soutient l’idée que les cendres des membres du groupe Manouchian reposent au Panthéon. Il reprend une idée formulée par Christophe Masse, qu’un monument voit le jour à Marseille, en 2015, sur le J4, à l’occasion du centième anniversaire du premier génocide du 20e siècle. «Cette signature validera le statut de terre d’accueil de notre cité phocéenne. Il marquera l’amitié entre les peuples ».
Michel CAIRE
On notait la présence de Marie-Arlette Carlotti, ministre des Affaires sociale et de la Santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, du député Dominique Tian UMP, représentant le Maire de Marseille, de Christophe Masse, représentant le président du conseil général 13, de Jean-Marc Coppola, représentant le président de Région Paca, de la sénatrice communiste Isabelle Pasquet, des députés européens Jean Roatta et Jean-Luc Bennhamias…
Missak Manouchian
Missak Manouchian, rescapé du génocide arménien arrive à Marseille en 1925. Il adhérera au PCF, entre dans la résistance, devient responsable des FTP-MOI. Il sera arrêté, condamné à mort avec son groupe. Le 21 février 1944, les 22 hommes du groupe sont fusillés au Mont-Valérien, en refusant d’avoir les yeux bandés, tandis qu’Olga Bancic la femme du groupe est transférée en Allemagne et décapitée à la prison de Stuttgart le 10 mai 1944. Dans la foulée de ces exécutions, la propagande allemande placarde 15 000 exemplaires de ces fameuses affiches rouges portant en médaillons noirs les visages de dix fusillés. Au centre, l’affiche Rouge de Manouchian cette inscription : « Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés ».
Mais l’affaire de l’Affiche Rouge, placardée sur les murs de Paris par l’ennemi, produit l’effet contraire à celui escompté : pour toute la Résistance, elle devient l’emblème du martyre. Les soutiens de sympathisants se multiplient.
Les 23 membres du groupe Manouchian exécutés par les Allemands
Celestino Alfonso, Espagnol, 27 ans -Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, décapitée en Allemagne le 10 mai 1944) -Joseph Boczov, Hongrois, 38 ans – Ingénieur chimiste- Georges Cloarec, Français, 20 ans -Rino Della Negra, Italien, 19 ans -Thomas Elek, Hongrois, 18 ans, étudiant -Maurice Fingercwajg, Polonais, 19 ans -Spartaco Fontano, Italien, 22 ans -Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans -Emeric Glasz, Hongrois, 42 ans, ouvrier métallurgiste -Léon Goldberg, Polonais, 19 ans -Szlama Grzywacz, Polonais, 34 ans -Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans -Césare Luccarini, Italien, 22 ans -Missak Manouchian, Arménien, 37 ans -Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans -Marcel Rayman, Polonais, 21 ans -Roger Rouxel, Français, 18 ans -Antoine Salvadori, Italien, 24 ans -Willy Schapiro, Polonais, 29 ans -Amédéo Usséglio, Italien, 32 ans -Wolf Wajsbrot, Polonais, 18 ans -Robert Witchitz, Français, 19 ans.