Marseille. Rendez-vous annuels du logement : Des avancées pour une problématique abyssale

Les rendez-vous annuels du logement organisés par la ville de Marseille ont accueilli de nombreux acteurs de la filière ce jeudi 17 octobre à l’espace Bargemon. Il a été question de loger dignement les Marseillais et de favoriser l’accès au logement pour tous, ville de Marseille et Métropole Aix-Marseille Provence affichant une unité, pour le coup plus que de façade, afin de s’attaquer à tous les défis du logement.

Destimed Payan K1
Les rendez-vous annuels du logement organisés par la ville de Marseille ont accueilli de nombreux acteurs de la filière (Photo Michel Caire)

Après un propos introductif de Patrick Amico, adjoint en charge de la politique du logement et de la lutte contre lʼhabitat indigne, Benoît Payan, le maire de Marseille, David Ytier, vice-président de la métropole en charge du logement, à l’habitat et à la lutte contre l’habitat indigne et Christophe Mirmand, le préfet de région, ont tour à tour, pris la parole avant des tables-rondes.

En novembre 2022, la ville de Marseille a initié les États Généraux du logement, un moment partenarial essentiel dans la prise en compte des problématiques d’habitat et de logement à Marseille. Dans la continuité de cet événement, la Ville propose depuis 2023, les Rendez-vous annuels du logement. Ce temps d’échange et de travail répond à la volonté de la Ville de faire un point d’étape, tous les ans, sur l’avancée des engagements pris collectivement. À l’occasion de ces Rendez-vous, les réponses à apporter à trois problématiques majeures axes ont été mises en avant : la lutte contre l’habitat indigne, le développement abusif des meublés de tourisme, la production de logements abordables pour tous les Marseillais.

« On sort cette année 3 500 permis de construire »

Il revient à Patrick Amico de présenter la situation en matière de construction : « On sort cette année 3 500 permis de construire, nous en avons eu un peu plus en 2022. » Précise que « Marseille souffre, comme toutes les villes de la crise de l’immobilier mais Marseille souffre moins. La production n’a baissé dans notre ville que de 11% quand elle a baissé de 24% au niveau national et de 32% au niveau régional. » Résistance qui, selon lui s’explique : « Depuis 2022 nous traitons plus rapidement les demandes d’autorisation de construire ».

Au-delà, Patrick Amico met en exergue, l’importance du vote unanime, le 22 février, à l’occasion du Conseil métropolitain, du programme local de l’habitat (PLH). Le document prévoit, principalement, de soutenir la rénovation du parc existant, la production de logements neufs tout en y intégrant des enjeux environnementaux et de performance énergétique, mais aussi d’améliorer l’accès au logement des publics les plus précaires. le document prévoit, également de soutenir la rénovation du parc existant, la production de logements neufs tout en y intégrant des enjeux environnementaux et de performance énergétique, mais aussi d’améliorer l’accès au logement des publics les plus précaires.

« Il faut réaliser 4 500 logements par an sur Marseille »

Patrick Amico souligne : « Le PLH fait le constat, à partir d’études sérieuses, qu’il faut réaliser 4 500 logements par an sur Marseille dont 2 300 logements abordables. Cette nécessité n’est pas le fait d’un solde migratoire positif. Les personnes sont plus nombreuses à quitter Marseille qu’à s’y installer. Cet objectif vise à répondre aux besoins liés au desserrement des ménages et à la décohabitation, à l’évolution des logements vacants et des résidences secondaires/meublés touristiques, au renouvellement du parc obsolète et à la croissance démographique portée par la natalité.» Puis d’évoquer le contrat de mixité sociale signé par 8 communes de la métropole dont Marseille : « Ce contrat n’est pas programmatique mais opérationnel pour résoudre les problèmes. Nous avons identifié dans ce cadre, pour les trois ans à venir, la construction de 5 000 logements sur des sites identifiés. Il faut du logement intermédiaire sur Marseille mais la priorité c’est le logement social. Dans ce contexte la Ville a fait voter une modification du plan d’urbanisme qui impose une mixité sociale à partir de 30 logements, elle était à 120 logements avant 2020.» Et de se féliciter du travail accompli avec l’État et la métropole.

« Nos combats sont nés dans la douleur de la tragédie de la rue d’Aubagne »

Destimed Payan K2
Benoît Payan rappelle dans son intervention : « Nous avons décidé de mener la guerre aux marchands de sommeil » (Photo Michel Caire)

Benoît Payan aborde la lutte contre l’habitat indigne «Nos combats sont nés dans la douleur de la tragédie de la rue d’Aubagne. Nous devons agir pour que le pire n’arrive plus.» Et de plaider en faveur d’un nouveau contrat social : «On doit agir pour les plus fragiles. Nous cofinançons les projets pour lesquels nous avons investi 30 millions d’euros. Car on ne peut pas rester les bras ballants quand des travailleurs, des jeunes, vivent dans la rue. Ce n’est pas une compétence mairie mais c’est notre devoir de répondre aux nécessités. » Ainsi, pour lutter contre l’habitat indigne et favoriser l’accès au logement la Ville a créé, dès 2021, la direction du logement qui compte aujourd’hui plus de 130 postes. Le Maire rappelle : «Lorsque nous sommes arrivés aux affaires 168 000 euros avaient été utilisé par la Ville pour des travaux  d’office. En 2023 nous sommes passés à 4,2 millions d’euros. De même il y avait eu 6 arrêtés d’insalubrité entre 2016 et 2018 on est passé à 100 arrêtés d’insalubrité depuis 2022. »

La guerre aux marchands de sommeil

Benoît Payan poursuit : « Nous avons décidé de mener la guerre aux marchands de sommeil. Ces gens-là font honte à la société toute entière et je ne veux plus qu’ils dorment tranquille. Nous avons signalé 160 contrevenants au Parquet depuis 2020. On compte 6 affaires correctionnelles dans lesquelles la Ville s’est portée partie civile. Elles ont toutes données lieu à des condamnations pénales. 4 autres sont en cours devant la juridiction et 18 marchands de sommeil sont condamnés depuis 2020. Et nous demandons que la loi contre les marchands de sommeil soit encore durcie. ». D’en venir à l’action menée en commun avec la métropole et l’État, depuis fin 2019 dans le cadre de la société publique locale d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN). «Nous venons de lancer, avec L’État et la métropole les travaux du 34 au 40, rue Jean Roque, le plus grand chantier de réhabilitation d’appartements anciens.  De ces taudis, nous allons en faire des logements de très grandes qualités car tout le monde mérite la très haute qualité. » Près de 70 immeubles ont été acquis par la SPLA-IN sur les 182 acquisitions prévues et 34 immeubles du centre-ville, issus du patrimoine dégradé de la Ville, ont été cédés à la SPLA-IN pour être rénovés et transformés en logements sociaux.

La Ville a par ailleurs adopté un budget de 11 millions d’euros dédié au redressement des copropriétés dégradées pour la période 2022-2026. « Il faut avancer et pour cela nous demandons des procédures simplifiées à l’État pour intervenir dans ces copropriétés», insiste le maire de Marseille avant d’en venir aux meublés touristiques : « Nous sommes fiers d’accueillir des touristes du monde entier. Mais il faut voir que 13 000 logements étaient loués en location saisonnière en 2023 représentant une augmentation de 45% depuis 2022. » Sachant que 70% des propriétaires de meublés en résidence secondaire ne sont pas Marseillais. « Notre volonté est claire, nous voulons encadrer le secteur. » Dans ce cadre en 2022 la Ville a demandé à AIrbnb le retrait de 1 450 annonces non conformes, et 330 propriétaires de meublés de tourisme en infraction sont mis en demeure tous les deux mois depuis 2024. La Ville a annoncé, début octobre 2024, «l’interdiction pour les propriétaires de résidences secondaires de placer celles-ci en location saisonnière sans compensation par la mise en location de longue durée d’un logement. Il y aura à Marseille la réglementation la plus stricte et la plus forte de France. » Par ailleurs, prévient Benoît Payan: «Nous attendons que la promesse faite par le ministre du Logement soit tenue. Nous sommes toujours dans l’attente de la parution du décret ministériel approuvant l’expérimentation de l’encadrement des loyers à l’échelle de Marseille.»

« Il n’y aura pas de budget austéritaire à Marseille »

Benoît Payan n’omet pas d’évoquer les économies réclamées par l’État : « On demande aux collectivités de faire des efforts, tout le monde est d’accord pour contribuer à redresser les finances publiques. Mais ce qui nous est demandé n’est pas un simple effort. On nous demande, ici, à Marseille, de sacrifier des politiques publiques. Eh bien je n’ai pas à choisir, je ne veux pas choisir entre ce que nous faisons pour le logement, pour les écoles, pour la sécurité, pour l’environnement. Les coupes budgétaires qui nous sont demandées auront des conséquences terribles sur tout le territoire. Il n’est pas acceptable qu’on me demande d’arrêter les travaux d’office, l’aide à la production de logements sociaux. Je ne choisirais pas. Il n’y aura pas de budget austéritaire à Marseille. »

« La production de logements sociaux repart timidement à la hausse »

David Ytier, vice-président de la métropole rappelle que l’année précédente il évoquait trois pistes d’accélération pour 2024 :« La relance de la production de logements, le lancement de chantiers dans le centre-ville et le traitement des copropriétés dégradées.» Et de se féliciter du vote unanime pour le PLH «qui fixe comme objectif la construction de 11 000 logements par an à l’échelle métropolitaine dont 4 500 logements abordables.» Des objectifs qui n’ont pas été atteints «mais quelques signaux montrent que la production de logements sociaux repart timidement à la hausse. Nous sommes passés de 2 200 agréments en 2020 à 2 900 en 2023 et 3 200 en 2024. » Il affiche son accord avec la municipalité sur la guerre à mener aux marchands de sommeil et la lutte nécessaire contre la spirale des meublés de tourisme. « Mais seule la relance de la production à la hauteur des objectifs pourra permettre d’endiguer la crise. Car n’oublions jamais que ce déséquilibre massif entre la demande et l’offre constitue la mère nourricière des marchands de sommeil que nous voulons chasser ». David Ytier ne manque pas de se réjouir du lancement des travaux rue Jacques Roque. « Près de 100 millions sont investis par la métropole, une somme qui ne sera pas revue à la baisse. »

Dès 2026, poursuit-il :  « 100 logements sociaux seront accessibles en plein cœur de ville ». De plus « le permis de louer sera étendu dès 2025. Ce dispositif, sur Noailles, a permis de contrôler 798 logements et 502 logements, par ce dispositif, ont fait l’objet de travaux et sont redevenus habitables », explique David Ytier qui indique également : « Nous soutenons aussi la réhabilitation portée par les propriétaires privés. Dès janvier 2025 un réel tournant sera pris avec l’engagement de 60 millions d’euros et des dispositifs plus compréhensibles et prioriser sur la sécurisation des immeubles. Le dispositif permettra de financer les études préalables pour identifier les problèmes et les propriétaires habitants, jusqu’alors exclus des aides, pourront en bénéficier. Le temps des aides permettant de juste faire beau est révolu. » L’élu ajoute enfin que la métropole n’oublie pas les quartiers prioritaires et regrette que, dans un dossier tel celui des copropriétés dégradées « le cadre nous empêche d’accélérer comme nous le souhaiterions tant il s’agit d’un sujet brûlant. »

« Défi persistant, lancinant de l’accès au logement et de la lutte contre l’habitat indigne»

Le Préfet de Région Christophe Mirmand  note que ces rendez-vous annuels « permettent de se rendre compte des actions entreprises et des progrès réalisés mais aussi de poursuivre avec détermination la recherche de solutions concrètes pour faire face au défi persistant, lancinant de l’accès au logement et de la lutte contre l’habitat indigne. » De reconnaître : « Les difficultés sont multiples c’est pourquoi cette politique publique est au cœur du plan « Marseille en grand » qui prévoit  une intervention massive de l’État en matière d’habitat. A cet égard la création de la SPLA-IN incarne cette ambition de réhabiliter 10 000 logements du centre-ville sur 15 ans. » Mais d’insister : « Il faut une vision partagée et une stratégie claire sur le devenir du centre ancien afin d’embarquer les propriétaires privés qui ont leur responsabilité à prendre. »

Ce projet, précise le Préfet, « se combine avec le nouveau programme de réhabilitation urbaine soutenue par une enveloppe de 650 millions d’euros de l’ANRU. Il concerne 9 quartiers prioritaires et nous avons à cœur que, d’ici juin 2026, la totalité des financements soient engagés. » Considère : « Les besoins sont considérables, en matière de logement en général et de logement social en particulier et ils ne cessent d’augmenter. »

Rappelle un contexte où la production nationale s’est effondrée. «Cette évolution, poursuit-il, n’est pas aussi défavorable sur le territoire de Marseille mais faut-il s’en réjouir alors que les besoins restent immenses ? Plus de 106 000 demandes de logement social sont en attente alors que le taux d’attribution est de moins de 10 000 par an. Plus de 3 700 ménages sont reconnus comme prioritaires et urgent par la commission de médiation départementale en 2023. Le taux de rotation est inférieur à 4%. La capacité d’hébergement d’urgence n’est pas suffisante faute de porte de sortie vers un logement et 2 000 places d’hôtel sont mobilisés quotidiennement pour prendre en charge des particuliers, des femmes souvent et avec des enfants. » Et de constater que l’augmentation des prix des loyers n’améliore pas la situation, le prix médian passant de 561 à 621 euros, soit +11% entre 2018 et 2023.  Et de conclure qu’«il faut construire et réhabiliter massivement. »

Michel CAIRE  

 

Articles similaires

Aller au contenu principal