Publié le 23 octobre 2015 à 21h08 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 20h42
Marseille va se plonger du 26 au 31 octobre dans une réflexion profonde pour la Semaine de la Pop Philosophie, le festival qui interroge les concepts… Dans divers lieux de la ville, comme au Théâtre National de la Criée, la Vieille Charité, la Maison de la Région ou encore la Bibliothèque de l’Alcazar, une série de rencontres-débats est prévue entre le public et des philosophes, sociologues, écrivains et journalistes. Ce festival de la pensée contemporaine a pour ambition de révéler, soutenir et accompagner un nouveau moment de la philosophie et de repenser le format de l’échange intellectuel. Alors, vivons curieux ! L’art a son Pop, la musique aussi : voici la pop philosophie, qui mêle pensée de haut vol et culture pop. Ce festival d’un nouveau genre connaît, depuis sa création en 2009 par Jacques Serrano, une reconnaissance internationale.
Première bourse «Villa Médicis Hors Les Murs»
A la fin des années 70, Jacques Serrano mène une recherche sur la perception du temps visuel et du temps sonore et s’intéresse aux systèmes compositionnels. Il développe, après avoir obtenu la première bourse «Villa Médicis Hors Les Murs», le premier couplage vision artificielle/musique aux États-Unis puis, en France avec le centre de recherche de robotique de Grenoble (équipe de recherche Vision spatio-temporelle et active), la SECAD et Act informatique. Ce système sera présenté en France et à l’étranger sous la forme d’une œuvre interactive au cours des années 80. Durant cette période, il rencontre notamment Gilles Deleuze qui travaille alors sur Image-temps Image-mouvement, avec lequel il partage un terrain de recherche commun. Après avoir évolué dans le monde de la musique et de l’art contemporain, Jacques Serrano pressent un grand vide théorique dans le champ de l’art contemporain. En 1994, il crée Les Rencontres Place Publique pour tenter de contrebalancer cette situation. Il invitera alors des intellectuels français et étrangers pour leur proposer d’activer dans le champ de l’art des systèmes de pensée propres à leur discipline : sociologie, philosophie, économie… Ce constat sera repris par le monde universitaire de manière plus ou moins pertinente sous l’intitulé «la Crise de l’art contemporain».
Les Rencontres Place Publique ont notamment été invitées à la Columbia University de New York, au Musée Guggenheim de Bilbao, à la Sorbonne, au Palais de Tokyo, à la Bibliothèque Nationale de France (BNF), au Musée d’art contemporain de Montréal… En 1998, il créé le premier Forum International de l’Essai sur l’Art qui rassemblera à la Sorbonne une centaine d’éditeurs d’Europe et d’Amérique du Nord afin de promouvoir ce secteur spécifique de l’édition. Cet événement sera également présenté au Centre Culturel Canadien, au Palais de Tokyo et à l’Institut National d’Histoire de l’Art.
Jacques Serrano imagine, au début des années 2000, un « week-end télé » qui réunirait des intellectuels nord-américains à réfléchir sur Mac Gyver, Starsky & Hutch, ou encore La croisière s’amuse, proposition qui ne fera pas l’unanimité parmi les acteurs institutionnels de la culture. Ce projet sera relancé en 2007 et deviendra la Semaine de la pop philosophie. En 2009 à Marseille, la première édition de la Semaine de la Pop Philosophie réunit des philosophes, des écrivains, des journalistes et des sociologues autour d’objets de la pop culture et de la culture médiatique. Ce festival de la pensée contemporaine a pour ambition de révéler, soutenir et accompagner un nouveau moment de la philosophie et de repenser le format de l’échange intellectuel. Jacques Serrano travaille actuellement à la mise en place d’un nouveau modèle économique appliqué dans le champ de l’art qui sera révélé dans le cadre d’une exposition prochaine.
Plus d’info: semainedelapopphilosophie.fr/marseille-2015/
Programme
lundi 26 octobre
Soirée Inaugurale au Théâtre National de la Criée
-19h: « Philosopher ou faire l’amour » – Ruwen Ogien (philosophe) suivi d’un échange avec Robert Maggiori (journaliste et philosophe)
Sous l’influence des moralistes du XVIIe siècle, des naturalistes et des féministes, la philosophie de l’amour était devenue une sorte d’école du scepticisme. Disséquer philosophiquement l’amour revenait à dévoiler son enracinement dans la vanité humaine, son caractère de « ruse de la nature » et son rôle majeur dans l’assujettissement des femmes. Depuis quelque temps, ce scepticisme est passé de mode.Certains philosophes, pas les moins connus, semblent avoir retrouvé les vertus de l’amour et se concurrencent pour le glorifier. À travers l’éloge de l’amour ce qu’ils semblent exprimer, c’est leur rejet de l’individualisme moderne et de son expression : le consommateur compulsif, avide de satisfactions immédiates. Il faudrait, d’après eux, retrouver ce qui peut faire « lien » avec les autres, revaloriser les mouvements de l’âme «désintéressés», renforcer ce qui pourrait remettre dans le cœur des citoyens le goût des belles choses, de la constance, de la durée, de la fidélité. De tous ces points de vue, l’amour semble être un remède idéal. Ce discours édifiant n’est pas indéfendable. Mais il peut nous empêcher de voir que l’amour est parfaitement concevable en dehors de tout asservissement à l’idée du couple fidèle, obstiné, durable : c’est un discours fermé aux innovations normatives. Par ailleurs, ces éloges de l’amour sont clairement puritains. Ils servent à contester la conception moderne de la liberté sexuelle. Pour ces deux raisons, il s’agit, à mon avis, de discours qui participent de l’hégémonie des idées conservatrices dans la pensée la plus contemporaine.
Tarifs : 9 et 12 € Théâtre National de la Criée /30, quai de Rive Neuve, 13007 Marseille
Sans foi ni loi : amour, amitié, séduction
-20h – L’objet de l’amour est-il unique ? Monique Canto-Sperber (philosophe) suivi d’un échange avec Léa Iribarnegaray (journaliste)
L’amour, la séduction, l’amitié sont des termes qui capturent sous des noms communs les multiples formes sous lesquelles les êtres humains se lient les uns aux autres. L’analyse de ces liens conduit à s’interroger sur la façon dont fonctionnent les normes qui semblent leur être immanentes et les projettent au-delà de la réalité présente
d’une relation. Dans cette perspective, l’étude du sentiment amoureux prend un relief particulier car ce sentiment présente de nombreux traits caractéristiques qui semblent lui appartenir en propre. L’un des traits les plus intéressants consiste en la relation du sentiment amoureux à l’objet d’amour dans la mesure où cet objet semble devoir
être fortement individualisé non seulement par des qualités particulières (physiques et mentales) mais aussi par une identité numérique stricte. Cette caractéristique qui se retrouve, semble-t-il, dans les sentiments qui prétendent à l’exclusivité, en particulier l’amour, se laisserait résumer par la formule « parce que c’était lui, parce que
c’était elle ». Or pareille explication de la présence du sentiment amoureux a quelque chose d’énigmatique. Comment l’analyser ? C’est à cette tache que s’essaiera la présentation proposée.
Tarifs : 9 et 12 € – Théâtre National de la Criée / 30, quai de Rive Neuve, 13007 Marseille
Mardi 27 octobre
Centre de la Vieille Charité
-18h – Le syndrome de «la frite» – Barthes et Sherlock Holmes
Rencontre avec Françoise Gaillard (historienne des idées) en hommage à Roland Barthes, intellectuel dont la pensée est très présente durant nos semaines pop philosophiques. Qu’est-ce qui peut bien rapprocher le fin limier de Baker Street du sémioticien germanopratin ? Le goût pour le tabac? Celui ambré de la pipe pour le premier, celui puissant des cigares pour le second ? La pratique de la musique ? Celle du violon pour le premier, celle du piano pour le second ? Une passion commune pour les signes ? Celle de leur déchiffrement en vue de la résolution d’une énigme pour le premier, celle de leur façon de produire du sens pour le second ?
(Trop) élémentaire mon cher Watson ! Ce qui les unit, par-delà ces manies, c’est une même pathologie qu’on peut appeler avec Barthes le syndrome de « la frite », autre nom, plus imagé, du mal qui les habite l’un comme l’autre.
Entrée libre – Centre de la Vieille Charité / 2 rue de la charité – 13002 Marseille
Cité de la musique
-20h – Le tube : et si, au lieu de chercher à l’expliquer, on se demandait qu’apprendre de lui ? Rencontre avec Antoine Hennion (sociologue)
Il y a un paradoxe quasi ontologique dans le tube. Le mot même qui le désigne suggère cela : qu’est-ce donc qu’un objet qui ne se définit que par son résultat, le succès qu’il rencontre ? Cela explique en partie la pauvreté des analyses qu’il suscite, prises dans ce piège : ou bien le réduire à quelques ficelles (souvent en mêlant de façon trouble le rejet de l’argent et le mépris du populaire : savonnette, matraquage, procédés faciles, etc.), ou bien se complaire dans l’impossibilité d’en dire quoi que ce soit. Comme souvent face à des dualismes stériles, il faut délaisser les réponses toutes faites (ou les non-réponses de principe), et prendre des chemins de traverse. À partir d’exemples contrastés pris dans toutes sortes de musique, je vais en proposer un : cerner peu à peu ce qui caractérise le tube par opposition à d’autres formes de réussite. En somme, le définir par ce qu’il n’est pas : l’effeuiller pour dégager ce qui le différencie par la négative, puisque rien de positif ne permet de le saisir – il faut toujours prendre au sérieux les poncifs du milieu : «si on savait ce qu’était un tube, tout le monde en ferait »…
Procéder ainsi nous permettra de faire petit à petit changer de statut à cette absence de raisons, de causes déterminées, de sorte qu’elle ne soit plus un échec de l’analyse ou un renoncement tautologique, mais le défi même qu’affrontent les producteurs : non pas mobiliser toutes les ressources, techniques et savoirs disponibles, mais au contraire guetter ce qui leur échappe. Loin d’être le plus fabriqué des objets musicaux, le tube serait celui qui ose s’affranchir de tout procédé ou de toute règle pour guetter la fragilité de ce qui survient, de ce qui se sculpte de neuf à partir de matériaux mille fois usés. À côté de mille échecs, le succès commercial se fait moins scandaleux, s’il vient récompenser l’audace de tout miser sur l’imprévisibilité de l’instant qui passe.
Tarif : 7 et 10 € – Cité de la musique / 4 Rue Bernard du Bois, 13001 Marseille
Mercredi 28 octobre
Cinéma Les Variétés
-14h30- Blockbuster’s philosophy – Rencontre avec Marianne Chaillan (philosophe)
Aimer les films hollywoodiens, les blockbusters des majors avec stars et effets spéciaux, les salles de multiplex avec pop corn et sodas, est-ce un crime de lèse-intellect ? Seul le spectateur d’Arte cultive-t-il ses neurones ? Entre le divertissement grand public et la réflexion, y a t-il nécessairement un hiatus infranchissable ? Notre pari est de montrer que dans ce cinéma qui souffre d’un certain mépris, on peut trouver des illustrations parfois frappantes des concepts philosophiques et des scénarios aux questionnements qui n’ont rien à envier à nos traditionnelles dissertations de philosophie…
Bref : nous relevons le défi de prouver que Steven Spielberg, Georges Lucas, James Cameron ou Peter Jackson derrière la caméra tout comme Leonardo Di Caprio, Tom Cruise et Jennifer Lawrence sur l’écran (pour ne citer que ceux-là parmi les nombreuses étoiles d’Hollywood Boulevard) tissent pour notre plus grand plaisir des passerelles aussi divertissantes qu’instructives avec la philosophie.
Venez philosopher avec, entre autres, Titanic, Hunger Games, le Seigneur des Anneaux, Terminator, Harry Potter, Star Wars, Matrix, Divergente et bien d’autres succès que vous avez aimés – sans savoir, peut-être, qu’ils vous initiaient en même temps à la philosophie…
Tarif : 6 € – Cinéma Les Variétés / 37 Rue Vincent Scotto, 13001 Marseille
Bibliothèque de l’Alcazar
-18h – Philo Poker – Rencontre avec Lionel Esparza (journaliste, écrivain)
La table de poker fonctionne comme un modèle réduit où se résume l’essentiel des obsessions contemporaines : le désir d’argent, le goût pour la compétition effrénée, l’expérience de l’impondérable dans une société dominée par les exigences du calcul prévisionnel, mais aussi le mensonge, le bluff et le spectacle.
Le poker n’a qu’un dieu, l’argent ; qu’une religion, le capitalisme ; qu’une inspiration, le marché. Il traduit en termes ludiques les impératifs du libéralisme. Il les transmet ainsi à la façon d’un message subliminal, non comme le feraient un manuel théorique ou une fiction exemplaire, mais à travers une pratique d’autant plus efficace qu’anodine en apparence. Nous sommes entrés dans le stade ludique du capitalisme. L’analyse critique de son jeu-fétiche peut permettre de mieux en saisir l’esprit.
Entrée libre. Bibliothèque de l’Alcazar / Cours Belsunce, 13001 Marseille
Montévidéo
-20h30 – Quand la musique s’électrocute, les machines font la révolution sonore –
Rencontre avec Stéphane Malfettes (directeur de l’auditorium du Louvre, co-fondateur de Super Talk)
Métamorphose des instruments, amplification des sons, fétichisme des machines : la fée électricité a révolutionné la musique. Au grand dam de leurs fans, Bob Dylan, Miles Davis ou Lou Reed ont pris un malin plaisir à mettre les doigts dans la prise. De l’électricité dans l’air, il y en a aussi avec le theremin ou le clavier Moog qui a conquis les musiques les plus diverses : le vieux Bach revu par Wendy Carlos, le Bob Marley de « Stir it up », les Pink Floyd et autres aventuriers du son synthétique.
Alors, rage ou pas contre la machine ? Dans le sillage de Stockhausen et Kraftwerk, les robots et les beatbox ont bel et bien pris le pouvoir. De Michael Jackson à Björk, le look androïde est furieusement tendance… et très filmogénique comme le révèle cette séance riche en extraits audiovisuels.
Tarif : 5 € – Montévidéo / 3 Impasse Montevideo, 13006 Marseille
Jeudi 29 octobre
Maison Méditerranéenne des Métiers de la mode
-17h – Être à la mode ou avoir du style – Rencontre avec Sophie Chassat (philosophe)
Les aficionados de la mode semblent être avant tout des suiveurs conformistes mus par l’instinct grégaire et le désir écervelé de plaire à travers le renouvellement constant de leur apparence. Au contraire, celui qui a su trouver son style passe pour un caractère indépendant, capable d’exprimer à travers une allure bien définie la profondeur de sa personnalité, un être qui en somme ne s’en laisse pas conter ni compter (puisque rester à la mode a un coût). Mais la mode vaut mieux que ce à quoi on la réduit trop souvent : une préoccupation futile et décérébrée. « L’homme qui ne voit que la mode dans la mode est un sot. La vie élégante n’exclut ni la pensée, ni la science : elle les consacre », écrivait en ce sens Balzac dans son piquant Traité de la vie élégante. D’abord, être à la mode ça n’est pas tout à fait la même chose que suivre la mode. Ensuite, cela pourrait bien être la meilleure des tactiques pour parvenir à l’expression d’un style authentique : « différence suppose ressemblance d’abord. (…) Comprend-t-on maintenant que la mode aille si naturellement au style ? » explique le philosophe Alain. Certes, comme le soulignait Coco Chanel, « la mode se démode, le style jamais », mais c’est aussi là que réside toute la beauté de la mode, ou, comme le disait en poète Jean Cocteau, « sa loi tragique »…
Entrée libre – Maison Méditerranéenne des Métiers de la mode / 19 Rue Fauchier, 13002 Marseille
Jeudi 29 octobre
FRAC Provence-Alpes-Côte-d’Azur
-18h – La pédésthétique – Rencontre avec Antoine Pickels (écrivain et dramaturge)
Et si ce goût exquis que l’on prête si aisément au pédé (comme au nègre le sens du rythme, au juif celui des affaires, et à la femme l’intuition) était ce qui fonde son actualité ? Cette esthétique pédé génèrerait-elle une éthique ? Cette éthique déterminerait-elle une attitude, une manière d’appréhender le monde ? Cette attitude aurait-elle des conséquences quotidiennes et politiques ?
Alors, cette pédesthétique pourrait être le fondement d’une pensée active qui ne cède ni au repli de la communautarisation, ni aux reniements de l’intégration. Antoine Pickels vérifie cette hypothèse. Subversion ou obédience, il expose les tensions qui tiraillent actuellement les pédés occidentaux, à partir de leur volonté de conformisme ou de leur capacité de subversion.
Il analyse quelques œuvres d’artistes pédés – Jean Cocteau, Jean Genet, Hervé Guibert, Gilbert & George, Bill T. Jones, Rainer Werner Fassbinder, etc. L’analyse et l’engagement cheminent de concert chez cet auteur qui revendique hautement sa subjectivité et s’adresse à chacun, quelles que soient ses préférences sexuelles.
Entrée libre – FRAC Provence-Alpes-Côte-d’Azur / 20 Boulevard de Dunkerque, 13002 Marseille
Maison de la Région
-20h – La Philosophie du Dr. House une éthique sans moraline – Rencontre avec Yannis Constantinidès (philosophe)
Yannis Constantinidès, dans son analyse de la série télévisée Docteur House, s’interroge sur la possibilité et la réalité du respect de certaines valeurs morales, que la médecine contemporaine brandit volontiers. Il cite ainsi pour l’illustrer ces quelques phrases du fameux Docteur House : «Qu’est-ce que vous préférez ?… Un médecin qui vous tient la main en vous laissant mourir, ou un médecin qui vous ignore en vous guérissant ?… Évidemment, le pire de tout, ce serait un médecin qui vous ignore en vous laissant mourir… ». Dénonçant, de façon provocatrice et caricaturale, à la fois respect de l’autonomie et souci de l’autre, et montrant un médecin uniquement intéressé par le malade en tant que cas intéressant (à élucider), cette série télévisée montre « l’hypocrisie des valeurs morales complaisamment affichées à l’hôpital ». Elle a l’intérêt de souligner que les choses ne sont pas si simples sur le terrain et que certaines « injonctions éthiques » ne sont pas toujours applicables. Fort de ce constat, Y. Constantinidès propose «une nouvelle éthique, garantie sans moraline» (pour parler comme Nietzsche), dont il développera les grands principes.
Entrée libre – Maison de la Région / 61 La Canebière, 13001 Marseille
Vendredi 30 octobre
Vieille Charité – Chapelle Puget
Goodbye Postmodern! Hello New Realism !
Rencontre placée sous la direction scientifique de Maurizio Ferraris
La réalité serait-elle socialement construite et infiniment manipulable ? Et la vérité une notion inutile ? Non. On ne peut pas se passer du réel, il faut l’affronter et négocier avec lui. La réalité nous rend heureux ou malheureux, elle résiste ou insiste, maintenant et toujours, comme un fait qui ne supporte pas d’être réduit à interprétation. Le réel refuse de s’évaporer en une reality.
Le «nouveau réalisme» est la prise d’acte d’un changement de saison. Les populismes médiatiques, les guerres post 11-septembre et la récente crise économique ont démenti les deux dogmes fondamentaux du postmodernisme : la réalité n’est pas socialement construite et infiniment manipulable ; la vérité et l’objectivité ne sont pas des notions inutiles. Ce qui est nécessaire n’est pas une nouvelle théorie de la réalité, mais un travail qui sache distinguer, avec patience et au cas par cas, ce qui est naturel, ce qui est culturel, ce qui est construit ou non. Ainsi, s’ouvrent de grands défis éthiques et politiques et se dessine un nouvel espace pour la philosophie. Paru en italien en 2012 et en français en 2014, le Manifeste du nouveau réalisme de Maurizio Ferraris a engendré d’amples débats internationaux et s’est croisé avec les recherches de philosophes tels que Markus Gabriel, Tristan Garcia, Graham Harman, Quentin Meillassoux. A Marseille, les 30-31 octobre, les protagonistes du débat feront le point de la situation philosophique du moment.
Entrée libre. Vieille Charité – Chapelle Puget
-18 h – Du post modernisme au nouveau réalisme – Maurizio Ferraris suivi d’un échange avec Robert Maggiori Le créateur du nouveau réalisme présente sa perspective philosophique et le journal de bord de cinq ans de débats.
Entrée libre.
Vendredi 30 octobre
Cinéma Les Variétés
-20h30 – Images en mouvement : The way we were – Conférence sur la Postmodernité au cinéma avec Enrico Terrone
La Postmodernité au cinéma a mis en question, à travers des récits, la frontière entre ce qui est culturellement construit et manipulable et ce qui ne l’est pas, et en particulier la frontière entre le fictionnel et le réel. Cette mise en question du réel se déploie de deux façons différentes. D’un côté, comme hypothèse sur la constructibilité et la manipulabilité de certaines expériences de la réalité. C’est ce qui se passe dans des films comme Blade Runner, Brainstorm, Strange Days. De l’autre côté, comme hypothèse sur la constructibilité et la manipulabilité de la réalité elle même. C’est ce qui se passe dans des films comme Matrix, The Truman Show, The Thirteenth Floor, eXistenZ, Vanilla Sky.
Mais même dans ces derniers cas, l’hypothèse d’une réalité construite et manipulable comme si elle était une fiction doit quand-même présupposer un niveau plus basilaire de réalité qui n’est pas construit et manipulable et qui se distingue nettement de la fiction.
Au contraire, le film absolument postmoderne est celui dans lequel il n’y a aucun moyen de distinguer entre c’est qui est réel et ce qui est fictionnel, comme dans certain films de David Lynch tels que Lost Highways, Mulholland Drive, Inland Empire.
Tarif : 6€ – Cinéma Les Variétés / 37 Rue Vincent Scotto, 13001 Marseille
Samedi 31 octobre
Centre de la vieille Charité
-11h – Esthétique : la réalité dépasse la fiction? Laurent de Sutter, Carola Barbero
Est-il possible qu’une littérature de fiction soit absolue, totalement indépendante du réel ? Et, inversement, le réel n’est-il pas le plus grand inventeur et inventaire de la littérature ?
Entrée libre – Centre de la vieille Charité – Chapelle Pierre Puget / 2 Rue de la Charité, 13002 Marseille
-14h30 Méthaphysique: la prévalence de l’objet – Tristan Garcia suivi d’un échange avec Aude Lancelin (journaliste à L’Obs)
Et si la philosophie abandonnait sa préférence pour le sujet en s’ouvrant à la richesse et à la générosité des objets ?
Entrée libre
-16h – Les objets intelligents – Milad Doueihi suivi d’un échange avec Cédric Enjalbert (journaliste à Philosophie Magazine) – On vit dans une société automatique, donc les objets intelligents ne sont plus un rêve à la Jules Verne, mais une réalité quotidienne qui va vite se développer.
Entrée libre.
-17h-19h – Science : la physique est-elle la réalité ultime ? Markus Gabriel et Carlo Rovelli – Les philosophes et les physiciens savent que la réalité n’est pas telle qu’elle apparaît. Mais quelle est alors la réalité ultime ? Celle de la physique ? Celle de la métaphysique ? Une autre qu’on ignore et que l’on n’atteint pas ?
Entrée libre