Marseille. Théâtre de La Criée.  «Les fourberies de Scapin» : Muriel Mayette-Holtz propose une version punk et déjantée de la pièce de Molière

Publié le 28 mars 2024 à  17h31 - Dernière mise à  jour le 1 avril 2024 à  14h00

« Octave aime Hyacinte tandis que Léandre aime Zerbinette, mais les deux pères des amoureux ne l’entendent pas de cette oreille ! Octave demande donc à Scapin de l’aider à fléchir son père et à trouver un peu d’argent ; de son côté Léandre demande aussi de l’aide pour trouver de quoi payer une rançon afin de garder Zerbinette. Scapin leur porte secours, s’amuse, se venge de l’avarice des vieux, jusqu’à ce que sa fourberie soit découverte ! In extremis, on apprend que Hyacinte est la fille de Géronte et Zerbinette la fille enlevée du vieil Argante. Tout est bien qui finit bien, mais les pères veulent se venger de Scapin, alors il feint d’être à l’agonie par la suite d’un accident et obtient finalement leur pardon. »

Destimed Augustin Bouchacourt est SCAPIN Photo Regis Rocca TNN COPIE
«Les fourberies de Scapin» au Théâtre de La Criée de Marseille ©Léa Saboun

Ainsi peut-on résumer « Les fourberies de Scapin » de Molière à voir au Théâtre de La Criée jusqu’au 29 mars inclus dans une mise en scène iconoclaste de Muriel Mayette-Holtz.  Sur scène une vieille station service à côté d’une éolienne rouillée, d’une épave de 2 CV et d’une pompe à essence. Au sein de ce no-man’s land, qui remplace le Naples imaginé par Molière, les coups de bâtons succèdent aux ruses et aux quiproquos, les tromperies répondent aux minauderies et aux querelles. Pour sa première incursion dans le monde de Molière en tant que metteuse en scène, Muriel Mayette-Holtz qui dirige maintenant le Théâtre de Nice après avoir été l’administratrice de la Comédie-Française signe un spectacle punk et déjanté avec des trouvailles langagières et scéniques permanentes.

Destimed Augustin Bouchacourt est SCAPIN Photo Regis Rocca TNN
Augustin Bouchacourt incarne un Scapin  très punk. (Photo Régis Rocca.- TNN)

Dans la bouche d’Augustin Bouchacourt qui incarne un Scapin irrésistible de drôlerie, sorte de Robin des Bois sans morale, surgit un langage d’aujourd’hui avec son lot de « wesh wesh » et autres formules du même tonneau qui se rajoutant au texte de Molière joué au mot près, créent l’hilarité et sonnent pourtant très justes même si elles ont été rajoutées. On rit de bout en bout, on est emportés dans un monde coloré où les interprètes portent des vêtements de jeunes de maintenant souhaitant se démarquer petit short bleu pour Hyacinthe, veste jaune pour Octave et pantalon rouge pour Scapin. Félicien Juttner en Géronte (il est fantastique) et Cyril Cotinaut en Argante, tout de noir vêtus et un chapeau melon sur la tête ressemblent à Dupont et Dupond des aventures de Tintin. La scène où, enfermé dans la 2CV, Géronte voit les coups de bâton s’abattre sur la carrosserie est un des moments les plus drôles du spectacle. Inventive et pourtant fidèle à l’esprit de Molière Muriel Mayette-Holtz a fait de ce Scapin-là quelque chose d’inclassable, joyeux, précis, qui fait aimer le théâtre à ceux qui le découvrent, et qui enchantera les spécialistes comme les néophytes. Elle s’en explique avec une certaine jubilation.

L’intention de Muriel Mayette-Holtz

« Cette farce de Molière,  dit-elle, est intemporelle car elle met en scène la bonté des gens de peu, la fourberie naturelle des humains, bons vivants mais malins, généreux mais brutaux. Oui, la fable est rocambolesque et l’on peine à croire à tant de hasards… Mais la beauté de cette pièce est justement dans la capacité des protagonistes à imaginer leur vie plus folle et mouvementée que la misérable réalité de leur existence. Nous sommes dans un port de pêche avec des valets qui n’ont rien, et de jeunes amants qui n’ont aucune autonomie. Les vieux gardent le peu qu’ils ont sans vouloir le partager. Cette misère est une vraie confrontation de deux générations qui peinent à se comprendre et c’est là que la pièce est d’une incroyable modernité. Je m’amuse à mettre en scène ces punks à chien avec la merveilleuse troupe du TNN, la possibilité de rebattre les cartes et d’explorer un monde pauvre mais attachant. Nous aurons une vieille 2CV en guise de sac et une pompe à essence comme lieu de rendez-vous des mauvais coups, de quoi partager avec le public le rire universel de Molière. »

On ne saurait mieux résumer son travail de cheffe de troupe où chacun retrouve l’autre jusque dans les silences et les regards. Toute la distribution est épatante et voilà sous l’impulsion de Muriel Mayette-Holtz la plus célèbre farce de Molière se transformer par le jeu de Bénédicte Allard (Hyacinthe) Alexandre Diot-Tchéou (Léandre), Roméon Mariani (Octave), Eve Prieur (Zerbinette), Laurent Prévot (Silvestre), et les autres comédiens déjà cités en un moment théâtral punk déjanté qui s’impose comme une des plus belles lectures de la pièce qui se puisse concevoir.

Jean-Rémi BARLAND

« Les fourberies de Scapin » de Molière –  Théâtre de la Criée au  30, Quai de Rive Neuve – 13007 Marseille jusqu’au 29 mars à 20h. La billetterie du théâtre vous accueille sur place ou par téléphone – 04 91 54 70 54 – du mardi au samedi de 12h à 18h. Plus d’info et réservations  sur theatre-lacriee.com

 

 

Articles similaires

Aller au contenu principal