Si l’on devait définir Christian Hecq et Valérie Lesort en tant que créateurs de spectacles on pourrait dire d’eux qu’ils sont pour reprendre le nom d’un groupe de chanteurs français des « Fouteurs de joie ». Chacune de leur mise en scène ou conception d’une œuvre, c’est du bonheur absolu. Même quand le sujet est dramatique -c’était le cas avec « Les sœurs Hilton » – l’humour, la fantaisie, l’inventivité s’imposent et le spectateur de repartir des étoiles au fond des yeux.
De petits et grands poissons bariolés qui scintillent devrait-on dire à l’issue de ce « 20 000 lieues sous les mers » pièce de théâtre tirée du roman de Jules Verne et qui est donnée en ce moment au Théâtre de la Criée dans le cadre de la programmation hors les murs du théâtre du Gymnase. Une magnifique plongée dans un texte magique dont parlent avec enthousiasme Valérie Lesort et Christian Hecq : « Il y a une dimension imaginaire forte dans ce roman, soulignent-ils, et rien de tel que le théâtre d’images pour la représenter sur scène. Nemo, le Nautilus, le poulpe géant, on a besoin de fantastique, de ce théâtre noir où les objets sont en suspension. C’est cette part d’imaginaire que l’on a projetée dans les marionnettes. On a tiré des fils pour développer les personnages, inventé des situations pour faire exister sur le plateau l’ampleur de cet incroyable voyage.» Et précisent-ils: «On a ajouté pas mal d’humour… »
C’est accompagnés d’une troupe de poissons que les acteurs nous font voyager au cœur de ce monument de la littérature. Cette pièce pour acteurs et marionnettes nous embarque à bord du Nautilus, vaisseau légendaire tenant à la fois du monstre marin et du navire de pointe commandé par le capitaine Nemo. On y retrouve les personnages principaux du roman de Jules Verne.
Des poissons en concurrence avec les acteurs
Les metteurs en scène ajoutent : «C’est un spectacle d’images où les poissons peuvent faire une sacrée concurrence aux acteurs !» Utilisant le principe du théâtre noir, méduses et poissons semblent flotter dans ce monde où la lumière du jour ne pénètre jamais. Et de fait les effets spéciaux mettent en évidence le lien ténu entre les objets ou êtres animés qui s’entrecroisent avec les interprètes. Magique donc mais rigoureux dans sa narration, le spectacle nous permet de retrouver les personnages du roman de Jules Verne : le Professeur Aronnax (Eric Prat) et son fidèle domestique Conseil (Nicolas Verdier) qui, avant de faire naufrage et d’être les prisonniers de Nemo (Laurent Natrella) s’étaient lancés à la poursuite du fameux narval géant à bord de l’Abraham-Lincoln, aux côtés de l’harponneur Ned Land (Rodolphe Poulain).
Le Capitaine Nemo, véritable pirate moderne, qui cache un secret d’existence dévoilé à la fin, les entraîne malgré eux dans un tour du monde à travers les océans, où l’expérience scientifique se mêle à la poésie des grandes profondeurs. Tout ici est fluide et les comédiens, impeccables et audibles ensemble, nous secouent aidés en cela par le duo Valérié Lesort-Christian Hecq et la jolie scénographie d’Éric Ruf, l’actuel patron de la Comédie-Française. Notons que celui-ci en fin de mandat va laisser sa place à Clément Hervieu-Léger, admirable metteur en scène sur « Le misanthrope » incarné par Loïc Corbery et irrésistible en tant qu’acteur notamment sur Feydeau lors de la tournée de la troupe au GTP d’Aix. Pour l’heure ce « Vingt-mille lieues sous les mers » ravira petits et grands sans aucune réserve.
Jean-Rémi BARLAND
« Vingt-mille lieues sous les mers » le 12 mars à 19h. Le 13 mars à 20h. Le 14 mars à 14h30 et 20h30 à la Criée – 30 Quai de Rive Neuve – 13007 Marseille – Plus d’info lestheatres.net
20 000 lieues sous les mers : magique, ludique, passionnant. Photo Fébrice Robin
