Marseille. Théâtre des Bernardines- Christine Murillo incarne Pauline Carton dans un spectacle en or massif jusqu’au 16 novembre

On rit, on est émus, on est happés par l’interprétation de Christine Murillo, comédienne aux quatre Molières qui, spectacle après spectacle n’en finit pas de surprendre. Seule en scène elle interprète Pauline Carton, elle l’incarne plutôt, redonnant vie à l’actrice née en 1884 et morte en 1974, dont elle lit des textes, et vit son parcours de l’intérieur.

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Christine Murillo ne se contente pas d’interpréter Pauline Carton, elle l’incarne. (Photo Thomas O’Brien)

Deux actrices pour de vrai et juste pour rire

« Avant j’avais le visage lisse et les jupes plissées, maintenant c’est l’inverse », propos très drôles que Marthe Mercadier l’entendit déclarer au soir de sa vie, Pauline Carton débordait d’humour et d’autodérision. Évoquant par exemple sa décision de faire don de son corps à la faculté de médecine elle a précisé (Christine Murillo le rappelle dans un des passages hilarants du spectacle) « Je ne peux pas dire que je ferai un beau cadeau aux étudiants. J’ai même pensé à me faire tatouer autour du cou. Tant pis pour vous ! » Tirant son nom de scène du personnage de Carton joué dans « Le ruisseau », la pièce de Pierre Wolff, où elle est une fille de petite vertu Pauline dont le vrai patronyme était Pauline Aimée Biarez, fut connue principalement pour ses rôles de soubrette, de concierge ou de mégère dans lesquels elle excellait. « Depuis l’enfance j’avais toujours su que j’avais été mise au monde pour faire du théâtre », a-t-elle-déclaré. Et Christine Murillo de citer Sacha Guitry qui fit de Pauline sa secrétaire chargée des recherches historiques pour le tournage de ses films d’époque, auteur prolifique dont elle critiquait aussi ses mises en scène au théâtre avec son assentiment, compagnon de comédies qui lui déclara qu’elle fut une comédienne ayant donné à ses rôles un relief étonnant, dramaturge d’exception dont on rappelle ici combien chez lui « la réalité est plus belle que le rêve …» De l’évocation des grands noms du cinéma et du théâtre, tels Jean Cocteau, Jean Marais, Jean Nohain, Elvire Popesco qu’elle imite, Bourvil dont Pauline Carton joua la mère dans « Le rosier de madame Husson », au rappel de la pensée tirée de « L’oiseau bleu » de Maurice Maeterlinck dans cet opéra mis en musique par Albert Louis Wolff : «Les mots se réveillent quand on pense à eux », sans oublier une incursion très émouvante dans le monde du poète Jean Violette (1876-1964) qui fut son unique amour, et dont elle partagea la vie, « Pauline et Carton » est une fête du langage et du bonheur de jouer.

Une mise en scène génialement minimaliste signée Charles Tordjman

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Christine Murillo dans « Pauline et Carton » © Thomas O’Brien K

Mis en scène par Charles Tordjman, avec qui Christine Murillo travaille régulièrement, adapté par Virginie Berling et par ses soins des ouvrages de Pauline Carton, le spectacle est constamment remarquable. Pas de chichis, de boursouflures, sur le plateau nu simplement une table, une chaise et une autre plus loin tandis qu’une lampe éclaire par moments le visage de l’actrice. On découvre Christine Murillo chantant également (Pauline Carton fut la créatrice du tube Sous les palétuviers interprété en duo avec René Koval et enregistra son premier disque en 1972, J’ai un faible pour les forts, tout en jouant aussi du piano). Christine Murillo demeurant hilarante sur le rappel de la pub « La vache qui rit » où Pauline avait prêté sa voix. « Le matin vous repassez vos rôles, l’après-midi vous repassez vos chemises », entend-on au détour d’une imitation un comédien zozotant sur le poème de Victor Hugo consacré à la bataille de Russie, ou cette plongée au sens propre du terme dans le monde de Elvire Popesco « elle avait de l’arthrite, j’étais tombée dans l’escalier…un vrai festival..de canes ». Au fil d’objets qu’elle sort d’une boîte en carton, la comédienne égrène donc souvenirs, anecdotes et chansons grivoises avec la verve gouailleuse de son double. Feu d’artifice des mots et du jeu, « Pauline et Carton » où l’on parle de sexe, d’argent, de passion pour les moineaux nourris au croissant, est une fantaisie théâtre essentielle qui réchauffe le cœur et l’âme.

Jean-Rémi BARLAND

« Pauline et Carton » au Théâtre des Bernardines – 17 boulevard Garibaldi – 13001 Marseille.  Plus d’info et réservations : lestheatres.net

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