Marseille- Théâtre des Bernardines – « Le mystère du gant » – Quand Les Monty Python s’invitent chez Brecht, Pinter, Ionesco et Beckett 

Délirant, drôle,  « Le mystère du gant » de Léonard Berthet-Rivière que l’on peut voir au Théâtre des Bernardines jusqu’au 14 décembre raconte : « La vendetta de Gérard Berni-Mollin contre son concurrent Raymond Duchaussoy, le jour où ce dernier est venu enlever sa maîtresse, Inès Berni-Mollin, la femme de Gérard, alors que Frédéric, le fils de Raymond, est venu demander la main de Sophie, la fille de Gérard, qui est enceinte jusqu’aux yeux. Au milieu de cette histoire de famille : une bonne amnésique, Alexandrine, une armoire à deux pans, Chantal et Bernard Couchard, un docteur habillé en oiseau, le commissaire de la Folie Titon, et Claude, employé immigré qui va tour à tour se faire tirer dessus, perdre un bras, se refaire tirer dessus et mourir.» Et «de nombreux spectateurs et spectatrices périront également durant la représentation», nous prévient-on aussi.

Destimed Muriel Legrand et Leonard Berthet Riviere dans Le Mystere du Gant © Photo Noemie della Faille k
Muriel Legrand et Léonard Berthet-Rivière sont à mourir de rire dans « Le mystère du gant » Photo Noémie della Faille

Pastiche dont l’auteur, Roger Dupré, n’existe pas, prétexte à faire revivre un genre populaire, Le Mystère du gant est un vaudeville absurde, une lecture à table dont les personnages, les décors, les actions et les situations n’existent que dans l’imagination du public. C’est en tout cas comme cela que l’on nous présente cette farce burlesque dont nous ne saisissons pas forcément tout (mais on n’est pas forcément obligés de tout comprendre au théâtre). La pièce, extrêmement bien construite demeure cependant d’une logique rigoureuse dans l’agencement des faits. Pour une heure quinze de bonheur absolu.

Nous assistons à la lecture d’une pièce de théâtre par deux comédiens.

À l’entrée du public, une table et deux chaises au centre du plateau. Mobilier fonctionnel nécessaire à la lecture d’un texte. C’est à partir de cette sobre installation que les spectateurs se projettent dans le récit des deux complices des planches que sont Léonard Berthet-Rivière et Muriel Legrand, dont la virtuosité de jeu n’a d’égale que leur force comique. Les intentions de mise en scène sont quant à elles exprimées clairement : «Les interprètes se fabriquent eux-mêmes une idée des personnages, créent une architecture mentale du décor, ils imaginent et brodent. » «Laissons-les faire, c’est beau », nous dit-on, avant d’ajouter : « Quelques accessoires apparaissent au fil du spectacle, des accessoires simples, de petits artifices de théâtre : des bal­lons, un faux bras, des moustaches…Comme si les comédiens, se prenant de plus en plus au jeu de la lecture, avaient pris ce qu’ils avaient sous la main pour illustrer leurs propos, s’enfon­çant davantage dans les personnages et les intrigues. » « Le mystère du gant » dont la signification du titre nous est donnée lors d’un final explosif c’est un peu comme si Les Monty Python s’invitaient chez Pinter, Ionesco, Beckett ou Brecht que l’on cite d’ailleurs ici.

Extrait du texte

Pour illustrer le délire du texte reproduisons ici un extrait.

Raymond.

Ah Inès ! Quel dommage que nous soyons tous deux mariés, enfin je veux dire que nous ne nous soyons pas mariés tous deux, mais que nous soyons tous les deux mariés, mais pas tous les deux nous.

Inès

Eh oui, moi aussi j’aurais bien voulu que différent ce fusse, mais…

Raymond

(L’interrompt) Mais c’est pour ça que je suis ici, c’est pour que différent ce fusse. Viens avec moi, je t’emmène !

Inès

Comment ça tu m’emmènes ? Mais tu m’emmènes où ?

Raymond

Peu importe, où tu voudras, à Puteaux ! Ah mon Inès, ma jeunesse, ma princesse…

Inès

Ah mon Raymond…(Cherchant une rime) Mon Raymond.

 Un personnage nommé Couchard dont le nom est aussi celui d’un acteur belge ayant joué Brecht

Mélange de « Arturo Ui » de Brecht, mâtiné de « Monte-plats » de Pinter et de « Cantatrice chauve » de Ionesco, le monde de Beckett en prime, « Le mystère du gant » pièce produite par le Théâtre National Wallonie-Bruxelles appelle, et c’est assez drôle de le noter,  un de ses personnages Couchard. Même si de son aveu même Léonard Berthet-Rivière n’y a pas songé en écrivant, rappelons que Couchard de son prénom Jean-Luc est le patronyme d’un immense acteur belge lui aussi que l’on a pu applaudir au Théâtre du Gymnase de Marseille dans « Maître Puntila et son valet Matti »  mis en scène par l’inventif Omar Porras. Et que ce même Couchard, comédien génial très éclectique est également le Belge fou de « Taxi 4 », le film de Luc Besson. Gageons qu’il pourrait si ce n’est déjà fait applaudir des deux mains ce moment de théâtre où Muriel Legrand et Léonard Berthet-Rivière s’imposent d’un bout à l’autre comme des Stradivarius de ce vaudeville très visuel où il est question au passage de Roquefort-la-Bédoule et qui rend…heureux.

Jean-Rémi BARLAND

« Le mystère du gant » au Théâtre des Bernardines  – 17,  boulevard Garibaldi – 13001 Marseille. Jusqu’au samedi 14 décembre à 20h. Le mercredi 11 à 19h. Le jeudi 12 à 11h. Relâches dimanche 8 et lundi 9 décembre. Plus d’info et Réservations sur Les Théâtres

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