Publié le 21 novembre 2015 à 23h47 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
Faute avouée étant à demi pardonnée, j’avoue avoir découvert «Un de la Canebière», l’opérette marseillaise de Vincent Scotto, ce samedi en matinée à l’Odéon. Il m’aura donc fallu attendre quelques dizaines de printemps pour apprendre d’où venaient ces airs fredonnés dans ma famille, du petit cabanon aux pescadous en passant par cette Canebière qui part du Vieux Port en direction du bout de la terre et de ce plus beau tango du monde fantasmagorique. Et rien de rien, non, je ne regrette rien. Car en ces temps où la morosité est de mise, c’est le moins que l’on puisse dire, c’est une énorme dose de bonheur et de joie qu’a délivré à l’Odéon une talentueuse troupe.
Dominique Trottein, le directeur musical, nous avait glissé cette semaine à l’oreille «ça va swinguer sur la Canebière.» Promesse tenue avec la complicité de Jacques Duparc, metteur en scène et acteur de ce qu’il est convenu d’appeler une comédie musicale plus qu’une opérette. Les deux maîtres d’œuvre ont totalement dépoussiéré la pièce, le premier réorchestrant une partition faite pour ça en distillant les rythmes et les notes bleues, le tout pour un orchestre de jazz-club, soit dix musiciens : cinq cordes, trois cuivres, une batterie et le maestro himself au piano. Croyez-nous sur parole : cet ensemble, pour «Un de la Canebière», c’est du caviar ! Quant au metteur en scène, il lâche la bride sur le cou des interprètes pour les amener à donner un spectacle totalement échevelé, mais aussi rigoureusement maîtrisé dans un décor minimaliste mais très bien conçu et coloré en diable. De gag en gag, de rire les larmes arrivent aux yeux et les références, de Louis de Funès à Cetelem pour ne citer qu’elles, sont judicieusement exploitées. Beaucoup de liberté, sans vulgarité, et les rires fusent, les airs sont fredonnés dans la salle, le bonheur est total. Comme quoi avec peu de moyens et beaucoup d’idées on peut faire un grand spectacle. Il faut dire que pour y arriver, le chef et le metteur en scène ont pu compter sur l’adhésion d’une troupe soudée et visiblement heureuse d’être là. Tous excellents dans leurs rôles. Du côté féminin, Caroline Géa séduisante en diable, Simone Burles irrésistible en tron de l’air, Virginy Fenu en post adolescente mutine et Carole Clin en affriolante cougar sont remarquables. Aucune faille, aussi, chez les hommes avec un trio Juppin, Duparc, Cleret impérial. Et personne ne nous en voudra de décerner une mention à Florian Cleret inénarrable Pénible, désopilant en travesti pour devenir Tante Clarisse de Barbentane. Pour sa première à Marseille, il a fait forte impression ; nul doute que nous le reverrons ici ! Guy Bonfiglio, Antoine Bonelli, Michel Grisoni et Jean Goltier sont eux aussi au diapason de l’humour endiablé qui préside à cette production. Un mot, enfin, pour les danseurs du ballet de l’Opéra Grand Avignon, Bérangère Cassiot, Aurélie Garros, Anthony Beignard et Alexis Traissac qui s’intègrent parfaitement dans l’ensemble tout comme les figurants Marc Piron et Bruno Simon.
Bref, vous l’aurez compris, j’ai été totalement séduit par «Un de la Canebière». S’il y a une manière de promouvoir le genre, c’est bien en offrant au public ce style de production. C’est joyeux, frais, lumineux, respectueux du texte, moderne et tellement vivant. Dommage que les événements n’aient pas permis la tenue de la générale scolaire jeudi. Mais souhaitons que cette production ne tombe pas aux oubliettes et puisse être redonnée rapidement.
Michel EGEA
Pratique -Représentation ce dimanche à 14h30 à l’Odéon, 162 La Canebière.