Publié le 29 mai 2014 à 22h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h51
Le mouvement est parti de Marseille fomenté par de jeunes citoyens à la suite du résultat des Européennes, ce dimanche 25 mai, qui a placé le FN en tête du scrutin. Et le soir même, telle une trainée de poudre, les réseaux sociaux se sont activés et ce n’est pas moins de 25 villes qui se sont inscrites dans cette manifestation anti FN. Dans le même temps, ont répondu à cet appel nombre de syndicats étudiants et lycéens au rang desquels l’UNEF, l’UNL, la FIDL, des jeunes militants de divers partis de gauche, antifascistes ou encore associatifs…
A Marseille, ils ont battu le pavé, du Vieux-Port à la Préfecture via le cours Lieutaud, déterminés, conscients diront certains que «le pire peut arriver». Certes, le cortège ne s’étendait pas sur des kilomètres, en ce jeudi férié, mais l’amorce d’un mouvement se fait jour. Et c’est avec une maturité étonnante que ces jeunes venus de tous horizons ont exprimé leur incompréhension d’abord puis leur colère.
Et les slogans sont scandés, les pancartes brandies, les banderoles déroulées tout au long du parcours. «1ère, 2e, 3e génération nous sommes tous des enfants d’immigrés»; «c’est pas les immigrés, c’est pas les sans-papiers, c’est Le Pen qu’il vaut virer »; «je marche contre le FN, pas contre ses électeurs»; «J’ai fait mon devoir j’ai voté, Je fais mon devoir de mémoire aujourd’hui », «Oui à l’Europe multiculturelle », etc.
Lucas Rochette-Berlon, l’un des initiateurs de cette marche rappelle «la montée des extrêmes en France». Assurant : «Il faut partir à l’assaut du monde politique. L’ensemble des valeurs politiques sont confisquées par le Front national. Il faut revendiquer les valeurs républicaines.»
«Aujourd’hui, c’est mon anniversaire et je veux souffler sur le Front national », lance Ariel, étudiant en médecine qui, avec ces amis David et Michel a rejoint la manifestation. «C’est inquiétant, nous sommes sur une pente glissante », préviennent-ils. Indiquant : «Liberté, Égalité, Fraternité, le FN ne représente aucun des trois ».
Le drapeau européen comme bannière, «les Jeunes Européens», organisation internationale créée en mars 2014, sont venus d’Allemagne, d’Italie. .. Et Karim Berthet, vice-président national de revenir sur ce vote Front national : «C’est un ensemble d’éléments qui l’a généré : la crise économique, une angoisse existentielle, les gens ont peur de sortir de leur modèle de vie. Pourtant l’Europe est la 1ère puissance économique mondiale.» Il avance: «L’Europe est un pôle régional de valeurs morales, de respect de l’Autre». Signifiant également l’importance de l’Euroméditerranée et notamment les pays du Sud. Bertram Lang est Allemand, il ne cache pas son inquiétude à propos de la montée des partis nationalistes en Europe. Il invite Merkel et Hollande «à résoudre les problèmes ensemble» car pour l’heure «ils ne proposent aucun programme».
Plus loin, Alice, étudiante, souligne la déception des Français «qui attendaient beaucoup de ce gouvernement». «Hollande a fait des promesses et il ne les a pas tenues, les gens se sont sentis trahis. Beaucoup d’entre eux ne sont pas allés voter. Ce n’est certes pas une solution quand on voit le résultat. Il faut réagir.»
En tête du cortège, Hamza Bensatem, 17 ans, qui a également contribué à l’organisation de cette marche citoyenne, tient à préciser:«Ce vote ne représente pas la France». Le jeune lycéen raconte : «J’ai poussé ma famille a allé voter. Dans mon lycée à Saint-André (16e), ils ne sont pas sentis concernés. Le lendemain des élections quand je leur ai dit : Vous avez vu les résultats ? Ils se demandaient de quoi je leur parlais. J’ai pris le temps de leur expliquer avec mes mots simples et ils ont réagi. Je fais ce que je peux, pour les motiver. Je leur présente le discours du FN sur l’immigration, les femmes… Il faut aussi comprendre qu’ils ont l’impression d’être abandonnés, de ne pas être considérés comme des citoyens, ils n’ont personne avec qui discuter.»
Abdel Kader Halimi, étudiant en Droit en Algérie est en vacances à Marseille. Il n’a pas hésité à suivre la manifestation. Pour lui: « Le FN, c’est le parti de la discrimination. Il juge les gens comme s’ils n’étaient pas des êtres humains».
Après avoir chanté La Marseillaise, c’est dans le calme que la manifestation s’est dispersée avec la certitude de rendez-vous à venir.
Une manifestation qui a été encadrée par le SNES. Laurent Tramoni, secrétaire académique du syndicat d’expliquer : « Les jeunes nous ont demandé de les aider à organiser le cortège. Ce sont toujours des moments compliqués. Nous sommes des syndicalistes mais aussi des professeurs et des éducateurs et même en dehors des établissements nous veillons à la sécurité de nos jeunes ». Et de revenir sur ces jeunes : « On les trouve courageux, volontaires, dynamiques. Ils ont une belle énergie et des principes, une belle preuve de maturité. »
Patricia MAILLE-CAIRE