Publié le 27 mars 2023 à 11h12 - Dernière mise à jour le 6 juin 2023 à 20h38
La voiture, avec un immense nœud rouge sur le pare-brise, se détache dans la cour où sont rassemblés les élus pour l’inauguration. Sur le pavillon s’inscrivent les lettres «auto-école». Un véhicule comme un cadeau pour la quinzaine d’inscrits appelés à passer leur permis B. Le centre social des Escourtines dans le 11e arrondissement de Marseille est à l’initiative de cette auto-école solidaire. Son objectif, favoriser l’insertion sociale ou professionnelle des personnes fragiles et leur donner un égal accès vers l’emploi.
« C’est un plus, plus, plus… »
La moitié des apprenants étaient présents pour cette inauguration. Tous mesurent la chance qu’ils ont de pouvoir passer leur permis à un tarif défiant toute concurrence : 400 € code et conduite inclus, quel que soit le nombre d’heures de conduite ou de code. Seule contrainte le permis B doit être acquis sur une période de deux ans.
Ce jour-là, je monte à bord du véhicule avec Fatima Lahouss, une apprenante. Installation à bord avec tous les réglages ad hoc, passage de la première et c’est parti. D’emblée Fatima indique qu’elle est «très reconnaissante au centre social d’avoir mis en place ce permis solidaire. C’est plus que du plus, ça ouvre les portes à tout. Moi j’ai deux enfants en bas-âge et sans voiture c’est compliqué. Pour le travail aussi». Elle reconnaît qu’au départ «c’était un peu compliqué mais la bienveillance de la monitrice m’a rassurée. J’avais voulu passer mon permis dans une auto-école mais je n’en avais pas les moyens ». A ses côtés, Samira Chakouri surveille. Elle a fait une reconversion pour être enseignante en conduite et sécurité routière. Elle est ravie d’avoir changée de voie. «Il y a une bonne entente, ils sont respectueux, toujours à l’heure et motivés. Il y a des apprenants qui ont beaucoup de soucis. Je suis là pour être à leur écoute. Il n’y a pas que le code et le permis. On est devenus une petite famille. C’est émouvant».
Le permis c’est un sésame
Tous les inscrits ont un projet professionnel et le permis c’est le sésame. Paulette Sarr-Barros, la cinquantaine, vient d’avoir son CAP de cuisine et veut commercialiser ses plats dans un food-truck. «Quand on dit food-truck, il faut un permis. Quand ma conseillère m’a parlé de l’auto-école solidaire, j’ai sauté sur l’occasion». Sébastien Bouvier veut se lancer dans la menuiserie: «Il me faut absolument le permis si je veux exercer ce métier». Jennifer Messaadi travaille dans le bâtiment et «aller sur les chantiers en transports en communs c’est pas facile. C’est une chance énorme de pouvoir passer son permis à tarif réduit ». Yacine Slimani a lui essayé un parcours classique dans une auto-école, problème:«On nous explique vite fait, là on prend le temps avec l’enseignante, ça rassure».
Une liste d’attente
Ce projet d’auto-école solidaire a mis trois ans à voir le jour. Il fallait sensibiliser des partenaires prescripteurs, Pôle emploi et mission locale notamment pour repérer et orienter les publics vers l’auto-école solidaire et trouver des financements. «Cette initiative territoriale répondait à un réel besoin pour faciliter l’accès à l’emploi», explique Karine Massiglia-Leda, la directrice du centre social «Les Escourtines» qui précise: «Le permis de conduire c’est le premier diplôme pour trouver un emploi». Au regard du tarif, la file d’attente est importante aussi il a fallu trouver des critères mettre en place des commissions pour valider qui sera apprenant. «En fait je suis agréablement surprise, il n’y a pas de guerre. L’accès se fait après un diagnostic de mobilité. Seuls peuvent accéder à l’auto-école ceux qui bénéficient des minima sociaux et qui ont un parcours d’emploi ou de formation renforcé peuvent accéder chez nous. Des dossiers sont reportés car les personnes ne sont pas prêtes», conclut karine Massiglia-Leda.
Une trentaine d’apprenants va passer son permis B en 2023. C’est évidemment encore trop peu mais cela représente beaucoup pour ceux qui auront ce sésame.
Reportage Joël BARCY