Son testament d’Auschwitz, écrit en 1985, est désormais gravé sur une plaque dans l’enceinte du Fonds Social Juif Unifié (FSJU). Son texte est agrémenté d’un QR code qui renvoie à un podcast réalisé par des jeunes où Denise Toros-Marter, une des rares rescapées de l’holocauste encore en vie dans la région, relate la solution finale et ce qu’elle a enduré.
Déportée à 16 ans
Denise Toros-Marter aura 96 printemps dans 3 semaines. Le 13 avril 1944, elle et sa famille sont arrêtées par la milice à Marseille et livrées à la Gestapo. Elles sont emmenées à Drancy puis à Auschwitz. La majorité de sa famille est gazée. Elle, survit dans les pires conditions. Un livre raconte sa déportation dans le camp « J’avais 16 ans à Pitchipoï ». Pitchipoï est un village imaginaire en Yiddish. Elle reviendra d’Auschwitz avec quelques morceaux d’orteils. Le reste a gelé et seule la libération du camp lui a permis d’être encore en vie.
Conteuse infatigable
Depuis des décennies elle parcoure la France, pour relater la solution finale, dans les collèges et les lycées. Elle ne s’apitoie pas sur son sort mais décrit l’horreur des camps comme si elle y vivait encore et les quelques instants de rêverie avec ses camarades pour survivre.
Cette plaque, avec son testament d’Auschwitz, c’est la reconnaissance de ses années de témoignage pour dire plus jamais ça aux jeunes générations. « Cette plaque évoque toute une vie de militantisme de Denise et c’est aussi un moment pour la société de faire son introspection alors que l’antisémitisme gagne du terrain », explique Lionel Stora, président du FSJU Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Après le dévoilement de la plaque Denise Toros-Marter a remercié les jeunes présents : « Merci à la jeunesse c’est à vous de transmettre. Moi je suis au bout de mon voyage, c’est à vous de transmettre maintenant à vos familles, à vos enfants. Cette plaque c’est le témoignage dont a été victime le peuple juif et dire qu’il ne faut pas oublier au fil des années malgré certains partis extrémistes qui ont déclaré que c’était un détail de l’histoire… ».
« Témoigner est de plus en plus difficile »
« C’est de plus en plus difficile de témoigner aujourd’hui », concède Denise Toros-Marter. « Auparavant, avoue-t-elle, j’arrivais presque à me dédoubler, c’était quelqu’un d’autre qui racontait et maintenant que je vieillis et que je parle de ma famille c’est beaucoup plus bouleversant pour moi. Quand ils ont été exterminés ils avaient 46 et 47 ans. J’en ai aujourd’hui le double, j’ai 96 ans et cela me rapproche encore plus d’eux et de leur mémoire. »
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Hantise !
Lors de cette cérémonie, Denise Toros-Marter a lu l’un de ses poèmes, contenus dans « J’avais 16 ans à Pitchipoï ». La voix est claire malgré l’émotion.
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Auschwitz, tu n’oublieras jamais,
Et si en France tu reviens,
Raconte comment ça s’est passé
Ou nous serons morts pour rien
Je vous transmets leur testament…
Parmi eux était ma famille
Il y a plus de quatre-vingts ans
Que leurs cendres au vent s’éparpillent…
Reportage Joël BARCY