Publié le 8 mars 2020 à 12h30 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 9h48
Yves Veyrier, le Secrétaire général de Force Ouvrière était à Marseille ce 5 mars 2020 dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes, ce dimanche 8 mars. Occasion pour lui de lancer: «Aujourd’hui comme tous les jours FO s’engage pour les droits des femmes et l’égalite Femme/Homme dans la vie, au travail et à la retraite et à Marseille le slogan c’est « Retraitez moi comme il FO » ». Entretiens avec Yves Veyrier et Franck Bergamini, secrétaire général de l’Union départementale FO des Bouches-du-Rhône à Marseille.
Destimed: Yves Veyrier, FO a quitté la Conférence de financement. Qu’est-ce que vous proposez pour le financement des retraites ? Yves Veyrier: La conférence du financement a été mise en place par le gouvernement, le Premier ministre, comme alternative à l’entrée en vigueur d’un âge pivot qui de toute façon sera mis en place dans le cadre du système universel de retraite par points mais qui lui n’entrera en vigueur qu’à partir de la génération 1975. Donc le Premier ministre avait décidé dès 2022 de mettre en place un âge pivot pour réaliser des économies pour contraindre les salariés à travailler plus longtemps sous peine d’être sanctionnés par un malus au moment du départ à la retraite. Lorsqu’il a vu que tous les syndicats étaient opposés à cette mesure, y compris ceux qui s’inscrivent pourtant dans le système universel de retraite par points, il a proposé cette conférence de financement en disant faites-moi des propositions alternatives. Mais il a mis des contraintes telles qu’il n’y avait pas d’espace puisque bien évidemment on ne va pas proposer de baisser les pensions. Le Premier ministre avait par ailleurs ajouté que les mesures que l’on pouvait proposer ne devraient en aucun cas conduire à augmenter le coût du travail autrement dit, il nous interdisait de négocier une augmentation des cotisations qui aurait permis de réaliser l’équilibre sans avoir besoin d’âge pivot. Donc c’était l’impasse assurée. C’était la chronique d’un échec annoncé et on arrive aujourd’hui à cet échec puisque le Premier ministre nous dit que la conférence de financement devra accompagner le fait que les Français devront de toute façon travailler plus longtemps. Eh bien, nous on n’est pas d’accord avec ça. Oui mais il y a un déséquilibre puisqu’il y a 8 à 15 milliards à trouver… Le déséquilibre, il faut encore se mettre d’accord sur sa réalité et sur sa nature. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) nous dit que ce déséquilibre n’est pas le produit d’une dérive des dépenses de retraite mais la conséquence d’une insuffisance de ressources qui tient au choix de politiques budgétaires dans la fonction publique qui ont contraint les salaires- le salaire de base des fonctionnaires est gelé depuis près de 10 ans- et qui ont contraint l’emploi. Donc, évidemment, vous avez moins de ressources dans le secteur de la fonction publique puisqu’il y a moins d’actifs avec des salaires en augmentation donc moins de cotisations en augmentation alors qu’il y a toujours des retraités pensionnés dont il faut assurer la pension et ce n’est pas, de notre point de vue, à l’ensemble des salariés à compenser ce déséquilibre en devant travailler plus longtemps. Nous ne sommes pas d’accord avec cette approche. Vous appelez à manifester depuis le 5 décembre, il y a eu une grande grève dans les transports, vous appelez à nouveau à manifester le 31 mars, est-ce que vous vous attendez vraiment à une grande mobilisation ? On l’espère. On va tout faire pour que le 31 mars la grève interprofessionnelle soit la plus largement suivie, que les manifestations soient très nombreuses. Nous serons à mi-parcours du débat au Parlement, 49.3 ou pas. Le dossier viendra au Sénat pour revenir ensuite à l’Assemblée Nationale et nous avons pensé qu’il était important que l’on se donne le temps justement puisque cette mobilisation depuis le 5 décembre est évidemment difficile à tenir. Tous les salariés nous disent : »Tenez bon, il ne faut pas lâcher ». Et on voit bien que les sondages indiquent encore que la population est pour le retrait de ce projet. Donc le 31 mars on va tout faire pour que cette expression d’opposition à ce projet soit la plus large, la plus forte possible. Vous êtes venu à Marseille pour le 8 mars, qui tombe d’ailleurs cette année un dimanche, et vous avez fait un appel aux hommes qui étaient syndiqués dans cette salle en leur disant qu’il fallait changer de mode de travail… Oui, parce que le 8 mars c’est la journée pour le droit des femmes, c’est la journée pour l’égalité entre les femmes et les hommes, l’égalité dans la vie au quotidien et l’égalité au travail, pour ce qui nous concerne, en particulier le fait que l’on combatte toute forme de discrimination, de harcèlement, de violence. Ce sont des sujets qui sont de plus en plus révélés, on le voit bien dans tous les milieux aujourd’hui. Donc il faut y faire très attention parce que si on en parle aujourd’hui plus dans le monde du spectacle par exemple, ce dont on ne parle pas c’est ce que l’on ne voit pas malheureusement dans le monde du travail en général d’une part et puis il y a d’autre part l’enjeu de l’égalité au travail, l’égalité en termes de salaire, en termes de carrière qui est un enjeu du quotidien. Et, que les femmes aient accès à l’autonomie financière bien évidemment donc à une autonomie dans la vie en général et que justement ce combat est très directement lié à celui sur le dossier des retraites parce que c’est en conquérant l’égalité durant la vie active. Trop souvent les femmes sont confinées aux bas salaires, aux temps partiels subis, aux interruptions de carrière, confrontées aux inégalités de salaire et au déroulement de carrière qui se traduisent le moment venu à la retraite. Si votre durée au travail n’a pas été entière, si votre rémunération n’a pas été suffisante, si votre temps de travail n’a pas été suffisant forcément votre retraite ne sera pas au niveau, cela n’est pas le système de retraite actuel qui est défaillant, c’est l’emploi qui est défaillant vis-à -vis des femmes et c’est là-dessus qu’il faut travailler. Vous êtes un homme, Frank Bergamini est aussi un homme, à quand des femmes aux postes de responsabilité ? Oui, vous avez raison, je serai très heureux de voir de plus en plus de femmes qui accèdent à ces responsabilités. Pour cela il faut que l’on apprenne à travailler collectivement, que l’on se répartisse les mandats. Parce que quand vous concentrez les responsabilités sur une seule personne c’est encore trop souvent aux hommes qu’on les confie parce qu’on pense qu’ils ont moins de charges domestiques. Donc ils peuvent eux rester le soir tard quand il y a besoin de rester le soir tard ou revenir le samedi ou le dimanche quand c’est nécessaire. En répartissant les tâches, en répartissant les responsabilités on pourra se partager ces contraintes et donc les femmes y auront plus facilement accès. Je me félicite d’une chose, nous ne l’avons pas fait exprès, parce que ce n’était pas l’état d’esprit dans lequel nous étions lorsque nous avons élu une Secrétaire confédérale donc membre du bureau confédéral au mois de septembre dernier. Nous avions cherché un ou une militante qui corresponde à ce dont nous pensions avoir besoin notamment pour s’occuper de la formation des militants syndicalistes. C’est une femme qui a été choisie par le comité confédéral national et c’est le surlendemain que j’ai appris, en lisant la presse, le fait que pour la première fois le bureau confédéral de Force Ouvrière était paritaire. Ce n’était pas du tout ce que nous avions recherché mais ce que nous avons réalisé non pas en ciblant la parité pour la parité mais en faisant en sorte de chercher un ou une militante et il se trouve que c’est une militante qui a été choisie et que c’est ainsi que nous avons atteint la parité. Je suis fier de cela.Entretien avec Yves Veyrier, secrétaire général de Force Ouvrière (FO) yves_verrier_5_mars_2020.mp3 |