Maurice Taieb est parti rejoindre Lucy

Publié le 3 août 2021 à  6h11 - DerniÚre mise à  jour le 1 novembre 2022 à  14h52

Maurice Taieb, chercheur CNRS, gĂ©ologue cĂ©lĂšbre pour avoir co-dirigĂ© l’équipe scientifique ayant mis au jour le squelette de l’australopithĂšque Lucy en 1974, est dĂ©cĂ©dĂ© le vendredi 23 juillet 2021.

© PJ Texier
© PJ Texier

Lucy avait 20 ans lorsqu’elle tomba dans les limons qui la fossilisĂšrent, mais il n’y a pas d’ñge pour se sentir orpheline
 En 1966, les missions gĂ©ologiques pionniĂšres de Maurice Taieb, chercheur CNRS [[Laboratoire de GĂ©ologie du Quaternaire situĂ© Ă  Meudon-Bellevue, dĂ©placĂ© sur Marseille Luminy en 1977, puis intĂ©grĂ© en 1995 au Centre EuropĂ©en de Recherche et d’Enseignement de GĂ©osciences de l’Environnement (Cerege-CNRS/AMU/IRD/INRAE), rattachĂ© depuis
2012 Ă  l’Institut Pytheas (CNRS/AMU/IRD/INRAE)]], dans le Rift Éthiopien le menĂšrent Ă  la dĂ©couverte des dĂ©pĂŽts fossilifĂšres d’Hadar dans la vallĂ©e de l’Awash, en territoire Afar.

Maurice Taieb organisa et dirigea alors une mission internationale, l’International Afar Research Expedition (IARE) qui, en novembre 1974, aboutit Ă  la dĂ©couverte du premier des 52 fragments du squelette de Lucy (nommĂ©e par le titre de la chanson des Beatles, alors Ă©coutĂ©e en rengaine par l’équipe au camp de base). Un bassin fĂ©minin, un genou dĂ©montrant la bipĂ©die et des bras allongĂ©s facilitant le grimpĂ© et une mĂąchoire infĂ©rieure avec une molaire peu usĂ©e d’adulte de 18-20 ans caractĂ©risent notre dĂ©sormais cĂ©lĂšbre ancĂȘtre australopithĂšque de 3,2 millions d’annĂ©es.

L’ñge obtenu par Maurice Taieb et ses collaborateurs repose sur des datations radiomĂ©triques (potassium-argon et argon-argon) de cendres volcaniques et sur la magnĂ©tostratigraphie des inversions du champ magnĂ©tique terrestre. Lucy demeure le squelette le plus ancien et le plus complet parmi d’autres fossiles d’homininĂ©s depuis dĂ©couverts dans la dĂ©pression de l’Afar, y compris une mĂąchoire fossile attribuĂ©e au genre humain (Homo) datĂ©e de 2,8 Ma, qui reprĂ©sente notre ancĂȘtre direct.

Dans les annĂ©es 1980, avec la fermeture de l’Éthiopie, les expĂ©ditions et recherches de Maurice Taieb s’orientĂšrent vers les formations du Quaternaire au Kenya, en Tanzanie et au Maroc. Plusieurs expĂ©ditions de terrain et de carottages portĂ©es par Maurice Taieb auprĂšs de programmes nationaux et internationaux (dont CCE) ont fourni de nouvelles donnĂ©es sur l’évolution du climat et de l’environnement en Afrique de l’Est et du Nord, permettant de mieux comprendre les impacts des changements du climat sur les Ă©cosystĂšmes tropicaux. En 2000, lors d’un sĂ©jour Ă  l’Institut Français de PondichĂ©ry, il Ă©tablit de profondes collaborations entre
archĂ©ologues et palĂ©oclimatologues de l’Inde.

Avec ses Ă©clatants sourires barrĂ©s de son Ă©ternelle clope aux lĂšvres, l’Ami (Rafiki en Swahili) Maurice tĂ©moignait, sur le terrain comme en laboratoire, d’une exceptionnelle Ă©nergie, porteuse d’un optimisme vainqueur, tĂ©mĂ©raire, aventurier, initiateur de nouvelles expĂ©riences. Son sens des relations humaines et ses talents d’organisateur lui permettaient de vaincre les obstacles de prospections pionniĂšres, dont nous avons pu ĂȘtre Ă  la fois les tĂ©moins et les acteurs.

Ses conseils avisĂ©s et son aide toujours amicale ont portĂ© vers le succĂšs de nombreux nĂ©o-gĂ©ologues des laboratoires d’Aix-Marseille. Qu’il en soit remerciĂ© !
Tous ses proches collaborateurs, Ă©lĂšves et collĂšgues de tous les pays, pensent Ă  Lui, Ă  son Epouse Ingrid, Ă  ses deux fils, Laurent et Jean-Marc et Ă  leur famille
 celle aussi de Lucy.

Par Nicolas Thouveny, Jean-Philip Brugal, Doris Barboni, Michel Decobert, David Williamson, Pierre-Jean Texier, Raymonde Bonnefille

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