Publié le 4 juillet 2020 à 22h43 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 11h51
Pourquoi devient-on comédien ? Vaste question un peu passe-partout d’ailleurs mais qui, en ce qui concerne Mazigh Abdelli revêt une connotation particulière. Né le 4 novembre 1999 à Anderlecht, il s’est senti enfant très seul, fut victime de harcèlement, et, s’est alors, pour se protéger, réfugié dans un monde où la fiction est reine. C’est très jeune, vers les neuf, dix ans qu’il joua «Barbe Bleue» à l’école où il suivait un atelier théâtre. La vocation lui était venue, et surtout le moyen de se protéger des agressions extérieures. «Le théâtre et le cinéma sont des sports de combat», raconte-t-il en se souvenant de cette période où par le jeu il n’avait plus peur du regard d’autrui. «Quand on se glisse dans un rôle, explique-t-il, tout passe par le regard que l’on pose sur le personnage incarné. L’interprétation d’un personnage, c’est être soi-même avec une histoire différente.» Souligne que c’est le réalisateur Rony Tanios avec qui il a tourné dans son court-métrage «L’âge des couches » «qui me l’a enseigné», dévoile le jeune comédien. Expériences multiples donc, mais qui toutes ont eu un effet presque thérapeutique pour Mazigh, lui qui se sentait si exclu du monde de ses semblables, de les rejoindre, en se sentant aimé, pour ce qu’il donnait à voir du personnage, et combattre ainsi une certaine forme de fragilité, voire de timidité. Lui qui a tourné dans plusieurs courts-métrages défend l’idée que le cinéma offre la possibilité en étant dans l’écran, de se sentir à la fois autre et soi-même. Interpréter un personnage avec une part d’improvisation, voilà une chose qui le passionne, comme ce fut le cas avec «Ventriglisse» de Valentin Brocard. Et quand on lui demande de citer ses réalisateurs préférés, il donne en premier le nom de Lars von Trier. «C’est un réalisateur que j’aime profondément, pour, bien entendu l’esthétique de ses films, mais également parce qu’il propose pour ses héros et héroïnes des caractères assez sensibles, et en tire une complexité de traitement où l’on ne voit justement plus le comédien ou la comédienne mais le personnage». Même sentiment pour Xavier Dolan et son style particulier dans le traitement des acteurs comme avec «Juste la fin du monde». Affectionnant également des cinéastes tels que Ari Aster «Hérédité», Quentin Dupieux «Le daim», il admire un comédien tel que Gaspard Ulliel, et se dit fasciné par Denis Ménochet, «acteur incomparable». Foisonnant de projets qui se mettent petit à petit en forme -«on ne peut encore en parler tant que rien n’est signé», précise-t-il, Mazigh Abdelli dont on peut voir une partie de son travail dans son clip disponible sur le site «La démo du comédien» estime que l’art est un moyen de régler ses problèmes personnels. Quant à savoir ce qu’est un grand film, il répond : «C’est celui qui exprime l’intérieur de soi-même, qui favorise le fait de sortir du regard des autres, qui, comme «Melancholia» de Lars von Trier exprime le mieux mes propres sentiments». Humble et généreux, Mazigh Abdelli qui prépare en parallèle une formation de journaliste conclut après avoir rempli ce questionnaire de Proust présenté ci-dessous : «Les films qui me touchent sont ceux qui me ressemblent», et qui donc font passer un message d’émotion et de fidélité à ses idéaux humanistes.
Questionnaire de Proust
Si vous étiez un animal ? Un aigle
Une couleur? Le Gris
Un film? Midsommar d’Ari Aster
Un sentiment ? L’apaisement
Une musique ? Aghrib-Idir
Une ville ? Bougie
Un pays ? L’Islande
Un autre métier ? Réalisateur de «nus et culottés»
Un objet ? Une poussière
Un arbre ? Aucun car l’immobilité est ma hantise
Une actrice? Florence Pugh
Un défaut ? L’insistance
Un chanteur ? Francis Cabrel
Un slogan ? Tout vient à point à qui sait attendre
Un moyen de transport ? Un TER SNCF
Jean-Rémi BARLAND