Le troisième syndicat agricole au sein des chambres d’agriculture (20% des voix aux dernières élections) n’est pas le plus médiatique. Lors des manifestations il a été écrasé par la FNSEA et la Coordination rurale et a peu compté dans la lutte. « On s’est mobilisés dans les supermarchés pour dénoncer la concurrence déloyale des produits étrangers mais cela a été peu relayé », concède Floris Schruijer, animateur syndical à la Confédération paysanne 05. Malgré tout le syndicat ne prêche plus dans le désert.
Machine arrière
Le moins que l’on puisse dire est que les premières mesures du gouvernement pour calmer la colère paysanne n’ont pas été saluées par la Confédération. L’allègement des normes environnementales, l’exonération de l’obligation de mise en jachère et l’enterrement de la réduction de 50% du volume de pesticides à l’hectare vont à l’encontre des convictions des adhérents. En majorité, ils possèdent des petites fermes et veulent bâtir un projet de société autour du monde agricole.
« Une colère paysanne justifiée »
Pour l’ingénieur agronome et animateur syndical de la confédération, la colère paysanne s’explique par les injonctions contradictoires qui irriguent le monde agricole. « On ne peut pas demander tout et n’importe quoi à ces gens. Ils ont le sentiment d’être des exécutants de politiques qui ne sont pas claires, pas tranchées. Il faut une clarification du gouvernement.»
« Nous, poursuit Floris Schruijer, on veut que ce soit un métier avec l’entièreté de ses fonctions y compris la biodiversité. Il faut beaucoup de paysans pour cela et multiplier les réinstallations. De son côté la FNSEA dit très bien, vous voulez qu’on produise beaucoup alors on fait une croix sur l’environnement et les petites fermes. On devient la startup nation de l’agriculture, une puissance agricole. Mais nous on considère que cette vision nous amène droit dans le mur.»
L’agriculture concerne tout le monde
« Il faut sortir du rêve que l’agriculture française est une puissance industrielle qui permet de gagner des parts de marchés à l’international et d’être une puissance exportatrice », insiste Floris Schruijer qui considère que la FNSEA participe à cette idée que les agriculteurs doivent produire avant tout et être compétitifs sur les marchés. « Ils se disent les garants des connaissances du métier mais en oubliant que le secteur agricole concerne tout le monde et pas uniquement les paysans. On ne peut pas avoir une injonction économique libérale à être compétitif comme les fermes de 10 000 ha en Ukraine ou aux États-Unis, à produire à tout prix tout en préservant l’environnement, en limitant les pesticides et en développant les jachères. Il faut qu’on aille plutôt vers une réflexion sur la souveraineté alimentaire. Qu’est-on en mesure de produire chez nous ? On a une diversité de territoires pour nourrir la population. Il faut une prise de conscience qu’avec un ensemble d’outils politiques on peut payer les paysans et protéger l’environnement ».
« Les prix planchers sont une avancée »
Qu’importe si l’annonce de prix planchers par Emmanuel Macron au salon de l’agriculture a généré une moue dubitative de nombreux interlocuteurs. La Confédération estime que c’est une étape et qu’elle va dans le bon sens. « Pendant 30 ans, de 1962 à 1992 on a eu des prix garantis puis on a mis en place des quotas en raison de la surproduction sur le lait ou les betteraves. Ensuite, avec la nouvelle PAC, au début des années 90, on a décidé de supprimer prix planchers et quotas. On voit où ce libéralisme nous a menés ». Mais ces prix planchers seuls ne suffisent pas selon le syndicat. « Il faut que l’État orchestre une série de mesures : Réguler les volumes de production, favoriser une politique d’accès aux terres pour les nouveaux agriculteurs. Lutter contre les fermes-usines. Baisser les aides à l’hectare pour les plus gros agriculteurs. Développer les haies, les jachères, le bio ». Pour Floris Schruijer, le système agricole est le plus inégalitaire qui soit. « C’est le seul secteur où le producteur ne fixe pas le prix de ses produits. »
Sécurité sociale de l’alimentation
Pour la Confédération paysanne, l’idée des prix planchers doit s’accompagner d’aides pour permettre à tous les Français de pouvoir bénéficier de produits sains. Pour le syndicat il faut une sécurité sociale de l’alimentation. Elle fonctionnerait comme la sécurité sociale actuelle. Sur le principe de solidarité. « Chacun cotise à hauteur de ses moyens et récupère à hauteur de ses besoins »? analyse Floris Schruijer. Ce serait la 7e branche de la sécurité sociale avec un prélèvement sur les revenus. Chacun récupère ensuite chaque mois, sous forme de chèque, environ 150€. Ce chèque ne pourrait être utilisé que pour des produits conventionnés collectivement comme étant sains et durables.
Sensibiliser le public
La Confédération paysanne va aller à la rencontre du public ce vendredi 1er mars en organisant un marché paysan de 10 à 12 heures devant la préfecture de région à Marseille. Une occasion de se faire entendre alors que les syndicats agricoles seront reçus en préfecture.
Joël BARCY