Publié le 13 novembre 2013 à 23h06 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h38
Michel Vauzelle, le Président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur vient de rendre un rapport au Président de la République, intitulé : « Avec la jeunesse méditerranéenne, maîtriser et construire notre communauté de destin ». Un document qu’il a présenté à la Villa Méditerranée dans le cadre de la Semaine Économique de la Méditerranée.
Les premiers mots sont là pour rappeler que, « au cœur de la Terreur et d’un régime qui niait, par le massacre, la Révolution et les Droits de l’Homme, la France continuait cependant à porter le message de 1789 ». Puis de rappeler que le combat n’est pas fini. « Nous devons défendre la République et poursuivre le processus de libération démocratique, sociale et culturelle de notre peuple ». Or, à ses yeux : « Ce qu’a vécu la France, la Méditerranée le vit depuis longtemps. Aujourd’hui, au cœur même du massacre, le peuple syrien porte en lui sa survie et sa victoire. En dépit des milliers de morts en Syrie et, des souffrances de tant de populations du Sud, la Méditerranée est bien vivante avec ses millions de jeunes sur ses deux rives ». Pour lui : « La question méditerranéenne appelle une vraie prise de responsabilité de l’Europe, de toute l’Europe, non pas pour la Méditerranée mais avec ses peuples et avec ses prolongements à l’Est avec le Golfe et au sud avec le Sahel ».
Michel Vauzelle considère que la paix en Syrie et en Méditerranée ne se fera pas par des sommets ou des solennelles déclarations de préoccupation de l’Union européenne. « On voit bien aujourd’hui les résultats de l’action internationale en Irak et en Afghanistan. Une paix durable en Méditerranée dans dix ou vingt ans ou plus, ne se fera pas, encore une fois, par le haut mais par le bas, pas par de grandes conférences même si elles sont utiles, mais par la société civile. C’est le co-développement économique, social et culturel qui nourrit la libération démocratique et la paix ».
« La Turquie, depuis des années, est tenue aux portes de l’Europe »
Il n’omet pas de souligner que « la Turquie, depuis des années, est tenue aux portes de l’Europe dont elle fut durant des siècles une des puissances rayonnant de toute sa civilisation. En Syrie, le massacre particulièrement barbare de tout un peuple se déroule comme l’on sait. Les effets de la guerre syrienne blessent le Liban si cher et si nécessaire à la France, et la Jordanie. Israël se trouve dans un environnement terrifiant. On demande à la Palestine, de plus en plus colonisée, de discuter cependant de son indépendance. L’Egypte est déchirée à son tour. L’Irak connaît une situation dramatique. L’Iran poursuit sa politique très inquiétante. Les Etats-Unis attendront qu’un de leurs alliés fasse le travail, sans autorisation des Nations-Unies. Quant aux Etats du Golfe, par leur présence au Machrek et au Maghreb comme en Europe, et d’abord en France, ils sont des Méditerranéens. (…) Enfin, au Sud de nos voisins du Sud, le Sahel « a basculé » dans l’espace méditerranéen ». Il estime à ce propos que « l’intervention de la France au Mali était indispensable pour la Méditerranée comme pour l’Afrique ». Évoque les groupes armées qui opèrent dans la région. « Ces groupes constituent une menace pour la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, c’est à dire précisément les cinq membres de l’Union du Maghreb arabe. Ils sont aussi membres du processus 5+5 relancé à Malte par le Président de la République. Mais cet espace s’élargit maintenant à un 5+5+5 avec le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad ». Le Maghreb est donc, pour Michel Vauzelle : « Au centre d’un système euro-maghrébo-saharien. Dans cette géographie qui s’inscrit elle-même dans les continuités de la mondialisation, la France, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie portent ensemble une lourde responsabilité pour la paix et le bien-être de nos peuples dont le destin est uni face à cette menace ».
Il n’ignore pas « la question d’Orient », la Syrie, la Palestine « c’est aussi le Caucase où se déchiraient des peuples qui opposaient la Russie et la Turquie, que se situe, aujourd’hui, un nouveau front de violences et de menaces. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de retrouver dans cette région au XXIe siècle les deux mêmes puissances très actives : la Russie et la Turquie. Or ni face à la Russie, ni face à la Turquie, l’Europe n’a une politique claire. Elle porte ainsi sa part de responsabilité dans la réponse de ces deux grands peuples : le nationalisme. On en voit les conséquences notamment chez les jeunes et la société civile au cœur même de ces puissances, à Moscou et à Istanbul ».
« C’est une nouvelle façon de concevoir la politique elle-même qui est en question »
Face aux nombreuses questions qui se posent, il propose la mise en place de nouveaux outils. « Nos États doivent mettre au point, non plus de nouvelles institutions désespérantes à force d’être décevantes, mais plus simplement de nouveaux outils. C’est eux, dans la vie quotidienne et la proximité qui répondront au surgissement et aux exigences nouvelles de la société civile et de la jeunesse. Celles-ci veulent non seulement être entendues mais participer aux responsabilités de la communauté. C’est une nouvelle façon de concevoir la politique elle-même qui est en question ».
Pour Michel Vauzelle la première priorité concerne la jeunesse : « Les jeunes ont besoin d’un processus de « libération » respectueuse de leur droit à disposer d’eux-mêmes et de leur liberté de choix identitaire ». Précisant : « Nous devons prendre en compte les disciplines que nous imposent la mondialisation et les technologies de l’information et de la communication. Un nouveau modèle de société doit voir le jour. Il doit être capable de permettre aux peuples euro-méditerranéens d’être assez forts pour tenir leur place politique et morale à la table des grands du monde de demain ».
Si la priorité est la jeunesse, « la priorité pour la jeunesse méditerranéenne est de réduire l’écart de développement entre les deux rives qui est l’un des plus élevés du monde ».
Cette politique ne peut s’envisager de manière isolée par la France. « C’est donc bien en renforçant son rôle d’interface dans le partenariat euro-méditerranéen, et en étroite collaboration avec les pays du Sud, que la France pourra construire et décliner une stratégie française à la hauteur des enjeux ».
Michel Vauzelle formule 8 propositions
C’est à partir de cette analyse que Michel Vauzelle formule 8 propositions.
La formation professionnelle « est la première réponse au besoin vital d’emplois et donc d’insertion professionnelle des jeunes Méditerranéens des deux rives ». La création d’un espace franco-maghrébin de la formation professionnelle « constituera un premier pas pour développer et fédérer les ressources et les acteurs autour d’une stratégie d’éducation permanente en direction des jeunes, mais aussi de gestion prévisionnelle des compétences, des qualifications et des effectifs qui soit partagée entre les deux rives ». Cet espace pourrait-être préfiguré « grâce à trois outils particulièrement adaptés aux différentes situations de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie ».
L’articulation entre la formation, la recherche et l’innovation « est un instrument privilégié de développement, de partenariat et d’une coopération prenant en compte les besoins et les priorités du Sud. La recherche et les échanges scientifiques sont en outre une aide à la prise de décision pour les politiques publiques ».
Le développement d’une nouvelle génération d’entrepreneurs « constitue un enjeu clé pour l’avenir économique et social des pays méditerranéens et ceux du Maghreb tout particulièrement. Ces jeunes entrepreneurs ont besoin d’un environnement favorable, pour la réussite du parcours de création et de développement de leur entreprise ». La France doit proposer « l’extension au Maghreb des dispositifs européens tels que le programme Erasmus pour les jeunes entrepreneurs et l’instrument européen de micro-financement ». Le rapport préconise également de renforcer le programme » Invest in Med « .
Il plaide également en faveur de la création d’un espace franco-maghrébin de l’économie sociale et solidaire. « Il existe une attente pour entreprendre autrement, en préservant et valorisant l’environnement, et pour trouver les voies de la création de richesses durables en s’appuyant sur les solidarités de proximité, de projets et de réseaux ».
Les mobilités sont un processus « formateur et unificateur. Elles participent à la constitution d’une citoyenneté méditerranéenne tout en favorisant le respect des diversités ». Le nouveau programme Erasmus pour tous, lancé dans le cadre du prochain budget européen 2014-2020, crée un modèle Erasmus ouvert sur le reste du monde. « Cependant, dans ses propositions, la Commission européenne, si elle se prononce pour un renforcement des moyens dédiés aux coopérations avec les pays du voisinage (voisinage oriental et Méditerranée), ne retient pas la suggestion faite par plusieurs parlementaires d’une organisation du nouveau programme dans un cadre régional ».
Il faut donc « lancer sous la forme d’une plate-forme, une initiative de concertation pour accompagner et soutenir la mise en œuvre du programme Erasmus pour tous dans la région euro-méditerranéenne. Elle doit permettre d’assurer la mobilité de tous les jeunes, étudiants, apprentis, stagiaires, qui souhaitent s’engager dans un dispositif euro-méditerranéen ».
L’articulation de l’action de l’État avec les moyens décentralisés des collectivités régionales et locales « devra être au cœur de la Méditerranée de projets et au service de la jeunesse. Les initiatives de l’État et des collectivités territoriales doivent être valorisées dans un cadre stratégique commun de l’action extérieure française en Méditerranée par de véritables co-constructions politiques et administratives au service de la jeunesse méditerranéenne ».
Enfin, la dernière proposition vise à faire de Marseille la métropole de la politique méditerranéenne de la France. L’engagement conjoint de l’État, des collectivités et des grands opérateurs publics « trouvera sa force dans l’émergence et l’affirmation d’un pôle de projection de la politique de la France en Méditerranée. Cette exigence répond à la nécessité de rassembler à Marseille les institutions internes et nationales et de renforcer les moyens de son université, la plus grande de France. (…).
Par sa composition sociologique, par les origines de sa population, par la richesse de ses diasporas, par l’image très positive, souvent plus encore que celle de la France, qu’ont de Marseille les peuples du Sud, la métropole s’impose comme une capitale méditerranéenne. Encore faut-il la doter des infrastructures indispensables ».
Michel CAIRE