Publié le 5 juillet 2020 à 8h27 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 11h52
Au terme de deux tours d’élection, Michèle Rubirola (Le Printemps marseillais) a été élue à la majorité absolue avec 51 voix, devant Guy Teissier (Une volonté pour Marseille), 41 voix. Samia Ghali (Tous unis avec Samia Ghali), candidate au premier tour, ne s’est pas représentée au second, apportant son soutien à Michèle Rubirola. Les 9 élus du Rassemblement national n’ont pas participé au vote. Michèle Rubirola devient la première femme maire de la deuxième ville de France.
Peu de monde aurait pu prédire, ce samedi matin, que Michèle Rubirola serait non seulement élue maire de Marseille, mais surtout avec la majorité absolue. Elle devient ainsi « la » première Maire de Marseille. Peu, l’ont prédit, mais un grand nombre l’ont espéré, comme tous ces Marseillais criant «Michèle ma maire, sont des mots qui vont très bien ensemble» avant de scander «Démocratie» ou encore «Donnez-nous les clés de la mairie ». Des cris, des applaudissements entendus jusque dans l’hémicycle et qui, souligneront des élus du Printemps Marseillais, «ont été un vrai soutien». Et c’est après plusieurs interruptions, suspensions, de séance qu’un accord aboutira avec Samia Ghali la sénatrice divers-gauche, rejoint la veille par Lisette Narducci, ex-PRG, candidate sur les listes du divers droite ex-LR Bruno Gilles. Un accord ouvrant la porte à la victoire et la majorité absolue.
«Soulagée et heureuse de savoir que la volonté de la majorité et du peuple de Marseille a été respectée»
La victoire acquise, l’écharpe remise par le maire sortant, Jean-Claude Gaudin (élu sans discontinuité depuis 1995) en lui souhaitant «bonne chance»- un vrai moment républicain- c’est avec émotion que la nouvelle édile cite Blaise Cendrars: «Marseille appartient à qui vient du large».«Pour ma part, poursuit-elle, je ne sais pas si le Printemps Marseillais vient du large, mais je sais qu’il vient de loin». Et d’avouer: «Le premier sentiment qui m’anime cet après-midi après cette élection au poste de maire de Marseille c’est le soulagement. Je suis soulagée et heureuse de savoir que la volonté de la majorité et du peuple de Marseille a été respectée». Elle précisera, à la fin de la séance: «J’ai senti la victoire possible dès ce matin, lorsque j’ai vu à quel point la ferveur était forte autour de nous». Benoît Payan, premier adjoint et maire des 2e et 3e arrondissements ajoute : «De toute façon nous n’avons jamais cessé d’y croire». Avant de revenir sur les négociations avec la sénatrice Samia Ghali, maire des 15e et 16e arrondissements: «Au regard des enjeux pour Marseille, pour la population, cela a pris un peu de temps mais cela permet d’avoir une Maire démocratiquement élue, avec la majorité absolue». Olivia Fortin, qui a pris le bastion de la droite, les 6e et 8e arrondissements, indique pour sa part: «Notre premier chantier sera la mise en place d’un audit financier. On sait, grâce au rapport de la Chambre régionale des comptes qu’il y a de graves problèmes mais nous n’en mesurons pas encore l’ampleur. Le deuxième point concerne les écoles. Nous devons préparer la rentrée tant sur un plan matériel que celui des effectifs. Le quatrième chantier est encore plus urgent puisqu’il concerne les propositions que nous allons faire aux Marseillais.e.s -Ils sont nombreux à ne pas pouvoir partir l’été- pour que celui-ci soit le meilleur possible. Enfin, notre quatrième priorité concerne le logement». Des propos comme autant de points de départ au terme d’une journée qui a été riche en rebondissements.
Retour sur cette journée qui a vu élire la première femme à la tête de Marseille
Six jours après le deuxième tour des élections municipales, les 101 conseillers municipaux élus dans les 8 secteurs de Marseille se sont réunis ce samedi 4 juillet afin d’élire le nouveau maire de Marseille. Au terme de deux tours d’élection, Michèle Rubirola a été élue à la majorité absolue avec 51 voix, devant Guy Teissier, 41 voix. Les 9 élus du Rassemblement national n’ont pas participé au vote. Samia Ghali, candidate au premier tour, ne s’est pas représentée au second, apportant son soutien à la candidate du Printemps Marseillais en début d’après-midi. Elle explique : «Je sais qu’il existe une attente très forte de changement. Je serai actrice de cette nouvelle page de l’histoire parce que j’aime Marseille par dessus tout. C’est la raison pour laquelle j’apporte mes voix à Michèle Rubirola lui permettant de gagner et de disposer d’une majorité absolue. Tout au long du mandat, je continuerai à porter la parole des quartiers populaires pour qu’ils ne soient plus oubliés et relégués». Elle ajoutera, en direction du RN qui l’avait attaqué juste avant: «Vous, vous divisez, moi je rassemble» avant d’adresser ses félicitations au général Galtier LR pour son élection dans les 13/14. Michèle Rubirola est la quatrième maire de Marseille élue sous la 5e République depuis 1958. Et elle devient la première femme élue maire de la deuxième ville de France.
«Nous quittons l’hémicycle»
Présidée par le doyen d’âge, Guy Teissier (75 ans, Une volonté pour Marseille), la séance a été ouverte à 9h30, avant que le président ne décide de céder sa place en raison de sa candidature au poste de maire. Première doyenne après Guy Teissier, Marguerite Pasquini (69 ans, Tous unis avec Samia Ghali) a alors été désignée pour présider la séance. Comme le veut la tradition, le secrétariat de séance est revenu au benjamin de l’assemblée, en l’occurrence Théo Challande-Nevoret (Le Printemps Marseillais). Après avoir lu l’ensemble des articles législatifs et rappelé les règles de l’élection, à savoir deux premiers tours où un candidats doit obtenir la majorité absolue pour être élu maire et un éventuel troisième tour à la majorité relative, Marguerite Pasquini a ensuite demandé à chaque liste de bien vouloir désigner un scrutateur. Stéphane Ravier, RN prend alors la parole: «Nous ne présenterons pas de candidat, nous ne participerons pas au vote. Nous quittons l’hémicycle». Il précisera plus tard: «Pendant 25 ans une équipe arrogante a tenu cette ville pour un bilan désastreux». Puis de parler d’«un désastre politique et démocratique pendant la campagne»et dévoile que son groupe a proposé: «Un pacte marseillais. Nous ne demandions aucun poste mais cela a été balayé d’un revers de main par une Droite qui n’en finit pas de sombrer» Une suspension de séance a été demandée et accordée à Samia Ghali (9h 55). Au terme du premier tour auquel participaient donc 92 conseillers municipaux, 91 voix ont été exprimées, en plus d’un bulletin nul de Lisette Narducci. Michèle Rubirola est arrivée en tête avec 42 voix, devant Guy Teissier (41 voix) et Samia Ghali (8 voix). Lisette Narducci précise: «J’ai eu de nombreuses sollicitations et, hier soir, j’ai accepté de former un groupe avec Samia Ghali. Et, ce matin, j’ai fait le choix de m’abstenir, c’était un vote de principe. Puis j’ai eu un vote d’adhésion cet après-midi en votant Michèle Rubirola. Une voix qui lui permettait d’avoir la majorité absolue afin qu’une nouvelle histoire commence». Tandis que Guy Teissier souhaitera à sa concurrente victorieuse «beaucoup de courage pour l’entreprise très périlleuse qu’est la gouvernance de cette ville. Pour moi, pour nous, le combat continuera». Michèle Rubirola ne cachera pas éprouver: «Une immense fierté à vous représenter aujourd’hui dans ce fauteuil de maire qui a vu défiler devant lui des générations d’élus et d’illustres prédécesseurs. J’ai une pensée sincère pour Monsieur Jean-Claude Gaudin qui a donné une grande partie de sa vie à cette belle fonction et qui restera dans la mémoire de cette ville. Je mesure le poids des responsabilités qui me sont confiées en particulier dans un contexte de crise économique, sociale et sanitaire. Mais je mesure aussi l’espoir que notre mouvement a suscité».
«On agira toujours dans l’intérêt général»
Michèle Rubirola déclare: «Je n’ai jamais exercé ce type de fonction politique. Mais ne doutez pas de ma détermination à prendre les bonnes décisions. Je sais que nous allons très vite être confrontés à des choix déterminants et soyez-en sûrs, j’assumerai toutes mes responsabilités». Une nouvelle fois elle aura quelques mots en direction de Benoît Payan «qui a su porter très haut la politique en préférant l’intérêt de Marseille à son destin personnel. Merci Benoît je n’oublie pas que je ne serais pas à ce poste si tu n’avais pas choisi de te retirer, merci pour ton aide, ton expérience et surtout le regard lucide et bienveillant que tu portes sur Marseille et qui nous sera précieux pour préparer l’avenir». Et de s’adresser à toutes les Marseillaises et tous les Marseillais.
«Aux « gens de peu », ceux qui vivent avec moins de 950 € par mois, aux « gens de rien », ceux à qui il ne reste que leur dignité, à tous ceux qui souffrent de la misère et de la pauvreté, fléaux de notre ville, à tous je veux leur dire on ne vous abandonnera pas». A tous ceux qui ne sont pas allés voter par dégoût, désespoir ou désaveux de la classe politique, à ceux qui ne croient pas dans leurs élus et qui doutent de leurs institutions elle envoie le message suivant: «On agira toujours dans l’intérêt général, au service de tous, avec le même souci d’égalité quelles que soient nos différences, je veux que chacun retrouve la fierté d’être Marseillais et se retrouve dans leurs représentants». Et, insiste-t-elle:«A tous les citoyens engagés, dans la vie civique, dans l’animation de leur quartier, aux lanceurs d’alerte, aux responsables associatifs, à toutes ces Marseillaises et tous ces Marseillais mobilisés pour tenter d’améliorer la vie et créer du lien social. Je veux les remercier, la démocratie locale a besoin d’eux et ils seront nos interlocuteurs». Le monde économique n’est pas oublié: «Aux entrepreneurs, aux commerçants, aux artisans, aux entreprises de l’économie sociale et solidaires, du tourisme, aux start-up à toutes les forces économiques capables de nous aider à redresser Marseille. Ensemble nous réussirons parce que nous avons du caractère, des atouts indéniables et que nous saurons tirer profit de toutes les richesses offertes par notre Cité». L’appel à la mobilisation se poursuit en direction des chercheurs, universitaires, intellectuels: «dont la vision nous sera utile pour penser la ville et anticiper les grands défis qui nous attendent : la transition écologique, la réduction des inégalités, la dignité de chacun, le vivre ensemble».
«Le clanisme, le népotisme, le clientélisme ont vécu»
Elle en vient à la jeunesse: «Je veux une ville jeune et festive où les jeunes ont envie de rester. Je veux dire aux enfants d’immigrés de plusieurs générations, qui peuvent parfois se sentir à la marge, vous êtes chez vous à Marseille et nous avons besoin de vous, de vos talents, de votre énergie. Tous vous méritez notre respect». Enfin elle s’adresse au personnel municipal pour lui proposer «un nouvel élan dans les politiques publiques, je veux les assurer de toute ma confiance et ma détermination à les écouter pour un retour à l’équité et libérer les compétences». Assurant ensuite que: «le clanisme, le népotisme, le clientélisme ont vécu». Évoque le projet d’une ville plus verte, plus juste et plus démocratique. «Aussi je demanderai au conseil municipal de suivre les préconisations de la Chambre Régionale des Comptes. Là est l’urgence et nous voterons un premier budget qui s’inscrit dans cette trajectoire. Ainsi nous dégagerons des marges de manœuvres. Vous l’avez compris, je veux aussi faire de la lutte contre tous les gaspillages une priorité, gaspillage de l’argent public comme gaspillage des ressources ou des énergies». Michèle Rubirola de conclure: «Je m’engage à servir ma ville avec courage et humilité, sans mentir et sans tricher, en essayant d’être digne du mandat que vous me confiez et ayant toujours présent à l’esprit l’attente de nos populations».
Michel CAIRE