Publié le 10 septembre 2015 à 21h40 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
C’est à la Villa Méditerranée à Marseille que Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur est venu ouvrir la journée d’étude nationale de la réforme de l’asile, organisée par la Fnars (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale). Alors que l’ancien Président de la République se prononce pour un statut provisoire de réfugiés politiques, Bernard Cazeneuve de rétorquer: «Dans l’Histoire longue de notre pays, est réfugié quiconque est persécuté dans son pays en raison de ses origines, de sa religion, de ses convictions. Ce statut de réfugié, il n’est pas divisible, il est un et indivisible comme la République. Comment pourrait-on dire à des gens qui fuient les persécutions que nous les accueillons mais qu’ils devront repartir. Qui peut dire combien durera la guerre ? Comment imaginer que des gens construisent leur vie ici avant d’être chassé ? Nous ajouterions alors aux persécutions, les incertitudes et la précarité d’une situation incertaine», poursuit-il avant de rappeler: «Est-ce que la France a dit à ceux qui ont été conduits ici par la guerre d’Espagne qu’ils retourneraient chez Franco une fois la guerre terminée?». Et de conclure à ce propos: «La République n’est jamais aussi belle, aussi forte que lorsqu’elle prend dans ses bras tous ses enfants». De la même manière il répond à ceux qui, en France, disent ne vouloir accueillir que des Chrétiens. «En Syrie, on voit les exactions monstrueuses de Daesh et de Bachar El Assad et, leurs victimes sont de toutes religions, de toutes opinions». «Lorsque l’on est face à une telle réalité on ne négocie pas avec les valeurs. On ne fait pas de concessions aux principes parce que des élections se profilent», assène-t-il. «D’autant qu’en France, tient-il à souligner, il n’y a pas de déferlement des migrations. Alors, il serait bon de convoquer l’esprit des grands républicains et pas les peurs, les amalgames. Nous avons connu l’an dernier une baisse de 2,34% des migrations car ce n’est pas une destination que vendent les passeurs. Et, sur les premiers mois de l’année, nous n’assistons pas à une progression». Bernard Cazeneuve recevra ce samedi les Maires de France, certains exprimant quelque inquiétude. «L’État prendra ses responsabilités, sera aux côtés des Maires qui s’engagent», assure-t-il. Avant de prévenir: «Nous sommes dans un moment historique, soit nous basculons dans les bas instincts soit dans l’honneur».
«La réforme du droit d’asile va redéfinir en profondeur la procédure et le modèle d’accueil des demandeurs d’asile»
Cette journée d’étude nationale de la réforme de l’asile était organisée par la Fnars qui regroupe 870 associations de solidarité et organismes qui vont vers et accueillent les plus démunis. Réseau généraliste de lutte contre les exclusions, la Fnars promeut le travail social, ouvre des espaces d’échanges entre tous les acteurs du secteur social, et défend la participation des personnes en situation d’exclusion à la réflexion sur les politiques publiques qui les concernent. La Fédération considère: «La réforme du droit d’asile va redéfinir en profondeur la procédure et le modèle d’accueil des demandeurs d’asile. Les associations et les travailleurs sociaux sont en première ligne et vont être concernés par cette réforme qui fera évoluer leurs missions à l’égard des migrants». Dans ce cadre, cette journée du 10 septembre a pour objectif de permettre aux associations et intervenants sociaux de s’approprier cette réforme, d’en comprendre les enjeux, les écueils. Bernard Cazeneuve rend hommage, avec humour, au travail des associations : «Nous avons des relations subtiles (rires dans la salle), intéressantes et riches». Il déplore: «Il m’arrive, lorsque nous nous rencontrons, de ressentir un peu de méfiance. Certes, je dois prendre des décisions, et je l’assume, y compris pour des étrangers en situation irrégulière. Mais, je voudrais que nous puissions surmonter cette méfiance car le ministre de l’Intérieur ne pourrait rien faire sans vous. Alors, vous ne me facilitez pas la vie, mais vous n’êtes pas fait pour cela. Si vous me la facilitiez vous seriez moins utiles à la République».
«3 300 personnes travaillant dans des filières de passeurs ont été arrêtées depuis le début de l’année»
Bernard Cazeneuve en vient à la situation des migrants à Calais, rend en premier lieu hommage à la qualité du travail associatif, il poursuit : «J’entends parfois des choses qui ne correspondent pas à la réalité. Des hommes, des femmes, parce que leur destin est brisé, veulent rejoindre l’Angleterre qui leur a été vendue comme un Eldorado. J’ai souhaité changer de politique à Calais où je me rends toutes les 5/6 semaines. Oui, il faut décourager les passeurs de faire du trafic humain. J’ai donc voulu sécuriser les frontières car autrement cela aurait été une invitation aux passeurs de poursuivre. Comment accepter cela alors qu’ils prennent jusqu’à 5 000 euros par personne pour conduire parfois jusqu’à la mort ces migrants ?». Il précise notamment: «3 300 personnes travaillant dans des filières de passeurs ont été arrêtées depuis le début de l’année. C’est une action que nous allons poursuivre avec Europol et Interpol. Et puis, donc, il y a ces hommes et ces femmes, pourchassés, qui n’aspirent qu’à une vie tranquille. Ils ont droit à un accueil digne de la France. Nous devons faire cela avec volonté, détermination, même si cela prend du temps du fait des appels d’offre. Et je rendrais compte de l’action que nous conduisons».
«Il n’est pas admissible que des pays affirment être prêts à payer pour ne pas accueillir de migrants»
Il aborde ensuite la question de l’action de la France au niveau européen : «Il y a un an, lors d’une tournée des capitales européennes, j’ai dit que la situation libyenne était préoccupante et qu’il faudrait du temps avant qu’une solution politique émerge. Et qu’il fallait donc faire face à un flux migratoire avec les valeurs humanistes qui ont construit l’Europe. Et les propositions françaises sont devenues franco-allemandes puis européennes. Mais, dès lundi, à Bruxelles, nous rappellerons que les propositions tardent à se mettre en œuvre, ce qui est funeste. De même, Il n’est pas admissible que des pays affirment être prêts à payer pour ne pas accueillir de migrants. L’Europe ne sera plus l’Europe si chaque pays qui la compose ne se donne pas comme devoir d’accueillir des personnes persécutées ».
Michel Vauzelle, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui, depuis de longs mois, est mobilisé sur la question des migrants, lançant notamment l’appel «Nous sommes Tous méditerranéens» considère: «Bernard Cazeneuve a apporté les précisions qui s’imposaient. Nous avons là un ministre de l’Intérieur, responsable du maintien de l’ordre, qui ne perd jamais de vue cette dimension tout en tenant un discours très clair sur la France des droits de l’Homme. Il a également mis en adéquation la politique européenne, nationale et régionale».
Michel CAIRE