Publié le 12 août 2015 à 21h13 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
L’historien et sociologue Benjamin Stora est intervenu avec force sur la situation de ceux qu’il appelle les «damnés de la mer». Sans oublier les nombreuses actions de Michel Vauzelle, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur notamment avec l’appel « Nous sommes tous Méditerranéens ». Le débat est ouvert. Destimed donne la parole aux politiques. Après Sophie Joissains sénatrice UDI c’est au tour de Christian Kert député LR d’intervenir.
Concernant les migrants en Méditerranée quelles solutions envisagez-vous?
La question de fond est de savoir si nous avons pris la juste mesure des événements: sommes-nous bien conscients que ces flux migratoires économiques ne vont pas se tarir d’eux-mêmes? Sommes-nous bien conscients que ces dizaines de milliers de malheureux qui viennent s’échouer sur nos plages, dans nos ports, aux barbelés de nos frontières n’ont plus rien à perdre ? Et voilà pourquoi, comme à Calais, ils risquent jusqu’à leur vie pour «passer». On dit que la Méditerranée est un berceau de civilisation. Elle est aujourd’hui une région du monde où le drame est quotidien. J’ajoute qu’il pourrait y avoir un risque d’aggravation de ces flux avec les changements climatiques qui risquent d’induire des sécheresses aux conséquences aujourd’hui difficiles à évaluer. Il nous faut donc, après avoir pris l’exacte mesure du phénomène, adapter des solutions. Il n’y en a aucune qui sera facile. Aucune qui sera indolore. Aucune qui sera gratuite. Moi, je rejoins Jean-Louis Borloo qui a établi un constat : les sommes déjà considérables qui ont été investies pour tenter de parer à une migration massive ont-elles portées leurs fruits : réponse non. Pourquoi ? Parce qu’on a traité les effets, pas les causes. Les causes, elles sont endogènes à bien des pays du continent africain : il n’y a aucun espoir d’existence là bas, l’espérance est ailleurs. Cet ailleurs est chez nous. Ce qui devient une erreur de plus en plus criante chaque jour qui passe. Il faut donc agir à la source. La source ce sont les pays d’origine. Comment les aider à reconquérir les territoires de l’acceptable ? Borloo a pensé à l’énergie par laquelle passe le progrès, l’éducation… Il a raison, même si ce n’est pas suffisant. Il faut « recycler » les aides. Il faut que, dans nos consciences, nous acceptions le principe d’aider des pays à réussir chez eux. Car, ne perdons jamais de l’esprit que pour un migrant la solution de l’exil c’est la dernière perspective qui s’offre à lui de vivre. Faisons le vivre chez lui dans des conditions qui lui offre un avenir. Ce ne sera plus un migrant. Hier, ils étaient des centaines, demain ils seront peut être des milliers. Si nous ne sommes pas profondément interpellés par cet état de fait, nous passons à côté de l’un des grands enjeux humanitaires de ce premier quart de siècle.
Grèce, Italie, Europe. Une grande conférence ne s’impose-t-elle pas ?
C’est évident que nous ne pouvons pas laisser la Grèce et l’Italie face à cet afflux massif de migrants. Mais attention, l’Angleterre doit également mesurer qu’elle ne peut pas se contenter de rejeter la responsabilité de l’afflux migratoire sur ses ports aux seuls voisins européens. Sa politique migratoire et de sécurité est également en cause. Je n’entrerai pas dans le détail des mesures que l’Europe pourrait, devrait, prendra peut être. J’en ai parlé cette semaine avec des collègues parlementaires européens qui -et cela m’a un peu rassuré- m’ont confié que cette problématique devenait une priorité. Je m’en tiendrai à la philosophie d’une nouvelle approche européenne : il faut sortir du «chacun pour soi»! Il faut cesser d’entendre des pays dire à leurs voisins : «C’est à vous de faire, pas à moi». Ce n’est pas ainsi qu’un grand continent peut être à la hauteur des enjeux. De la même façon qu’il va y avoir une grande conférence sur le climat, à Paris, il doit y avoir une grande conférence européenne sur les migrations. Le thème ce doit être «Migrations ? Quelles solutions». Des solutions pratiques, communes, partagées. Sur le plan législatif et réglementaire, on saura faire. Mais où mettre l’argent de l’Europe pour être efficace et pour répondre à l’exigence humaine ? Une conférence qui ne renvoie pas à une autre conférence ! Un mot encore : la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est l’une des plus exposées, nous l’avons dit. Je vois une chance d’ouvrir largement le débat : les élections régionales de décembre prochain. Au-delà des programmes que chaque camp politique va présenter et, par delà les clivages, la campagne pour ces élections, spécifiquement chez nous, doit permettre d’esquisser des solutions concrètes. Celui des candidats à la présidence de cette région qui ne le ferait pas prendrait le risque insensé de couper cette région de la réalité du monde.
Propos recueillis par Jacky NAIDJA