Publié le 14 octobre 2021 à 17h14 - Dernière mise à jour le 1 novembre 2022 à 16h25
Le Congrès mondial de la nature qui vient de se tenir à Marseille a permis de découvrir moult projets. Sur le stand de l’Ifremer c’est la mission Océan qui nous a interpellés. Une nouveauté pédagogique qui fait entrer l’océan dans les collèges. Entretien avec Alain Gautier chef de projet « Mission Océan », responsable d’accompagnement pédagogique à l’Onisep et enseignant de technologie au collège, 30 ans durant.
Destimed: L’Ifremer participe à un projet innovant pédagogique qui s’appelle Mission Océan. En quoi consiste cette nouvelle pédagogie? Alain Gautier: «Mission Océan», c’est un projet multipartenaires, porté par le ministère de l’Éducation nationale, la Fondation Dassault Systems, l’Ifremer, l’Onisep et le réseau Canopée. Ce projet a pour vocation de faire entrer les sciences dans les programmes scolaires, en cycle 4, c’est à dire de la classe de 5e jusqu’en 3e. On s’est aperçus que les sciences océaniques ne sont pas encore très présentes dans les programmes scolaires et par le biais de ce partenariat, nous allons les faire entrer en se basant sur les compétences des programmes. Les professeurs vont pouvoir s’en emparer et distiller les sciences océaniques, les problématiques autour de la mer, le développement durable, auprès de leurs élèves. Cet enseignement est innovant pour quelle raison? Il y a des activités informatiques qui utilisent énormément la 3D. C’est quelque chose qui permet de faciliter les apprentissages, l’élève comprend un peu mieux les systèmes, les organismes. La 3D c’est quelque chose de ludique qui va augmenter l’accroche, la motivation et la concentration. A partir du moment où il y a la concentration, l’élève va pouvoir faire l’activité, sans frein. C’est important mais il n’y a pas que des éléments virtuels, il y a aussi du concret on réalise des expériences en utilisant des imprimantes 3D avec des petites animations et des maquettes qui permettent d’aller plus loin que des contenus essentiellement virtuels. On est dans le domaine des sciences, l’élève a besoin de manipuler. C’est très important car cela devient concret, et le fait de croiser ces technologies, le virtuel, une pédagogie active et des maquettes, l’élève va peut-être trouver sa voie, dans les sciences océaniques et dernière couche du dispositif, les métiers. Les professeurs vont pouvoir parler ainsi des métiers et peut-être susciter des vocations . Toujours à propos de cette pédagogie qui devient quand même pratique avec ces maquettes c’est nouveau plutôt nouveau dans l’enseignement des sciences qui est plutôt théorique. On ne bricole pas dans ce domaine… On va éviter de parler de bricolage au niveau des maquettes. On se base toujours sur des représentations authentiques qui proviennent de la recherche et de l’industrie. On va imaginer, par exemple, des hydroliennes qui n’utiliseraient plus d’hélice, qui est une invention purement humaine, on ne trouve pas d’hélice dans les océans. Mais, en observant la nature, le vivant, on va passer à la biomimétique. On peut imaginer des innovations durables, et là, les élèves travaillent, par exemple, sur une hydrolienne. On leur demande de réfléchir sur des systèmes qui pourraient utiliser le mouvement ondulatoire du poisson, une hydrolienne qui pourrait fournir de l’énergie, se déplacer, avec le mouvement ondulatoire du poisson, c’est possible. A propos des métiers, l’Ifremer a l’image d’un groupement de chercheurs, même de haut niveau, il y a des satellites, des robots sous-marins, est-ce qu’il y a de la place pour tout le monde ? Il y a de la place pour tout le monde. On a une activité qui s’appelle robotique sous-marine, l’élève va faire de la télé-opération sur un petit bras robot, une maquette, mais derrière tout cela après, on va lui dire: «Tu vois ce robot il a été fabriqué par des techniciens, par des personnes qui ont des bac pro. Il y a des personnes qui sortent du lycée professionnel, avec des CAP, et on a besoin de toutes ces mains. L’objet, en lui-même, c’est de la très haute technologie, mais sans toutes ces mains, ce projet n’aurait pas pu avoir lieu.» On parle d’électronique, de mécanique, de programmation… Il y a des nouvelles formations notamment la mécatronique, c’est un mélange de mécanique et d’électronique. On parle de tout cela aux élèves et finalement, chaque élève va pouvoir se positionner, par rapport à cette offre, de formation et de métier. On sait que l’élève est largement responsable de sa formation. Est-ce qu’il y a assez d’écoles de formation à ces nouveaux métiers océaniques ? Dans les sciences océaniques les formations sont en train de se monter. De nombreuses universités proposent des enseignements de spécialité, des options, autour des sciences océaniques, c’est en train de prendre de l’ampleur. On s’est aperçu que l’océan c’était vraiment quelque chose d’important. Notre planète, elle est océane et finalement il y a plein de métiers qu’il fallait les inventer. On va inventer les métiers de demain, dans ce domaine-là. Les centres de formation sont plus implantés vers la Manche que la Méditerranée? Pour l’essentiel, pour l’instant. Ils sont implantés sur les façades maritimes c’est vrai mais, le défi océanique, il se passe aussi sur la terre. Il y a des Universités qui commencent à ouvrir des enseignements sur les océans et c’est très important. Quand on parle de pollution plastique, elle est essentiellement terrestre, et elle commence, dans les glaciers, autour du Mont Blanc donc la pollution commence bien ici. On a parlé d’un programme pour l’Éducation nationale en France. Est-ce qu’il y a en Europe, par exemple, déjà des pédagogies pour les sciences océaniques ? Oui, c’est en train de se mettre en place. En France cela ne fait 2 années que ce projet a été lancé parce qu’on s’est aperçu qu’en tapant le mot océan, dans les programmes, il n’y avait pas grand-chose. On s’est dit c’est quand même dommage. Dans les autres pays d’Europe on retrouve cette même idée qu’il fallait développer les sciences océaniques. Dans des salons importants comme à l’UICN, on en parle, les politiques en parlent, et c’est en train de germer dans toutes les Universités d’Europe, dans toutes les écoles. La thématique océanique, c’est quelque chose qui intéresse énormément les élèves, on peut les émerveiller avec les océans, on peut les faire observer, on peut les faire innover et manipuler, donc il y a matière pour travailler, en France et dans tous les pays d’Europe. Est-ce que ce Congrès mondial de la nature qui s’est tenu à Marseille a été important pour vous ? Très important pour nous, parce qu’il nous a donné une visibilité internationale. On a eu pas mal de visiteurs, des Américains, des Anglais, des Allemands qui sont venus sur notre stand, des pédagogues mais aussi des décideurs, des personnes de l’Assemblée nationale, des personnes des ministères, on voit bien qu’il y a une vraie attirance pour ce projet parce qu’il va faire entrer l’océan à l’école et c’est ce qui manquait. On apporte, plus ou moins, les outils clés en main aux enseignants, et les élèves vont être ravis de pouvoir travailler sur ces maquettes…. [(