Publié le 18 mars 2018 à 10h10 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h39
«Tous les soirs mon père, en rentrant de son travail me montrait ses mains crevassées par le froid, le gel, le ciment. Alors, si j’admire ce métier, j’ai tout fait sur le plan scolaire pour y échapper. J’ai été aidé en cela par un instituteur, véritable Hussard Noir de la République», explique, ému, Mohamed Laqhila, député (LREM) des Bouches-du-Rhône, à l’occasion de la cérémonie de remise par Jean-Vincent Placé ancien ministre, de ses insignes de chevalier de l’ordre national du Mérite, en présence de Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, président de la métropole Aix-Marseille-Provence, Serge Gouteyron, sous-préfet d’Aix-en-Provence, représentant le préfet Pierre Dartout et de très nombreuses personnalités au rang desquelles nombre d’experts-comptables et de commissaires aux comptes…
Jean-Claude Gaudin met en exergue l’originalité du moment: «On ne décore pas normalement un parlementaire mais, vous avez obtenu cette décoration antérieurement à votre élection» avant d’exprimer «respect, considération et reconnaissance» au récipiendaire. Il revient à Jean-Vincent Placé de retracer le parcours de Mohamed Laqhila, de Oulmès, où il est né, au Maroc, à la commune de La Bâtie-Neuve, dans les Hautes-Alpes, jusqu’à son métier d’expert-comptable depuis 1991. Engagé syndicalement, il a été président de l’Ordre régional des experts-comptables de Paca de 2012 à 2016 puis président de la Fédération nationale des experts-comptables et commissaires aux comptes de France dont il a démissionné en septembre 2017, à la suite de son élection au poste de député de la 11e circonscription des Bouches-du-Rhône. Et de rendre hommage à un parcours riche «qui montre que la France ne se réduit pas à un héritage gaulois mais qu’elle est le fruit d’une passion pour les valeurs de Liberté, d’Égalité et de Fraternité». Évoque le départ de son père du Maroc, dans les années soixante, pour travailler dans les Hautes-Alpes et sa mère restée seule pour élever ses enfants avant de pouvoir rejoindre son mari.«C’est le départ pour la France, raconte Vincent Placé, un déchirement, l’arrivée à La Bâtie-Neuve. L’instituteur qui est là, qui reste après la classe pour vous aider à apprendre le Français. Le directeur de l’école qui, voyant un potentiel en vous, vous guide. Une fois vos études finies vous retournez au Maroc et c’est là que vous mesurez à quel point la France est votre pays. Et je peux vous dire, moi qui suis né en Corée du Sud, abandonné, adopté à l’âge de 7 ans par une famille vivant en Normandie à quel point on a un lien spécial avec son pays d’accueil».
«La République reconnaît tes mérites, je t’accorde mon respect»
Mohamed avoue alors que, loin de tout protocole, il a également demandé à Lionel Canesi qui lui a succédé à la présidence de l’Ordre régional des Experts-comptables Marseille-Paca de prendre la parole. Ce dernier explique: «J’ai seulement envie de parler de l’homme, de l’ami, du grand-frère. Il est un animateur, c’est à dire celui qui donne une âme, du mouvement. Avec lui, un dossier qui pourrait être banal devient un feuilleton. Un deuxième mot me vient: celui d’amitié qui se construit dans la confiance, le respect, l’écoute et, toujours, la fidélité. Enfin il y a la famille, la sienne et celle des proches, des experts (…)». Et Lionel Canesi de conclure: «La République reconnaît tes mérites, je t’accorde mon respect».
Mohamed Laqhila ouvre son intervention en remerciant le Préfet pour avoir accepté que la réception se déroule à la Préfecture: «Ce lieu qui représente l’État et la République, les valeurs de Liberté, Égalité et Fraternité auxquelles on me permettra d’ajouter Laïcité». Il évoque le père d’un de ses amis qui était expert-comptable. «Il a allumé une flamme que j’ai entretenue». Remercie tous les membres de son équipe: «avec qui je partage cette médaille». Rend hommage à son épouse, Malika, à ses trois enfants, savoure l’art d’être grand-père: «Sans vous, je ne suis pas grand-chose et je suis tellement fier de vous». Il en vient aux deux personnes «les plus courageuses, tendres et sévères à la fois qui m’ont élevé. Ils ont quitté leur village, fait 3 000km pour nous donner à moi, mon frère et mes 2 sœurs toutes les chances». Parle du dur labeur de son père, de cette mère qui, pouvant enfin rejoindre son mari va travailler à l’usine: «Ma mère qui, lorsque je lui téléphone tout fier pour lui dire que je viens d’être élu président de l’ordre des experts-comptables me dit: « Et alors, tu n’es pas Président de la République ». Cela évite d’avoir la grosse tête. C’est à vous deux que reviennent tous les honneurs».
Michel CAIRE