Publié le 19 mai 2015 à 23h30 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
La scène artistique contemporaine en Tunisie est riche, variée et fertile. Avec «Traces… Fragments d’une Tunisie contemporaine», projet composé de deux expositions successives – Fragments I (du 13 mai au 28 septembre 2015) et Fragments II (du 4 novembre 2015 au 29 février 2016)-, le Mucem donne à voir en images la jeune création tunisienne. Sana Tamzini, commissaire de l’exposition avec Thierry Fabre, d’expliquer: «Je ne voulais pas d’une exposition sur la révolution, cela n’a aucun intérêt, la révolution fait partie de notre histoire, elle n’est pas notre histoire. Et l’histoire, nous souffrons de ne pas l’archiver, alors, c’est très important d’en mémoriser des fragments». Ce Fragments I rassemble des œuvres d’Ismaïl Bahri, Héla Ammar, Fakhri El Ghezal, Souad Mani et Zied Ben Romdhane. Et, grâce au collectionneur Mohamed Bennani, des traces anciennes, avec les œuvres d’Abdelhak El Ouertani, l’un des premiers photographes tunisiens.
Thierry Fabre reprend : «Nous n’ignorons pas les bouleversements politiques considérables que connaît ce pays mais, la révolution esthétique a précédé la révolution politique. Et il est d’autre part ici question de traces, de leur effacement, leur réapparition. Ce désir de traces est apparu comme faisant sens».
Fakhri El Ghezal est l’un des membres fondateurs du collectif « Politiques » «photographie le moment du vide, explique Thierry Fabre, celui où on enlève les portraits officiels. Les uns remplacent Ben Ali par les photos d’Habib Bourguiba, certains par des sourates alors qu’il en est qui laisse le vide». Sana Tamzini reprend: «L’espace public a longtemps souffert de la présence de présidents dont l’image était omniprésente. Ce fut d’abord le cas avec Bourguiba puis avec Ben Ali qui nous a étouffés sous le mauve, sa couleur préférée». Ce vide est là, comme une liberté, la liberté d’en faire ce que l’on veut. «Héla Ammar, poursuit-elle, part du constat que nos mémoires sont fragmentées et que la révolution fait s’écrouler toute notre pyramide de repères. Alors, on se tourne vers notre passé, les archives familiales comme nationale pour découvrir qu’elles sont fragmentées, qu’elles comportent des vides. Donc elle crée une composition, rassemble des fragments pour donner l’impression de reconstruire un passé sans faille». L’artiste utilise un fil rouge pour broder ses images «la broderie évoque le temps, la précision, le caractère précieux des matériaux, c’est cela la transition que nous vivons».
Thierry Fabre invite à se poser, se nourrir de Film, l’installation d’Ismaïl Bahri, réflexion sur l’information, le déroulement du temps. Il convient également de s’arrêter devant la quête poétique de la plasticienne et vidéaste Souad Mani. Travail autour d’un même lieu, à la même heure, à des jours différents. Ce paysage ne s’efface pas, il se métamorphose, image par image.
Thierry Fabre en vient à Zied Ben Romdhane : «Il photographie là où on ne peut pas. Et, ainsi il interpelle notre imaginaire, ses images sur Gabès ne sont en rien celles que l’on peut attendre d’une oasis. Un groupe chimique pollue l’oasis et la mer, à proximité d’un petit village dont la population lutte. Ce qu’il nous révèle est à la fois cruel et lumineux». Une deuxième série « Zone d’attente », concerne un camp, à la frontière entre la Libye et la Tunisie «avec un arbre, comme les racines, la foule, la souffrance». Et puis, on découvre les œuvres d’Abdelhak El Ouertani qui a appris la photo auprès des frères Lumière et qui est mort à l’âge de 24 ans, tué par des brigands dans le Sahara tunisien.
Michel CAIRE
Il est également à noter Temps fort autour de l’exposition « Traces … Fragments d’une Tunisie Contemporaine » jusqu’au 6 juin
Fragments I : 13 mai-28 septembre 2015
Fragments II : 4 novembre- 29 février 2016- Bâtiment Georges Henri Rivière. Exposition temporaire au fort Saint-Jean