Publié le 22 février 2020 à 11h06 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 9h47
«Marseille a eu la chance de rater les trente dernières années. Nous allons transformer cela en modernité», lance Arnaud Devigne qui mène, dans les 1er et 7e arrondissements, la liste conduite par Yvon Berland, candidat à la mairie de Marseille soutenu par LREM. Afin d’expliquer les ambitions portées à ce secteur, il met en exergue le quartier de Noailles (1er), situé en plein centre ville : «Il ne faut surtout pas le détruire ni en faire un lieu aseptisé ce qui ne veut pas dire qu’il doit rester en l’état, tout au contraire». Constate que: «le sentiment d’abandon est bien réel dans le centre. Au mieux, la négligence a prévalu durant des années, mettant à mal notre qualité de vie et parfois notre sécurité. Rues insalubres, absence de prévention sur le bâti, urbanisation débridée dans le 7e arrondissement, absence de réflexion sur les transports, espaces verts quasi inexistants, sentiment d’insécurité diffus, écoles en péril. Les manquements sont nombreux.»
«Noailles doit devenir un lieu de reconquête républicaine»
Pour pallier cette situation, le centre-ville doit devenir un laboratoire de transformation et notamment Noailles, indique-t-il: «Abandonné par les pouvoirs publics Noailles doit devenir un lieu de reconquête républicaine en redonnant tous ses moyens à l’école, la sécurité, en mettant fin aux trafics, en développant le nettoiement, en réhabilitant le logement…». Le secteur n’a manqué ni de promesses, ni d’échecs, Arnaud Devigne explique comment les choses devraient changer, évoluer: «D’abord nous sommes persuadés que ce secteur a un vrai potentiel, une dimension de souk dans ce que cela peut avoir d’informel, de porteur de diversité. Le souk, tu y entres pour la surprise, sans savoir ce que tu vas trouver, tout le contraire d’une grande surface. Mais ce ne doit pas être qu’un lieu de commerce, ce doit être aussi un lieu où il fait bon vivre avec des commerces qui proposent des produits que l’on ne trouve nulle part ailleurs, mais aussi des enseignes, des cuisines du monde».
«Il n’est pas question pour nous d’imposer par le haut»
«Pour que cela marche, poursuit Arnaud Devigne, il n’est pas question pour nous d’imposer par le haut mais construire avec la population, réaliser ici comme dans tout ce centre un modèle du vivre ensemble. Nous allons, avec la population, les commerçants, trouver un modèle de développement propre au secteur. Et, encore une fois, pas question d’imposer, la redynamisation du centre-ville viendra par capillarité avec les forces de ce territoire. C’est ainsi que nous réenchanterons Noailles. Pour y parvenir encore, il faudra aussi de nouveaux acteurs qui ont envie d’y vivre, d’y travailler et qui ne sont pas usés par les difficultés quotidiennes. In fine, nous voulons du beau et du bon pour tous, ce qui est le contraire de la gentrification qu’a pu connaître Paris et qui a vu ses quartiers perdre leur âme». Un projet, insiste-t-il: «qui entend permettre à tout le secteur de se développer à partir de ses forces.». Pour Arnaud Devigne, il est bien question de porter «une nouvelle approche de la ville, plus piétonne, plus humaine, plus fluide. Une ville à la fois inventive et frugale en ressources car l’écologie devra être notre obsession de chaque jour».
Généraliser la semi-piétonisation du centre-ville et l’étendre au 7e
Un programme qui prévoit de généraliser la semi-piétonisation du centre-ville et de l’étendre au 7e arrondissement «afin de supprimer les nuisances liées à la circulation de transit et aux livraisons devenues anarchiques. Cette démarche, qui s’accompagnera du développement de transports en commun non polluants et de solutions de mobilités douces, est un prérequis pour faire entrer Marseille dans ce monde plus respirable auquel nous aspirons». Dans ce cadre, Il considère que préserver la qualité de vie «implique de chérir notre environnement naturel, à commencer par notre littoral qui fait le caractère de notre secteur. Un grand projet d’aménagement, baptisé « La Vague », offrira simultanément une nouvelle manière de vivre la mer, plus écologique, un accès à de grands sites culturels et éducatifs, et de nouveaux moyens de transports au quotidien avec des navettes maritimes. Ouverture, respect, dialogue, compétence et engagement seront des marqueurs forts de notre gouvernance pour coconstruire avec vous ce nouveau centre-ville vivant, sécurisé et plus végétal».
J’ai pris, il y a 20 ans, un appartement à Belsunce
Arnaud Devigne revient sur les raisons de son engagement dans ces municipales: «Marseille m’a offert un havre familial et lumineux et j’ai envie de rendre à cette ville ce qu’elle donne, répondre à l’abandon, valoriser enfin ses atouts. Construire une ville sécure pour tous car, je n’oublierai jamais le drame de la rue d’Aubagne. Il impose de réagir, d’agir». Il revient sur son parcours marseillais. «Je suis venu ici pour la première fois il y a une vingtaine d’années quand la ville était loin d’être à la mode. Et, dès que je suis arrivé sur le parvis de la gare Saint-Charles j’ai été ému. Je suis revenu de plus en plus souvent, d’abord dans un « bed and breakfast ». Marseille était ma bouffée d’énergie, me rendait créatif. J’ai pris un appartement à Belsunce en référence à la chanson (« Belsunce break down » NDLR) et de plus le nom me plaisait. Et enfin, je voulais rester dans le centre de cette ville qui me touchait aussi par ses imperfections. Grâce au télé-travail j’ai pu m’installer ici».
«Marseille est une ville pirate»
Avec le temps, Arnaud Devigne déménage… pour aller quelques centaines de mètres plus loin. «Je me suis installé Cours Jean Ballard car je sentais des lueurs d’espoir pour ce centre, notamment grâce à des gens venus de l’extérieur qui avaient envie de lui donner un nouveau souffle et n’étaient pas usés par les inerties ambiantes, par le fatalisme médiocratique qui a trop longtemps régné ici». Il déplore: «Trop nombreux sont ceux qui ne croient plus en rien, ils anticipent les barrières, les blocages à venir. C’est avec cela qu’il faut en finir car autrement cela risque de mal se terminer. C’est d’autant moins une fatalité que Marseille est une ville pirate, au sens de maligne, débrouillarde. Elle doit renouer avec cela; nous avons envie de positionner Marseille comme une ville créative, un lieu d’échanges, la sortir de l’immobilisme, de sa souffrance pour quelle retrouve sa belle âme». De grandes ambitions qui passent, selon le candidat, par la prise en compte du quotidien: «Notre centre-ville devra redevenir un lieu où il fait bon vivre, travailler et consommer. Un territoire attractif pour les jeunes, les étudiants, les familles, les retraités, les femmes, les créatifs, les entrepreneurs et les commerçants. C’est tout cela qui fait battre le cœur d’une ville de façon durable». Il annonce qu’: «une attention particulière sera portée aux commerces qui se trouvent en tension, à la préservation de la tranquillité des habitants, de jour comme de nuit, à la création d’espaces verts qui font tant défaut et à la sanctuarisation des abords de nos écoles.».
«Je crois profondément à l’ascenseur social»
Depuis Marseille, Arnaud Devigne, aujourd’hui consultant indépendant, poursuit sa carrière nationale et internationale. Il a été notamment directeur du moteur de recherche d’emploi « Indeed » pour la France. «J’ai pu de cette manière créer, il y a deux ans, « Indeed Job Academy » pour aider les jeunes à trouver un emploi sur Internet. J’avais au préalable lancé digital actif sur Google pour former au marketing on line. Je crois que c’est un devoir pour les grands groupes d’aider la société en proposant des formations gratuites. Car, je crois profondément à l’ascenseur social». Un ascenseur social dont il a lui-même bénéficié: «Je suis issu d’une famille modeste, mon père était carrossier-tôlier, ma mère assistante médicale. C’est l’école de la République qui m’a fait grandir, qui m’a permis de bénéficier de l’ascenseur social. Très rapidement j’ai été passionné par les nouvelles technologies, le web, alors que c’était encore balbutiant. Il faut dire que j’ai toujours aimé la sociologie, l’étude de l’évolution des sociétés. Lorsque j’ai vu ce mouvement arriver je me suis dit que nous connaissions une révolution. Je suis devenu consultant en entreprise, j’ai participé au lancement de la carte Vitale en 1998. J’ai rejoint « Google » qui était alors petit en France. J’étais directeur marketing et ma mission était de gagner de nouveaux clients et de proposer de nouveaux produits. J’ai très vite eu envie d’aller au-delà, de rendre l’information accessible à tous et donc de former pour lutter contre « l’illectronisme » qui devenait un facteur d’exclusion. J’ai lancé ainsi Google pour les pro pour permettre à des patrons de tirer profit d’Internet. J’ai vendu l’idée à Google en proposant Marseille comme lieu d’expérimentation car si nous réussissions à Marseille nous pourrions réussir partout en France». Marseille qui, aujourd’hui, insiste Arnaud Devigne, «doit réussir un saut quantique. Nous ne devons surtout pas essayer de rattraper notre retard mais faire un bond directement dans le XXIe siècle. C’est quelque chose que j’ai découvert au cours de mes voyages. Des voyages sac-à-dos où tu prends le temps de rencontrer la population, de découvrir des cultures ou des voyages professionnels lors desquels tu es aussi confronté à d’autres cultures, d’autres façons de travailler. C’est passionnant. Il y a cinq ans j’ai pu travailler pour « Rocket Internet » qui lançait « Jumia », l’Amazon africain, qui représente aujourd’hui un empire. Je pilotais une équipe de plus de 800 personnes et nous avons passé une partie de l’économie africaine du marché de rue à un modèle tout à fait original où des petits commerçants sont toujours dans la proximité avec leur échoppe dans le souk mais ont, en plus, des clients sur une plateforme où ils peuvent être eux-mêmes acheteurs. C’est à dire qu’ils court-circuitent les centres-commerciaux. Il faut mesurer à quel point nous avons à apprendre de l’Afrique, combien elle peut nous montrer la voie».
«J’ai toujours détesté la politique partisane»
Arnaud Devigne en vient à son engagement politique: «J’ai toujours porté un grand intérêt à cette dernière et, dans le même temps, j’ai toujours détesté la politique partisane. Je suis un libertaire et j’ai un vrai problème avec la discipline. Puis Macron est arrivé et, avec lui, des gens qui partageaient les mêmes valeurs, les mêmes visions mais qui, pour le reste étaient libres. Des gens qui croient à l’entreprise mais qui croient aussi qu’il faut une meilleure répartition des richesses. Des gens qui croient au développement mais qui pensent qu’il doit se conjuguer avec le respect de l’environnement. Je me suis donc engagé, et c’était une première pour moi, dans la présidentielle, je me suis impliqué aussi au niveau local…».
Michel CAIRE