Publié le 3 avril 2014 à 20h25 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h47
Le Musée Regards de Provence, à Marseille, accueille l’exposition temporaire « Autour du Bateau-Lavoir. Des artistes à Montmartre (1892-1930) et la Méditerranée» (du 29 mars au 24 août). Cette exposition, à la fois plastique et littéraire, illustre l’importance majeure de la colline de Montmartre dominée par le Sacré Cœur – véritable foyer de création et lieu extraordinaire de rencontres -, et le foisonnement de l’art moderne durant la période de l’entre-deux guerres.
Cet événement regroupe des œuvres de peintres, graveurs, sculpteurs, originaires de pays méditerranéens (Grèce, Italie, Espagne et France) qui ont choisi à cette époque de vivre dans ce quartier mythique de Paris. Nombre d’artistes espagnols sont exposés au musée Regards de Provence car ils furent très nombreux à venir travailler sur la Butte.
Parmi les artistes de Montmartre, certains vinrent travailler en Provence, d’autres sont à l’origine du Fauvisme et du Cubisme.
Cette exposition, riche en émotions, permet de retrouver des artistes confirmés, tels Picasso, Braque, Derain, Dufy, Juan Gris… mais aussi d’en découvrir au premier rang desquels Gen Paul, dont la puissance picturale devrait en surprendre plus d’un.
Michel Bépoix, le commissaire de l’exposition connaît non seulement chaque artiste qui a travaillé à Montmartre mais chaque mètre carré de cette Butte en nulle autre pareille. Il plante le décor : «L’Europe traverse, à la fin du 19e et au début du 20e siècle une période de calme. Paris est indiscutablement devenu la référence artistique et culturelle, le lieu de passage obligé pour des artistes étrangers».
Tous les peintres, les sculpteurs venus à Paris «étaient rarement fortunés et se retrouvaient, par la force des choses, dans des quartiers où ils purent se loger et survivre à moindre frais. Montmartre et Montparnasse furent ainsi en quelque sorte des îlots où trouvèrent refuge ces êtres aussi doués qu’impécunieux».
Le Bateau-Lavoir
A Montmartre se trouve un étrange bâtiment, exigus et sans chauffage, sombre, qui propose des ateliers bon marché. «L’esprit du lieu et le fait qu’il ne comportait qu’un seul point d’eau donnèrent l’idée à Max Jacob de le baptiser ironiquement le Bateau-Lavoir ».
Michel Bépoix raconte : «Les artistes qui étaient là étaient très jeunes et ils étaient de véritables révolutionnaires. Même s’il pouvait exister de la jalousie, face à la misère ils étaient solidaires, savaient partager, étaient amis et cela a fonctionné jusqu’au début de la 1ère guerre mondiale».
Ces ateliers, destinés à la création «sont aussi des lieux de réunions, d’invitations et de rencontres. Sur la Place, « on prenait l’air » se remémorait Fernande Olivier, dans ses mémoires : « Souvent, les soirs d’été, tous les artistes locataires de cet étrange vaisseau de bois et résonnant s’assoient sur le seuil, devant le grand portail de bois ocré et sali » ».
Les œuvres d’Henry Bouvet accueillent le public, comme une première explosion de couleurs. L’heure est au voyage dans l’exposition, un voyage foisonnant, tant la diversité des formes, des expressions, des écoles, est grande. Arrive Juan Gris. Ici c’est Braque et son ami Picasso, l’aventure du cubisme est lancée.
Un dessin de Carlos Casamegas…
A côté de ce dernier un dessin de Carlos Casamegas : «Il avait rencontré Picasso en 1900 avec lequel il se lie d’amitié. C’est vraisemblablement lui qui subventionna leur premier voyage à Paris. Le jeune catalan tombe très vite amoureux de Germaine, une danseuse du Moulin Rouge qui l’éconduit. Picasso, voyant son ami déprimé l’amène à Malaga. Carlos Casamegas réalise quelques dessins, dont « Café d’Espagne », présenté à l’exposition. Puis il décide de revenir à Paris tenter sa chance auprès de sa belle. Échec. Le jeune homme se suicide. Cette tragédie marquera profondément Picasso et serait à l’origine de sa période bleue, la plus tourmentée».
Autre artiste présent, le Marseillais Charles Camoin qui a vécu entre le Sud et Montmartre, mais en marge du Bateau-Lavoir.
Il s’impose de s’arrêter devant «La communion» d’André Derain, œuvre toute en légèreté, en mouvements, de celui qui, avec Maurice de Vlaminck est l’initiateur du fauvisme.
Et que dire de cet autre fauviste qu’est Dufy ? Dufy dessinateur, Dufy peintre et la couleur devient mouvement.
Arrive les sculptures de Pablo Gargallo, dont une superbe «Tête de femme penchée » et une très ludique «Chanteuse de cour » qui mettent en lumière l’étendue du talent de cet artiste.
Et voilà Gen Paul, comme une gifle avec «Le comédien» ou encore «Vermouth O’clock».
Et que dire encore de cette étonnante «Tentation de Saint-Antoine» de Pierre Girieud, ou encore de ses «Tournesols»?
Manuel Hugué est aussi exposé, peintre et sculpteur, il a autant de talent que d’absence de moralité. Il organisera, entre autres, une loterie dont il sera le seul vainqueur. Marcel Leprin aurait rêvé être toréador, son amour de la dive bouteille et autres paradis artificiels en fera un peintre. Il sait mieux que quiconque, marier la couleur, la forme et une tristesse certaine «Suzanne Valandon et son chat».
Un peu à l’écart, une eau forte sur chine appliquée d’Henri Matisse. Tous est là, l’absolue économie de moyens, la force de l’évidence. Une telle force impose effectivement une solitude.
Et, puis Ramon Pichot, Léopold Survage, montrent l’importance des influences, Toulouse-Lautrec, Cézanne, dans des vies d’artistes, dans leur cheminement vers leur propre univers…
Un embarquement vers le Bateau-Lavoir s’impose, le quai est situé au Musée Regards de Provence.
Michel CAIRE
Le Musée Regards de Provence est ouvert tous les jours de 10h à 18h. Fermeture annuelle : 1er mai, 15 août. Billet expositions temporaires : Plein Tarif : 6,00 €. Tarifs réduits: 5,00 € – 4,20 € – 2,00 €.
Billet couplé expositions temporaires & scénographie permanente : Plein Tarif : 7,50 €. Tarifs réduits : 6,50 €-5,50 €
Visite commentée : tarif d’entrée + 6 € par personne (groupe de 8 à 30 personnes).
Plus d’info : Musée Regards de Provence